LECTURES VAGABONDES

LECTURES VAGABONDES

Victor Hugo : Les Misérables (tome 3) – Marius

 

 

          Aujourd’hui, nous allons avancer dans la découverte d’une des œuvres les plus célèbres de Victor Hugo : Les misérables. Voici déjà le tome 3 intitulé Marius. Il parait en 1862.

 

          Après quelques considérations hugoliennes sur les gamins de Paris (gais en apparence mais profondément tristes) et sur la ville de Paris elle-même, focus sur la masure Gorbeau, dans le quartier de la salpêtrière où vécurent jadis Jean Valjean et Cosette. Là habite le titi parisien nommé Gavroche et ses parents, les Jondrette. Nous faisons ensuite connaissance avec un certain monsieur Luc-Esprit Gillenormand, un ultra qui vit avec sa fille. D’une autre fille, il a un petit-fils, nommé Marius. Celle-ci est morte à la naissance du petit. Quant à son père, c’est un ancien colonel napoléonien dont on a déjà entendu parler puisqu’il s’agit de Georges de Pontmercy. Cependant, à l’époque de la Restauration, ni sa légion d’honneur, ni son titre de baron ne sont reconnus. Marius déteste son père car il a été élevé dans un esprit ultra-royaliste. Cependant, après la mort de celui-ci, Marius apprend à l’aimer, à l’aduler, même. Il voue également, désormais, un culte à napoléon. Son grand-père, bien évidemment, réprouve ce changement idéologique et bannit Marius de sa maison. Etudiant sans le sou, il fait connaissance d’un groupe d’étudiants : la société des amis de l’ABC, qui se réunit dans une salle du café Musain, dans le quartier Saint-Germain. Ces étudiants – Enjolras, Combeferre, Jean Prouvaire, Feuilly, Courfeyrac, Bahorel, Lesgle, Joly et Grantaire sont des révolutionnaires, amis du peuple et inconditionnels de la révolution de 1789. Ils sont un peu comme tous les étudiants de toutes les générations : certains sont idéalistes, d’autres sont humanistes, d’autres sont de joyeux glandeurs, un peu mauvais garçons. Marius, au départ, ne fait pas l’unanimité car il est, rappelons-le, inconditionnel de Napoléon et du premier empire. Cependant, le jeune homme devient avocat, même s’il met un point d’honneur à rester pauvre : Marius est un rêveur et ne goûte pas vraiment les plaisirs matériels. Il aime se promener dans les jardins du Luxembourg où il croise régulièrement un vieil homme – surnommé monsieur Leblanc – et une jeune fille qui ne l’intéresse pas, dans un premier temps. Mais un jour, il la trouve belle et un simple échange de regard suffit à déclencher la passion de Marius qui se met à fréquenter assidûment le jardin du Luxembourg…. jusqu’au jour où le vieil homme et sa fille disparaissent. Cependant, Marius fait connaissance avec la fille de son voisin – qui loge, rappelons-le, à la masure Gorbeau et se fait appeler Jondrette. Celle-ci vient mendier quelques subsides. C’est alors que le jeune homme s’intéresse à ses voisins et les espionne via un trou dans le mur. A sa grande surprise, il tombe sur sa bien-aimée qui, avec son vieux père, est venue faire l’aumône aux Jondrette.  Après leur départ, Marius est témoin des mauvaises intentions de Jondrette : à six heures, lorsque reviendra à la masure Gorbeau le vieil homme avec l’argent qu’il a promis, Jondrette et ses acolytes lui tomberont dessus pour lui extirper davantage. Affolé, Marius court au commissariat où il est reçu par un policier qui lui propose d’espionner la scène et de tirer un coup de pistolet dès que les choses s’envenimeront. Cependant, alors que le nommé monsieur Leblanc est désormais en mauvaise posture, Jondrette dévoile sa véritable identité : il s’appelle Thénardier. Marius, reconnaissant le nom du bienfaiteur de son père, hésite à alerter la police… qui apparait soudain pour arrêter les misérables. Cependant, monsieur Leblanc a disparu par la fenêtre. La suite au prochain numéro. 

 

           Ce tome 3 des Misérables est sensiblement différent des deux premiers. En effet, Jean Valjean devient un personnage externe, vu par un nouveau venu dans la saga : Marius. Certes, ce n’est pas la première fois que Valjean apparait sous une fausse identité : on se souvient qu’il fut, dans le tome 1,  monsieur Madeleine, le maire de Boulogne-sur-Mer ; on se souvient qu’à la fin du tome 2, il se fait passer pour le frère de Fauchelevent afin d’être accepté dans le couvent.  Désormais, il est monsieur Leblanc, surnom que lui donne Marius car il a les cheveux blancs. En réalité, nous ne savons pas ce que sont réellement devenus Cosette et Jean Valjean depuis le tome 2 qui s’achève plusieurs années avant le début du tome 3. Ils sont deux silhouettes qui se promènent quotidiennement dans les jardins du Luxembourg et que Marius épie par intérêt pour la belle inconnue. La vérité, elle éclate à la fin du tome et c’est Thénardier qui la révèle : il a reconnu Cosette et l’inconnu qui était venu la chercher, un jour d’hiver, à l’auberge de Montfermeil. Bref, dans ce tome, le point de vue porté sur le personnage pilier de la saga a changé. De plus, dans ce tome, les considérations hugoliennes sur tel ou tel sujet sont moins longues et plus intrinsèquement liées à l’action.

Hugo commence par planter un personnage qui n’existe pas encore dans ce tome-ci : le gamin de Paris. Certes, on comprend qu’il s’agit de Gavroche, le fils des Thénardier. Nous le suivons jusqu’à la masure Gorbeau où vit désormais sa famille. Le tome se referme sur lui, juste après l’évocation de la fuite de Valjean par la fenêtre du taudis où les Thénardier lui avaient tendu un guet-apens. L’enfant – c’est Gavroche – se promène en chantonnant dans les rues de Paris, alors que ses parents ont été arrêtés et qu’il est désormais seul. Il représente ainsi ce qui disait Hugo du gamin de Paris au début : sa gaité apparente cache un profond désespoir et beaucoup de malheur.

          Par ailleurs, ce tome est davantage axé sur l’étude sociale qui se mêle toujours aux considérations morales si fréquentes chez Hugo. Ainsi, nous découvrons le gamin de Paris, le bourgeois royaliste et ultra-conservateur : monsieur Gillenormand. Et bien évidemment, au premier plan dans ce tome, le milieu estudiantin parisien - qui se goberge d’idées révolutionnaires et qui prépare de manière encore bien innocente, les journées des trois glorieuses en 1830 – est croqué grâce au personnage de Marius. Ce dernier, après avoir adopté les idées ultra-conservatrices de son milieu d’origine va bientôt être séduit par le bonapartisme via l’adoration qu’il va bientôt éprouver pour son défunt père.

          Et n’oublions pas la puissante évocation des misérables. Certes, on a déjà côtoyé la pauvreté dans les premiers tomes. Mais dans ce troisième opus, on descend encore de plusieurs marches vers les bas-fonds de la société à travers la déchéance des Thénardier. Au passage, soulignons le fait que les Thénardier, tout comme Jean Valjean, n’apparaissent pas immédiatement sous leur véritable identité et se nomment désormais les Jondrette. Les Jondrette/Thénardier vivent dans un taudis innommable rongé de saleté et de vermine. Leurs vêtements sont en lambeaux ; leur logement, pire qu’un trou à rat est humide froid et insalubre. A ces noires conditions de vie s’ajoute la noirceur de leur âme. L’un et l’autre sont liés, d’ailleurs, comme le souligne Hugo dans l’une de ses considérations.

          Pour terminer ce tour d’horizon du troisième tome des Misérables, j’évoquerai la tendre ironie d’Hugo lorsqu’il décrit les émois d’un cœur qui n’a jamais aimé et qui découvre la douce tyrannie de ce sentiment à ses débuts. Je veux bien évidemment parler de Marius qui tombe amoureux de la belle inconnue du jardin du Luxembourg, qui n’est autre que Cosette. Hugo se plait à évoquer cette belle âme qui s’obsède pour la lumineuse apparition de la jeune fille ; il rit du changement de comportement de l’amoureux et de ses attitudes empruntées destinées à approcher Cosette avec l’air de ne pas y toucher. Ces passages ont beaucoup de charme et tranchent avec la noirceur des réalités sociales évoquées par ailleurs, avec aussi la dureté de toutes ces vies qui passent leur temps à compter les sous pour survivre.

          Ainsi, nous voilà bientôt au bout de cette grande fresque hugolienne intitulée Les misérables. L’avant-dernier tome, nous le présenterons dans quelques semaines. Il s’intitule : L’idylle de la rue Plumet. Là, nous y retrouverons Marius et Cosette, en pleine histoire d’amour.



06/07/2020
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 38 autres membres