LECTURES VAGABONDES

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Max Gallo : Les Romains (tome 2) – Néron, le règne de l’Antéchrist.


                Comme promis – après Spartacus, la révolte des esclaves - voici le second volet de la suite romanesque de Max Gallo consacrée à la Rome antique : Néron, le règne de l'Antéchrist paru en 2006 aux éditions Fayard.

                Nous sommes entre 81 et 96 après JC sous le règne de Domitien. Sérénus, le narrateur et descendant de Gaïus Fuscus Salinator (cf : Spartacus, la révolte des esclaves) se souvient des plus terribles empereurs que Rome ait jamais connus : Caligula, Claude et Néron. Mais c'est ce dernier qui occupe surtout Sérénus. Néron naît sous le règne de Caligula, frère d'Agrippine et mère de notre héros. Au départ, le futur empereur se nomme Lucius Domitius. Cependant, très vite, Caligula meurt, victime d'une conspiration et c'est l'oncle d'Agrippine, Claude, qui est désigné pour le remplacer sur le trône impérial. Claude est marié à la très concupiscente Messaline et ensemble, ils ont deux enfants : une fille, Octavie et un fils, Britannicus. Agrippine, qui n'a qu'une seule ambition, pousser son fils bien-aimé, Néron, sur le trône à la place de Claude, manœuvre de manière machiavélique. Elle pousse Claude à faire assassiner Messaline, puis épouse l'empereur, s'arrange pour qu'il adopte son fils Néron, puis se débarrasse de lui en l'empoisonnant. Dès lors, plus rien de s'oppose à ce que le jeune homme devienne empereur, d'autant plus qu'il est aimé de la plèbe. Au départ, la tyrannie et la mégalomanie de Néron sont plus ou moins contrôlées par l'enseignement d'un célèbre penseur et philosophe latin : Sénèque. Cependant, peu à peu, l'empereur s'avère être sans limites dans la débauche, la cruauté, la démesure et Sérénus décidera finalement de quitter sa Rome chérie pour la Judée - où une nouvelle religion (encore considérée comme une secte et persécutée), le christianisme, prend de l'ampleur – afin d'échapper à l'atmosphère délétère de la Ville Eternelle.

                Avec Néron, le règne de l'Antéchrist, Max Gallo nous offre de ce triste empereur un portrait conforme à sa renommée populaire. Aucune nuance, aucune facette nouvelle ne lui sont apportées. Cependant, le roman se lit sans peine, car le sujet est sulfureux et Max Gallo a su le traiter de manière équilibrée, jouant à la fois sur le portrait d'un mégalomane débauché et la peinture d'une époque décadente où les intrigues sont légions.

Ainsi, comme on s'y attend, une fois au pouvoir, Néron se débarrasse peu à peu de tous ceux qui peuvent lui faire de l'ombre, de tous ceux qui l'inquiètent ou sont susceptibles de le juger de manière négative. Ainsi, parmi les plus célèbres victimes de l'empereur, on mentionnera les enfants de Claude : son jeune demi-frère Britannicus, sa demi-sœur mais aussi épouse Octavie, sa propre mère, Agrippine, Sénèque, le célèbre écrivain latin qui fut son précepteur. Mais, bien plus que d'éliminer tous ses proches, Néron fait exécuter n'importe qui sur simple dénonciation d'un conseiller-courtisan : la terreur règne à Rome.

Outre sa paranoïa, Néron est aussi mégalomane : il se considère comme représentant du dieu Apollon sur terre et à ce titre, exige une admiration et une adoration sans bornes. Il se prend pour un grand artiste et organise des jeux dans lesquels il concourt en tant que poète, comédien, conducteur de char ; bien évidemment, de toutes ces joutes, Néron ressort immanquablement victorieux.

Néron est aussi débauché et les orgies sont, sous son règne, monnaie courante. Profusion de nourriture, de mets recherchés, mais aussi de sexe. Néron aura plusieurs maîtresses parmi lesquelles Poppée – qu'il tuera alors qu'elle est enceinte – qui accèdera au rang d'impératrice après la mort de la triste Octavie, mais aussi des amants, particulièrement deux affranchis qu'il prendra pour l'un époux et l'autre pour épouse ! Eh oui, avec Néron, le mariage gay, la polygamie, le travestissement, l'échangisme, ne sont en aucun cas tabous. Néron no limit !

Cependant, Néron est aussi, pendant longtemps, un empereur aimé et soutenu par la plèbe qu'il sait manipuler. En effet, sous son règne, des jeux démentiels sont organisés, sans limite dans la cruauté, ce qui plaît au peuple avide de sensationnel. Par ailleurs, régulièrement, l'empereur organise des distributions d'argent ou de blé.

Mais Néron n'est pas le seul personnage central du roman. Sénèque, le précepteur de l'empereur, est aussi au cœur de l'œuvre. Le célèbre philosophe stoïcien est en effet, un grand ami du narrateur Serenus, avec lequel il discute très souvent.

Max Gallo nous offre de Sénèque un portrait nuancé. Certes, il fut le précepteur de Néron, alors Lucius Domitius. A ce titre, il caresse l'espoir de faire de son élève un sage, un empereur clément et magnanime. Cependant, lorsqu'il prend le pouvoir, très vite, Néron donne des signes de mégalomanie, se considérant comme le représentant d'Apollon sur terre. Pourtant, Sénèque reste fidèle à son rôle de conseiller auprès de Néron, espérant pouvoir endiguer les velléités de ce dernier. Plus tard, lorsque Néron fait assassiner sa mère, son frère, son épouse, il justifie ces crimes, considérant qu'ils sont la garantie d'un pouvoir serein auquel il faut savoir sacrifier ceux qui le menacent. Enfin, lorsque Néron s'entoure de conseillers cruels et sanguinaires comme Tigellin, et alors que de plus en plus, Sénèque est victime d'humiliations, il justifie sa fidélité à l'empereur sous le prétexte qu'il vaut toujours mieux être du côté des puissants si on n'a pas les moyens de les abattre ; Il faut dire aussi que Sénèque s'est considérablement enrichi sous le règne de Néron : il possède plusieurs villas luxueuses, même si, dans sa vie courante, il pratique, en sage stoïcien, l'ascèse. Mais les compromissions de Sénèque avec l'empereur s'avèreront vaines : soupçonné d'avoir participé à la conspiration échouée de Pison, Néron ordonne à Sénèque de se suicider, ce qu'il fait avec beaucoup de courage. Ainsi, Serenus porte-t-il un regard critique envers Sénèque dont il soupçonne la mauvaise foi qui le met en porte-à-faux vis-à-vis de la philosophie stoïcienne.

De son côté, Serenus est de plus en plus attiré vers cette nouvelle religion, encore à l'époque, une secte : le christianisme. Il discute de ces nouvelles idées avec Sénèque qui croit en l'immortalité de l'âme, mais refuse d'adhérer à des idées de résurrection. D'autant plus que les chrétiens sont persécutés : ils parlent d'un Dieu, Christos ; or, le seul dieu sur terre, c'est Néron. C'est ainsi que les chrétions seront accusés d'avoir fomenté le gigantesque incendie qui a brûlé de nombreux quartiers de Rome, ville à leurs yeux corrompue et incarnation du mal. Ils seront donc crucifiés, enduits de poix, afin se servir de torche vivante pour éclairer des jeux d'une cruauté jamais égalée dans lesquels d'autres chrétiens seront mis à mort.

Enfin, Néron, le règne de l'Antéchrist, nous plonge dans une Rome décadente et en pleine mutation : Néron rêve de rebaptiser la ville du nom de Néropolis et de façonner l'empire romain à l'image de ceux du Moyen-Orient. Adieu les valeurs romaines de courage, de vertu, de démocratie. Bonjour la tyrannie, l'oisiveté, la débauche. Cependant, des personnages influents, fidèles aux valeurs romaines sont toujours présents et c'est avec Vespasien, soldat rude et intègre, que Serenus part pour la campagne de Judée.

Bien entendu, encore ici, Max Gallo a choisi un sujet trash qui ne met guère en exergue ce que Rome a de plus fascinant, mais ce qu'elle a de plus décadent, sanguinaire, tyrannique. On attend donc avec impatience de lire la suite : Titus, le martyre des juifs. Mais on craint bien qu'avec un tel titre, l'empire romain n'obtiendra pas encore les lauriers, et nos ancêtres seront encore considérés comme d'affreux jojos. Mamma mia ! Che tristezza !



11/09/2013
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