LECTURES VAGABONDES

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Victor Hugo : Les misérables  (tome 1) – Fantine

 

          Il fallait bien qu’un jour, je me lance dans le roman-fleuve de Victor Hugo : Les misérables. C’est en effet un incontournable de la littérature française qui m’a échappé ! Même si, comme tout le monde, j’ai vu, de l’œuvre, diverses adaptations cinématographique. Commençons donc par le commencement : le tome 1 s’intitule Fantine et paraît en 1862.  

 

          Jean Valjean vient d’être libéré du bagne de Toulon. Arrivé à Digne, il n’arrive pas à trouver une auberge qui accepterait un ancien bagnard… sauf que ! Il frappe à la porte du bon abbé Myriel qui lui offre logis et couvert. Mais Valjean, aux abois, s’échappe pendant la nuit après avoir volé l’argenterie du bon abbé. Repris par la police, il sera libéré car Myriel affirme avoir donné à Valjean les couverts d’argent… et en sus, des chandeliers (que l’ancien forçat n’avait pas volés). Déstabilisé par tant de bonté, Valjean continue à battre la campagne et retient sous son pied la pièce de quarante sous d’un petit savoyard – nommé Petit-Gervais - qui passait par là. Ce sera le dernier crime de Valjean. En 1817, une jeune fille, Fantine, tombe enceinte des œuvres d’un jeune étudiant bourgeois qui s’est amusé quelques temps avec elle. Mère-célibataire, la jeune femme confie sa petite fille, Cosette, aux Thénardier qui logent à Montfermeil, une commune située sur la route de Paris. C’est qu’il ne faut pas qu’on sache qu’elle est fille-mère ! A Montreuil-sur-mer, elle est embauchée dans la manufacture créée par le bon maire, Monsieur Madeleine. Mais bientôt, tout le monde est au courant de sa situation et Fantine est renvoyée. Pour pouvoir payer la pension de sa petite fille, toujours plus lourde, elle se prostitue, vend ses cheveux, puis ses dents. Lorsqu’elle s’insurge contre un bourgeois irrévérencieux qui lui a glissé de la neige dans son corsage, elle est arrêtée par Javert, l’intransigeant inspecteur. Malade, la jeune femme est recueillie par le maire, Monsieur Madeleine qui la place à l’hôpital. C’est alors que le passé rattrape ce dernier en la personne de Javert. En effet, l’inspecteur soupçonne depuis quelques temps le maire d’être Jean Valjean recherché pour le vol de la pièce de 40 sous. C’est tout contrit qu’il vient présenter ses excuses à Monsieur Madeleine : un certain Champ Matthieu vient d’être arrêté pour avoir volé des pommes et la chose est indéniable ; il s’agit en réalité de Jean Valjean. Monsieur Madeleine, après une nuit très agitée, décide d’aller se dénoncer au tribunal où est jugé Champ Matthieu. Il ne peut laisser un innocent encourir le bagne à sa place. C’est bientôt chose faite. Javert est chargé d’arrêter Monsieur Madeleine-Jean Valjean. Mais ce dernier a promis à Fantine d’aller chercher Cosette chez les Thénardier. Il demande à l’inspecteur de lui laisser honorer sa promesse. Devant le refus de l’inspecteur, Valjean s’évade et se lance sur les routes comme un paria : direction Montfermeil.

 

          Ce tome premier des misérables comporte, il faut bien l’avouer, quelques passages assez indigestes. L’œuvre s’ouvre en effet sur une bonne centaine de pages consacrées à la vie de l’abbé Myriel, évêque exemplaire, vivant tel Saint-François d’Assise, dans le plus complet dénuement. Certes, on comprend vite l’intention de Victor Hugo : ériger ce personnage tel un phare qui guidera Jean Valjean vers le bien ; par ailleurs, l’abbé Myriel incarne aussi les valeurs chrétiennes auxquelles Victor Hugo est attaché et qui doivent, selon lui, guider l’homme – La Vérité, la Justice et la Charité. Je dois dire que, si ces idées sont sans doute louables, je ne partage pas cette passion hugolienne pour Dieu, le Christ et tout le baltringue religieux. Ces pages m’ont donc paru un peu longuettes.

          Ensuite, lorsque démarre l’histoire de Fantine, Victor Hugo se lance dans une chronique de l’année 1817 avec tous les détails des petits événements qui ont jalonné ces 12 mois. Si ce chapitre  - heureusement court – comporte un intérêt pour le lecteur contemporain d’Hugo, pour un lecteur du XXIème siècle, il est tout simplement totalement hermétique car il y est fait mention de personnes et d’événements d’une actualité depuis longtemps oubliée.

Enfin, n’oublions pas les fameuses pages consacrées à la crise de conscience de Valjean : tempête sous un crâne. Pendant quelques dizaines de pages, Hugo décrit les tourments d’une âme déchirée entre la poursuite de son œuvre à Boulogne-sur-Mer ou le rétablissement de la vérité sur son identité. Le tout pétri, encore une fois, d’un moralisme chrétien assez lourd et démonstratif.

          Mais, lorsqu’on s’est enfin extirpé de ces passages longuets et indigestes, je dois dire que Les misérables, ça a de la gueule et qu’il serait bien dommage de passer à côté d’une telle lecture.

          D’abord, il y a les personnages qui dépassent la simple stature humaine pour incarner des valeurs universelles. Ainsi, Victor Hugo, en démocrate-chrétien, tient à mettre en avant les valeurs chrétiennes qui selon lui doivent guider les actes humains : la Vérité, La Charité, La Justice. L’abbé Myriel, puis son digne disciple, Jean Valjean, incarnent ces valeurs. Le cas de Valjean est plus complexe puisqu’il vient du « côté obscur de la force ». Bagnard, il a vécu dans une spirale dénoncée par Hugo : la spirale de la misère qui s’acharne sur les plus faibles. Condamné à une peine disproportionnée eu égard à la faute commise – des années de bagne pour le vol d’un pain – il a vu sa pénitence s’alourdir pour avoir voulu s’évader. Enfin libre, il est rejeté de tous les côtés parce qu’il est estampillé « bagnard ». Pourtant, la bonté désintéressée de l’abbé Myriel va transformer Valjean en un bienfaiteur de l’humanité. C’est ainsi qu’il transforme la ville de Boulogne-sur-Mer dont il est maire, en tachant de donner du travail aux plus nécessiteux, une école pour les enfants, un hôpital pour les pauvres. C’est ainsi aussi qu’il recueille Fantine, la fille de joie qui, elle aussi, a vécu une véritable descente infernale entrainée dans la spirale tragique de la misère. Fille-mère, elle sacrifie tout pour Cosette, sa fille. Victor Hugo fait de Fantine une sorte de sainte-mère qui donne sa vie pour son enfant.

          Reste Javert, personnage plus trouble et plus sombre. Les valeurs chrétiennes ne sont pas celles qu’il observe. Javert est l’incarnation du fonctionnaire de police dévoué corps et âme à son travail. Peu importe la teneur des ordres donnés ; Javert les exécute. Ainsi, il est prêt à démissionner pour avoir commis une erreur, mais il est aussi prêt à condamner un homme qui a fait amende honorable et qui est devenu plus qu’honnête – Valjean – pour une vieille affaire (l’affaire du vol de la pièce de 40 sous à Petit-Gervais). Inflexible, Javert incarne la morale et la dureté bourgeoises qui ne pardonnent rien aux misérables, qui les poursuit à travers une justice faite d’injustice et pourtant sûre de son bon droit.

         Bien sûr, on abrégera cette conclusion car on est pressé de lire la suite : le tome 2 est intitulé Cosette ; d’ailleurs pourquoi conclure ? Les misérables, c’est loin d’être déjà terminé.



20/04/2020
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