LECTURES VAGABONDES

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Véronique Olmi : Bakhita / Sublime Bakhita !

       

          Décidément, Véronique Olmi est une auteure à découvrir. Je viens de lire Bakhita – roman publié en 2017 aux éditions Albin Michel -  et c’est une vraie révélation. Véronique Olmi est une auteure à suivre qui obtiendra sûrement, un jour ou l’autre, un prestigieux prix littéraire.  

 

          Celle qu’on nommera plus tard Bakhita – c’est son nom d’esclave – nait à la fin du XIXème siècle à Olgossa, un petit village du Darfour. Un jour, ce village est brulé, pillé, et de nombreux enfants sont enlevés afin d’être vendus comme esclave à Khartoum, au Soudan. S’ensuit une marche exténuante vers cette ville, marche au cours de laquelle des horreurs sont commises envers les prisonniers. Cependant, la petite Bakhita se lie d’amitié avec la petite Binah qui partage son malheureux sort. A Khartoum, Bakhita est vendue et revendue à des maîtres cruels et subit de douloureux sévices dont celui du tatouage à vif sur sa peau que l’on entaille pour l’occasion. Une toute petite fille y laissera même la vie. Et puis un jour Bakhita a la chance d’être rachetée par le consul italien à Khartoum, un certain Calisto Legnani, un homme bon chez lequel Bakhita trouve enfin la paix. Mais alors que Khartoum est en pleine guerre, l’homme décide de rentrer en Italie et Bakhita parvient à le convaincre de l’emmener avec lui. Cependant, une fois arrivée près de Venise, la jeune Bakhita est mise au service de la signorra Maria MIchieli. Par ailleurs, elle se lie d’amitié avec Stefano Massarioto, homme très pieux qui souhaite que Bakhita soit baptisée. Cependant, sa maitresse met au monde une petite fille – Mimmina – que l’esclave sauve d’une mort certaine, à sa naissance. Dès lors, un lien très fort unira Bakhita et Mimmina au point que celle-ci refusera de suivre sa maîtresse dans la ville de Suakin au Soudan parce que l’enfant est élevée au couvent, lieu où Bakhita reçoit également une formation. C’est ainsi que peu à peu, Bakhita se familiarise avec la religion et ressent une proximité avec Jésus sur la croix, puisque ce dernier a tant souffert ! Elle décide donc d’entrer dans les ordres. Dans un premier temps, elle servira aux cuisines du couvent avant de s’occuper de la mise en place des services religieux dans l’église. Puis elle est envoyée dans un orphelinat près de Venise où elle s’occupe des petites filles sans famille. Sa vie intéresse beaucoup les gens et elle sera racontée par Ida Zanolini dans un roman qui aura un succès fou. Le samedi 8 février, Bakhita décède. Plus tard, elle sera béatifiée et déclarée sainte par le pape Jean-Paul II. Des guérisons miraculeuses se produiront en son nom.

 

          Avec Bakhita, Véronique Olmi signe un roman très dense, à l’écriture particulière toute empreinte de poésie et de sensibilité. A noter : le roman ne comporte quasiment pas de dialogue et jamais dans la partie consacrée à l’esclavage de l’héroïne car alors, Bakhita n’a absolument pas droit à la parole.

D’ailleurs, la première partie du roman, partie consacrée à l’esclavage de l’héroïne, est très forte et très prenante. Les horreurs y sont révélées dans toutes leurs atrocités. On se demande comment on peut à ce point avilir un être humain. Esclave, Bakhita subit les pires outrages, connait la faim, la soif, les coups et blessures et l’épuisement. Pendant des jours, des semaines, des mois, elle supporte des marches harassantes,  enchainée à ses comparses par les chevilles. Toute sa vie, elle souffrira à la jambe, même longtemps après avoir été libérée de ses chaines.

          Cependant, les douleurs psychologiques sont aussi évoquées, au même titre que celles qui relèvent du domaine physique. Bakhita souffre énormément d’avoir été arrachée à sa famille ; elle tente de reconstruire ce lien en se liant d’amitié avec Binah, sa compagne d’infortune pour un temps… jusqu’au moment où elles seront séparées par ceux qui les réduisent en esclavage et auront décidé d’un sort différent pour chacune d’entre elles.     

           Ainsi, jamais Bakhita ne saura récréer des liens avec d’autres et restera une personne solitaire. On comprend bien pourquoi : lorsqu’elle est esclave, vouée à un sort dégradant au service de maitres particulièrement inflexibles, les esclaves sont en concurrence les uns avec les autres pour un quignon de pain supplémentaire. On s’étonnera davantage de cette solitude lorsque Bakhita sera libérée de l’esclavage et admise au sein d’un couvent, puis d’un orphelinat.  Il faut savoir qu’à cette époque, voir des personnes noires était un fait exceptionnel, que ces personnes faisaient peur, qu’elles étaient par conséquent considérées comme des phénomènes de foire et mises à distance. Cependant, Bakhita saura se lier avec des enfants, particulièrement avec la petite Mimmina.

          En outre, le roman propose aussi un beau portrait de femme. Bakhita, du fait de sa couleur de peau et de sa condition d’esclave, puis de religieuse, ne trouve pas de mari, n’aura pas d’enfant issu d’elle-même. Cependant, elle a l’âme d’une mère et se montrera telle avec la fille de sa maîtresse qu’elle sauve de la mort à sa naissance ; cette petite fille s’appellera Mimmina. Bakhita, c’est aussi une croyante qui deviendra religieuse. Mais la raison profonde de sa conversion est particulièrement émouvante : elle croit en Jésus et décide de devenir sa servante parce que ce dernier parle directement à son cœur. En fait, elle s’assimile à lui parce qu’il a souffert sur la croix, parce qu’il a été bafoué et martyrisé, comme elle. C’est sur cette base commune que Bakhita conçoit un amour fou pour Jésus.

          Petit bémol cependant : la fin de la vie de Bakhita est escamotée. En effet, le récit progresse lentement et détaille bien la période d’esclavage, puis celle des premières années en Italie de Bakhita. Ensuite, le récit s’accélère et on passe très vite sur la seconde partie de sa vie. Il faut dire que sans doute, la vie tranquille qu’elle mène auprès des orphelines est difficile à raconter (par manque de matière et de consistance), et qu’elle n’intéresserait pas beaucoup les lecteurs. D’ailleurs, le roman est déjà suffisamment consistant : il fait environ 500 pages. Mais cette différence de gestion du temps du récit fait que le lecteur reste sur une impression bancale.

          Ainsi, me voilà fin prête pour me lancer dans la lecture d’un autre roman de Véronique Olmi. On verra lequel plus tard ! J’ai confiance et je vais piocher dans sa bibliographie les yeux fermés.



10/06/2024
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