LECTURES VAGABONDES

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Sylvie Ohayon : Papa was not a Rolling Stone/Sylvie was not an author

 

          J’adore le titre de ce roman très rock’n’roll et qui rappelle l’excellent morceau des Temptations… mais ensuite ? J’ai été déçue et je me suis vaguement ennuyée en lisant cette énième autobiographie de banlieusarde qui s’en est sortie malgré le fait que ce n’était pas gagné ! Loin de là. Cependant, Papa was not a Rolling Stone écrit par Sylvie Ohayon en 2011 et paru aux éditions Robert Laffont, a obtenu le prix de La Closerie des Lilas.

 

          Sylvie Ohayon nait et grandit à La Courneuve, dans la banlieue parisienne. Ses origines sont obscures : sa mère, juive, est tombée enceinte d’un arabe – Ahmed ; la chose s’est faite sans se faire vraiment (puisque Micheline, la mère de Sylvie), n’a pas été pénétrée. Chose étrange, du sperme est entré et voilà donc que Sylvie voit le jour bien malgré tout le monde.

Sans père, avec une mère incapable de faire face à ses responsabilités, fragile psychologiquement, et un grand-père, Moïse, qui a du mal à accepter cette enfant illégitime, c’est auprès de sa grand-mère, Margot, que Sylvie connait un peu d’amour.  Mais bientôt, Micheline, sa mère, épouse un vrai français : Christian. C’est alors que la véritable galère commence pour Sylvie qui a du mal à considérer cet homme violent comme son père ; les claques et les coups tombent plus souvent qu’à leur tour. C’est lorsqu’il laissera tomber son épouse pour partir avec une autre femme que Sylvie retrouvera le bonheur de vivre auprès de sa grand-mère et de son grand-père qui l’aime aussi dans le fond, sans le dire. Et puis, la jeune fille a, chevillée au corps, la volonté de réussir sa vie, de passer de l’autre côté du périphérique, là où vivent les bourgeois : son rêve – concevoir et réaliser des bijoux – elle va le réaliser. C’est pourquoi elle travaille dur à l’école. Sans jamais renier ses origines et grâce à quelques personnes bien placées sur son itinéraire, Sylvie s’est sauvée du désespoir : du suicide, de l’anorexie. Après un premier mariage raté, elle trouve enfin le bonheur auprès d’un mari juif : Elie Ohayon. Quant à ce père qui lui a tant manqué, elle finit par le rencontrer… juste le temps de réaliser qu’elle n’a pas besoin de lui dans sa vie, et de le laisser partir, sans mot dire.

 

          Au début, on peut être vaguement séduit par l’écriture assez punchy de Sylvie Ohayon, mais malheureusement, cette dernière n’est pas parvenue à maintenir mon intérêt bien longtemps et la forme n’a pu combler les défauts du fond. Car quel est l’intérêt de cette autobiographie mille fois lue ces dernières années ? Car s’il existe, bien évidemment, un ostracisme des banlieues mais pour quelques-uns qui arrivent à tirer leur épingle du jeu et se caser dans la niche marketing estampillée « culture du neuf-trois », c’est le jackpot… et le talent n’est pas toujours forcément du rendez-vous.

          Ainsi donc, avec Papa was not à Rolling Stone, on a affaire à une énième confession de « banlieusarde pas catholique qui s’en est tirée grâce à sa rage et à sa ténacité alors qu’au départ, tout jouait contre elle ». Dans le « pas de chance », il y a les origines, bien sûr : la cité des 4000 à La Courneuve, un père incognito, une mère fragile, un beau-père violent, le suicide de la tante Françoise qui rêvait d’une vie avec un peu plus de strass que celle qui se dessinait devant elle. Dans le « j’ai de la chance », il y a tout un chapelet de personnes auxquelles Sylvie Ohayon rend hommage en leur consacrant un chapitre : on retiendra, juste pour le plaisir, Monsieur Fourrat, un  professeur qui change la vie de l’auteure en lui offrant un livre de Sylvie Plath. Mais j’avoue que j’ai eu du mal à m’intéresser à toutes ces personnes qui ont contribué à forger le caractère de Sylvie Ohayon. Pour qui me prendriez-vous si je rendais ici hommage à Monsieur Dudule qui m’a mis, en 1980, un 20/20 en maths alors que je m’attendais à me prendre une branlée ?

          Pour le reste, je n’ai pas aimé l’image un tantinet stéréotypée que Sylvie Ohayon fait d’elle-même. Elle n’aura échappé à aucun écueil de toutes ces manifestations du mal-être qui frappe ceux qui manquent d’amour : tentatives de suicide, tentation anorexique, etc… Et puis, même si elle affiche un credo : « j’aime la France qui, certes, nous a mal accueillis, nous les naufragés d’un ailleurs que les « vrais français » n’aiment pas » et le « Je crois en l’école de la République qui donne sa chance à ceux qui veulent bien la saisir », on sent bien que Sylvie Ohayon se rend hommage à elle-même, à sa ténacité, à sa volonté : notre auteure est une véritable « self made woman ». Je n’ai pas du tout aimé ces fins de chapitres suffisantes et autocentrées qui assènent au lecteur des leçons de vie et de réussite. Le pompon, c’est lorsque Sylvie Ohayon se livre à une analyse comparée de sa destinée avec celle de…. - Tenez-vous bien – de Nicolas Sarkozy ! Allez ! Juste pour rire un peu dans un livre prétentieux et ennuyeux, je vous livre ici un extrait de cette tirade haute en couleur et dithyrambique !

 

          « Et je sais moi, je sais que les gars de banlieue et M. Sarkozy c’est la même chose : des hommes énervés d’avoir été délaissés. Nicolas, parle-nous de ton papa un peu pour voir. Parle-nous de ce jour où ta mère a demandé une révision de la pension alimentaire. Parle-nous des humiliations subies par Dadu. De son courage qui t’a tenu debout, qui t’a donné la rage et tes frères qu’il fallait dépasser, c’étaient tes premiers Chirac, tes Balladur. Un jour, j’écrirai un livre sur Nicolas Sarkozy, sur Pal le chaud de la bite que j’ai très bien connu un jour, un seul, cet homme qui déteste sa particule élémentaire. Nicolas et les gars de banlieue c’est pareil je vous dis. Une revanche à prendre, un orgueil à arroser, à voir refleurir, et sa dignité à reconquérir ».

 

           Bon ben, on l’attend, le 10000ème livre sur Nicolas Sarkozy ! Mais celui-ci sera sans doute inédit car écrit par la tellement géniale et différente Sylvie Ohayon ! Cependant, en ce qui concerne Papa was not a Rolling Stone, on passe, de préférence, son chemin.



10/02/2020
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