LECTURES VAGABONDES

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Marc Levy : Où es-tu ? /…à la décharge…


                « Comme un ouragan/La tempête en moi… ». On se souvient tous de la chansonnette bien mièvre de Stéphanie de Monaco qui a fait un tabac dans les années 80. Il semblerait bien que Marc Levy ait voulu proposer un remake romanesque de cette scie entêtante avec ce roman : où es-tu ?, paru en 2001 aux éditions Robert Laffont.

                Philip et Susan se connaissent depuis l’enfance et vivent depuis leur adolescence une folle passion. Cependant, Susan a perdu ses parents dans un accident de voiture et sent que sa vocation est d’aider ceux qui souffrent et ont tout perdu. Philip, de son côté, travaille comme graphiste dans la publicité, à New York. Un jour, leurs chemins se séparent à l’aéroport de Newark : Susan part pour le Honduras qui vient de subir les tourments d’un cyclone très meurtrier. Elle s’en va pour longtemps : rendez-vous est donné deux ans plus tard, au même endroit : un bar de l’aéroport de Newark. Pendant de longues années, ils s’écriront, ils se verront à l’arrache dans ce bar. Mais un jour, Philip rencontre Mary : une histoire se noue entre eux, lentement mais sûrement. Toutefois, le souvenir de Susan et les quelques rendez-vous arrachés à l’emploi du temps de la jeune femme perturbent quelque peu cette idylle. Philip finira quand même par épouser Mary, lui faire un enfant : Thomas. Un jour, leur tranquille existence New Yorkaise est perturbée par l’arrivée d’une petite fille au sein de leur famille : Lisa… qui n’est autre que la fille de Susan, laquelle est décédée dans un ouragan. Après une période d’adaptation plus ou moins facile, la petite fille grandit, devient une belle jeune femme qui s’apprête à s’envoler. Lors de la cérémonie de fin d’études, une femme se trouve dans le public. Cette femme, c’est Susan qui n’est finalement pas morte, mais a préféré confier sa fille à Philip, garant d’une existence calme et paisible, à l’écart de tout danger. Dernières retrouvailles à l’aéroport de Newark. Chacun reprendra ensuite son existence : Susan, au Honduras, Philip, Mary et Lisa aux Etats-Unis.

                Le roman Où es-tu ? raconte l’histoire d’une passion à la vie à la mort entre deux personnages que tout oppose et dont les vies s’articulent selon les deux parties d’un cyclone : l’œil, calme et paisible, c’est Philip, tandis que la dépression tourmentée et instable qui s’enroule autour de l’œil du cyclone, c’est Susan. En effet, la jeune femme travaille pour une organisation humanitaire destinée à venir en aide aux populations du Honduras, sans cesse frappées par des ouragans, des pluies torrentielles, qui détruisent tout sur leur passage. Elle n’a pas une minute à elle : entre l’acheminement de denrées alimentaires, l’aide éducative apportée aux enfants, la gestion des ressources à distribuer, la jeune femme ne dort que très peu. Dans cette vie tourmentée, il n’y a pas de place pour le très tranquille Philip qui prend le temps de bâtir sa carrière et son mariage avec Mary. Ainsi, toute la première partie de l’œuvre est-elle consacrée aux lettres échangées entre les deux amoureux, lettres dans lesquelles ils racontent ce qu’ils fabriquent chacun de leur côté. De manière redondante, la narration poursuit le propos des lettres : Susan est plutôt l’héroïne de cette partie, puisque sa vie est plus trépidante que celle de Philip, mais malgré tout, on finit par s’ennuyer quand même dans ces histoires répétitives d’ouragans, de ravitaillement, d’aide à la population.

                A des dates espacées, les deux amoureux se retrouvent au bar de l’aéroport de Newark pour manger une glace avant le départ du prochain avion de Susan, car l’arrêt à New York est toujours une escale. A l’incongruité de ces retrouvailles très espacées, mises en scène à chaque fois de la même manière, comme s’il s’agissait-là d’un rituel destiné à bien montrer que toute leur vie, les personnages ne feront que se croiser (la même table, la même glace, le garçon de café complice qui reconnaît les comparses (fichtre ! Quelle mémoire il a, le loustic !)) s’ajoute le contenu abracadabrant des très sérieuses discussions des personnages : ils n’ont que deux heures et les passent à se faire de très longues en ennuyeuses leçons de psychanalyse moralisatrice du style : « Susan, tu ne vas pas passer ta vie à soulager celle des autres ! Il faut que tu fasses le deuil de tes parents, que tu tournes la page ! Arrête de te sentir coupable de quoi que ce soit !» Une seule fois, les personnages ont eu la bonne idée de s’enfermer dans les toilettes pour faire l’amour, sinon… ben, ils discutent, font des mises au point, se donnent des leçons… Quel ennui !

                La seconde partie sera davantage centrée sur Philip, puisque Susan est censée être morte au Honduras. Lisa, orpheline – on ne sait qui est son père car Susan se contentait d’amourettes sans lendemain, trop occupée par ses affaires humanitaires – débarque et Philip l’adopte. Mais on imagine bien à quel point les choses vont être délicates pour Mary, la femme de Philip ! Elever la fille de la femme que son mari ne parvient pas à oublier, qui est sa rivale ! Bref : scénario de brouille familiale convenu avec retournement de situation convenue : au bout de quelques années, Lisa et Mary ne sauront plus se passer l’une de l’autre.

                Allons donc, à la décharge de Marc Levy, j’avoue que j’ai préféré ce roman-là à mes amis, mes amours. J’avoue également que l’histoire est assez jolie, quoique tout à fait mièvre. Attention aux âmes sensibles et un peu fleur bleue, place aux violons ! Une passion d’amour née dans l’enfance, une de ces passions dont on ne peut se défaire de toute sa vie (hum !). Oui, deux êtres passionnés dont les aspirations profondes sont incompatibles vont s’aimer par delà le temps et l’espace, et se retrouver si peu, au carrefour des avions et des ouragans. Deux êtres qui n’arrivent pas à conjuguer leur vie…. Et pourtant : Susan donnera à Philip ce qu’elle a de plus précieux : sa fille à élever, et il l’élèvera, malgré sa propre épouse. Snif ! C’est beau !... et mièvre… et gnangnan et ennuyeux à lire, car très platement écrit.

                Ah oui, j’oubliais ! Marc Levy a parsemé son roman de rappels historiques : 1991, tel ouragan dévaste tel pays, tel truc s’abat ici en 1995, là, c’est tartempion qui ravage Trifouillis-les-Oies. Juste histoire de se dire que le monde est construit comme un ouragan : il est fait de zones tourmentées et de zones plus calmes. Juste pour rappeler aussi que nous sommes bien peu de chose, lorsque la tourmente se déchaîne, qu’elle soit dans le cœur « la tempête en moi » ou dans l’univers. Décidément, à la décharge de Marc Levy, je dois dire que c’est très beau : très poétique, cette association de l’amour à la tempête. Il lui ne reste plus qu’à associer la femme et la rose, la vieillesse et l’automne et Marc Levy aura vraiment révolutionné les métaphores éculées par le temps !   



15/09/2012
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