Jean Echenoz : Les Grandes Blondes / le Grand Ennui.
De plus en plus, Echenoz se fait incontournable dans le paysage littéraire : il est un écrivain reconnu et de nombreux collègues de lettres m’ont conseillé de le lire. Ce n’est que maintenant que je le découvre avec ce roman, les Grandes Blondes, paru aux éditions de Minuit en 1995.
Salvador travaille pour la télévision et prépare une émission du style « que sont-elles devenues ? » sur les anciennes stars blondes désormais oubliées du monde du septième art. Il souhaite retrouver Gloire Abgrall qui a défrayé les journaux avant de disparaître dans la nature : il fait donc appel à Jouve, un détective privé qui met sur l’affaire Jean-Claude Kastner qui tombe par hasard sur la jeune femme, méconnaissable car totalement grimée. Celle-ci se doute du fait qu’on la recherche et … balance Katsner dans le vide ! Avant de s’enfuir très loin : destination, Sydney, Bombay…. De son côté, Jouve lance un autre détective – Personnettaz - sur les traces de Gloire.
Je dois bien avouer que passés les premiers chapitres qui lancent le lecteur dans une intrigue assez plaisante dans le style roman noir à l’américaine qui se passerait à Plouhinec avec Jean-Pierre Marielle dans le rôle d’Humphrey Bogart, je me suis très vite ennuyée. En effet, après le meurtre de Katsner, je m’attendais à entrer dans le mystère du personnage de Gloire : pourquoi tue-t-elle les hommes qui s’approchent d’elle ? Pourquoi a-t-elle peur qu’on la retrouve ? Toutes ces questions restent en suspens car visiblement, le but d’Echenoz n’est pas d’écrire un roman passionnant, mais bien plutôt un de ces romans intellos destinés aux spécialistes de la littérature, un de ces ennuyeux romans qui jouent avec les codes littéraires ou plutôt ici, cinématographiques.
En effet, les personnages n’ont pas de réelle densité : ils sont croqués plutôt de l’extérieur, et s’ils éveillent quelque peu l’imaginaire du lecteur, c’est parce que ça et là, ce dernier trouve un écho entre des stéréotypes de personnages de films noirs des années 50 et ceux du roman : ainsi, Gloire Abgrall et sa propension à vouloir balancer les hommes dans le vide fait-elle penser à Kim Novak alias Madeleine dans Vertigo, Personnettaz, le détective qui a le vertige correspondrait à James Stewart alias Scotty, héros du même film. Cependant, les personnages des Grandes Blondes sont aussi des hommes et les femmes très banals, des messieurs et des mesdames tout le monde, et Echenoz a réussi à jouer avec cette double composante de ses personnages qui correspondent, d’une part à la thématique cinéma de son roman, d’autre part, à celle de son libre-arbitre de romancier. D’ailleurs, le libre-arbitre du romancier est signifié par la présence de Béliard, un homoncule farfelu et fantastique qui accompagne ça et là, le personnage de Gloire et qui lui prodigue ses précieux conseils. Béliard, c’est un peu Echenoz, le romancier libre de faire ce que bon lui semble de ses personnages : voilà pourquoi dans les grandes blondes, les personnages sont à la fois des héros-stars de ciné et des anti-héros tout droit sortis du fin fond de la Bretagne.
Passons ensuite à l’intrigue : là aussi, le vicieux petit Béliard veille à ce que le lecteur s’ennuie ferme ! Eh oui ! Au lieu de nous plonger au cœur d’une fantastique course-poursuite à rebondissement, nous nous retrouvons au cœur d’une errance en Australie, en Inde… On s’embourbe dans des descriptions destinées à créer une ambiance très « hôtel pour touristes en perdition ». Insectes qui volent à travers la lourdeur de l’air indien, odeur pourrissante de végétaux des tropiques, etc… Gloire erre d’hôtel en hôtel, rien d’autre : une vague histoire de trafics en tous genres destinée à relancer un intérêt qui a fui depuis longtemps, en ce qui me concerne. On nage en plein « cinéma-nouvelle-vague » - atmosphère contemplative, explosion de la notion d’intrigue - avec quand même, de temps à autre, un petit coup de patte dans l’autre direction, celle du ciné-polar-noir : libre-arbitre du romancier oblige.
Eh bien, j’avoue que mon libre-arbitre de lectrice m’a chatouillé maintes fois ! Balancer dans le vide cet inutile roman, pétri d’intellectualisme gratuit, ennuyeux, sans intérêt… En effet, l’ensemble, selon moi, ne débouche sur rien qui retienne l’attention, sur rien de persistant… L’humour y est tiède – exemple : Salvador se lance dans une grande étude sur les blondes pour son émission et cette enquête l’amène…. à Gloire et à l’amour ! Quel cliché rigolo pour le final ! J’en ai encore des crampes d’estomac ! - l’écriture y est sans relief, le jeu avec les clichés y est totalement stérile.
Alors, vais-je me disputer avec les collègues de lettres qui trouvent Jean Echenoz génial ? Certainement pas : il y a belle lurette que je suis à l’écart de la bienpensance enseignante… et puis, je ne connais d’Echenoz que ce roman qui est peut-être accidentel… A suivre, donc, peut-être…
En tous cas, pas pour ces vacances en Grèce : avec ce bouquin (les grandes blondes de Jean Echenoz) qui se lit très lentement – ennui oblige -, j’ai pris beaucoup de retard dans mes très sérieuses études des Apollons de la période hellénistique moderne… Par ailleurs, je crains bien de m’être totalement égarée dans le contresens : ici, il n’y a que de grands bruns, pour mon plus grand bonheur, car c’est vraiment ce que je préfère.
A découvrir aussi
- Jay McInerney : Glamour Attitude… versus Hél(l)ène attitude
- Marc Levy : mes amis, mes amours / et l’emmerdement du lecteur.
- Helen Dunmore : La faim / Lecture frugale
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 38 autres membres