LECTURES VAGABONDES

LECTURES VAGABONDES

Marc Levy : mes amis, mes amours / et l’emmerdement du lecteur.


Après l’expérience positive « Guillaume Musso », voici l’expérience négative « Marc Levy » : deux écrivains qu’on met souvent en parallèle, mais qui n’ont pas grand-chose en commun, finalement, sauf qu’ils produisent tous deux un nombre considérable de best-sellers. Autant les histoires de Guillaume Musso sont nerveuses et rythmées, autant celles de Marc Levy sont ennuyeuses et cul-cul-la-praline. Pour découvrir ce dernier, j’ai choisi un roman paru en 2006 aux éditions Robert Laffont, mes amis, mes amours.

Antoine a réussi à convaincre son meilleur ami, Matthias, de venir s’installer à Londres. Ce dernier doit reprendre la petite librairie de John Glover. Ce déménagement arrange plutôt Matthias, puisque son ex-épouse, Valentine, dont il est toujours amoureux, travaille également à Londres. Très vite, les deux amis décident de vivre ensemble avec leurs enfants : Matthias a une fille, Emily, Antoine, un fils, Louis. Cependant, ils établissent des règles de vie communes : pas de femme, pas de baby-sitter. Mais bien évidemment, l’amour finit par s’en mêler ! Matthias tombe amoureux d’Audrey, une jeune journaliste qui passe sa vie entre Paris et Londres. Pendant plusieurs mois, Matthias cache à Antoine son idylle, ce qui provoque des mensonges et des plans machiavéliques que bientôt Antoine découvre. De son côté, Antoine s’occupe assez peu de sa vie sentimentale : il se contente d’écrire des lettres d’amour pour son amie Sophie, la fleuriste du coin, lettres qu’elle est censée réécrire pour un mystérieux jeune homme : bref, Antoine s’improvise écrivain public pour nana frisant la débilité mentale, toute incapable qu’elle est d’écrire elle-même ses propres lettres d’amour… jusqu’au jour où Antoine découvre qu’il est amoureux de la jeune fille et que c’est réciproque. Ainsi, tout est bien qui finit bien : Matthias et Audrey s’installent à Paris, Antoine et Sophie restent à Londres.

Avec mes amis, mes amours, Marc Levy nous offre une histoire poussive et sans intérêt qui peine à se hisser au niveau des romans « pour nous les filles », même si l’intrigue laisse à penser qu’on navigue dans ce registre-là : deux pères divorcés, aux prises avec la vie quotidienne et les enfants, s’efforcent de vivre ensemble avant de refaire leur vie chacun de leur côté. Il suffit de mettre des filles à la place des garçons, et nous voilà repartis dans du Helen Fielding ou du Beth Harbison, l’humour et la bonne humeur en moins, ce qui est considérable, car on se demande bien alors ce qui reste au pauvre Marc Levy pour accrocher le lecteur. Bref, nous voici devant un roman « pour filles » avec personnages de sexe inversé et humour en berne.

Par ailleurs, Marc Levy ferait bien de lire un ou deux bouquins de psychologie amoureuse avant de se lancer dans l’écriture : Matthias est encore amoureux de Valentine, son ex : d’ailleurs, au début du roman, il baise avec cette dernière qui refuse néanmoins de recommencer une histoire avec lui. Mais peu importe ! Dans son for intérieur, Matthias ne désespère pas de reconquérir Valentine ! Cependant, du jour au lendemain, le voilà amoureux d’Audrey ! Envolée Valentine ! Il me semble quand même qu’avant de pouvoir tomber amoureux de quelqu’un, il faut avoir fait le deuil du passé, avoir tourné la page sur un éventuel amour précédent. En tout cas, pour moi, c’est ainsi que ça marche : c’est une question de disponibilité du cœur. Pas pour vous ? Ah bon. Peut-être suis-je une martienne ? Ou alors, c’est Marc Levy qui ne tourne pas rond. Quant à Antoine, on ne sait pourquoi, mais d’un seul coup, il se rend compte subitement qu’il est amoureux de Sophie alors qu’il la voit tous les jours depuis des années. Fichtre ! Bizarre, bizarre. Le loustic n’a rien senti venir : la révélation s’est faite un matin, comme une envie de pisser. Je laisse à votre libre appréciation la pertinence des intrigues amoureuses de Marc Levy.

Pour le reste, on frise l’indigence : Matthias veut cacher à Antoine qu’il a une nouvelle femme dans sa vie, il intrigue, ment, invente des rendez-vous : très bien, très bien, sauf que tout ça n’a aucun intérêt, puisque ces petites manœuvres ne sont même pas racontées avec humour. Passe encore si on était dans la vivacité et le rythme du vaudeville… mais ce n’est pas le cas ici. Tout ça se termine par une mise au point grotesque entre hommes-amis : « tu m’as menti, tu n’es pas chic ! Mais ce n’est rien, finalement, si tu es heureux, c’est l’essentiel ». « Tout ça pour ça ! » se dit le lecteur. Quel temps perdu ! Ah oui ! J’oubliais ! Il y a les amis ! Yvonne tient un restaurant dans lequel tous les personnages se retrouvent tous les jours pour déjeuner, boire un verre, se retrouver… Bref, le restaurant d’Yvonne, c’est la cafète d’Hélène et les garçons : il s’y tient des discussions du niveau sitcom. 

Alors voilà. Pour moi le grand mystère Marc Levy se pose : comment est-il possible qu’avec des histoires mal racontées, mal écrites, sans intérêt et à la limite du grand n’importe quoi, cet auteur soit le premier au top 50 des ventes de livres ? L’enquête n’a fait que commencer, mais je doute qu’elle se poursuive très longtemps : le courage me manque. Cependant, je ne désespère pas qu’un ou une fan vienne prendre un jour, ci-dessous, hystériquement la défense du plumitif Marc Levy… et compléter ainsi mon point de vue.



06/04/2012
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