LECTURES VAGABONDES

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Elise Fischer : Les cigognes savaient / Si j’avais su, j’aurais pas lu !


                Qu’il est loin le temps où je m’enfilais des tonnes de romans régionalistes du style Des grives aux loups de Claude Michelet, et où je m’en délectais ! Petite tentative pour renouer avec ce type de roman ; résultat ? Un bel échec. En effet, Les cigognes savaient écrit par Elise Fischer et paru en 2007 aux éditions des Presses de la cité est loin de m’avoir passionnée et ne m’a pas semblé être un bon roman.

                Nous sommes en Alsace au début des années 90. Clémence vient de perdre sa mère et lui a fait la promesse d’éclaircir le mystère de la mort d’une de ses tantes : Annele Bergklaus, retrouvée morte noyée. Accident ? Suicide ? Ou meurtre ? Clémence vient d’acheter la demeure voisine de la maison familiale, demeure qui a appartenu aux Wendersheim et commence son enquête en interrogeant les gens du village de Muhlzwiller parmi lesquels se trouve Madeleine Brenner avec laquelle Clémence se lie d’amitié. L’enquête la mène sur les traces des deux familles – Bergklaus et Wendernsheim – dans de sombres histoires d’amour et d’héritage. Cependant, plusieurs fois, Clémence est agressée : visiblement, on lui en veut ! Heureusement, elle peut compter sur le charmant médecin André Spielman dont elle tombe amoureuse.

                Ce roman, Les cigognes savaient, conjugue trois veines romanesques - la veine policière, la veine sentimentale et la veine régionaliste – toutes assez mal menées.

                 Parlons d’abord de la veine policière basée sur une enquête familiale : il s’agit de démêler le mystère de la mort d’Annele Bergklaus, morte noyée. Sa sœur, Maria, est internée en hôpital psychiatrique et depuis cet événement, elle ne parle plus. Avec patience, Clémence noue des liens avec la malade et parvient à communiquer avec elle par le biais de dessins qui révèlent la scène du crime. Plus tard, de manière assez hallucinante, elles se lancent dans des discussions très complexes et abstraites grâce… au langage des signes ! Elise Fischer ne nous épargne pas non plus les scènes de confidences à rallonge entre Clémence et Madeleine Brenner, son amie, dont la langue se délie alors qu’elle est sur son lit de mort… En voilà des préoccupations bizarres alors qu’on est en train de passer l’arme à gauche ! Raconter à un quasi inconnu des histoires qui sont advenues à des voisins disparus depuis longtemps ! Bien entendu, Clémence est inquiétée : plusieurs fois, elle sera agressée dans sa maison par de mystérieux inconnus : j’avoue qu’Elise Fischer m’a semblée manquer d’inspiration pour le coup puisque Clémence se prend un premier coup sur le citron, puis un deuxième… et pourquoi pas un vingt-cinquième, tant qu’on y est ? L’intrigue finit par se dénouer brutalement, dans une scène, là encore, assez surréaliste : avant de passer à l’acte pour faire taire à tout jamais Clémence, le meurtrier d’Annele lui raconte longuement le pourquoi du comment de tous les événements ! Bien entendu, le meurtrier ne pourra exécuter la jeune femme qui sera sauvée in extrémis par son parrain, Pierre, qui s’avère être en réalité, son père biologique… Mais avant d’en arriver là, Elise Fischer entraîne son lecteur dans tout un salmigondis d’histoires brouillonnes et confuses où il est question d’amours interdites, d’enfants légitimes et illégitimes, d’héritage, histoires dans lesquelles un nombre incroyable de personnages se mélangent si bien que le lecteur se perd entre Mathilde, Louise, Joséphine, Lisa, le vieux Holzer, le jeune Holzer, etc… Clémence découvrira le visage caché de sa mère et un passé tourmenté lié à l’occupation nazie en France. Clémence découvrira également la face cachée de son père… qui n’est finalement pas son père. Clémence découvrira également ce qu’est devenu son premier amour, Théo. Bref, que de découvertes !

                En ce qui concerne les histoires sentimentales, on nage en plein roman Harlequin. Clémence n’a connu qu’un seul homme : Jérôme, un ébéniste qui l’aime passionnément… Hélas, ses sentiments ne sont pas partagés par la jeune fille qui l’a laissé tomber après une aventure de courte durée. Autant dire que notre héroïne est quasiment vierge ! Elle est donc prête à découvrir tous les mystères et les délices de l’amour : le sentiment, mais aussi le plaisir physique. C’est vers André que son cœur se tourne, mais le beau médecin cache un lourd secret ! Clémence le découvrira et sa curiosité manquera de faire tout capoter… Heureusement, l’amour aura le dernier mot ! En ce qui concerne le malheureux Jérôme… Elise Fischer ne supporte pas de laisser un personnage souffrir à cause de son héroïne qui ne partage pas ses sentiments (c’est pourtant ce qui arrive dans la vie !). Lors d’une soirée, Clémence joue les entremetteuses et présente à Jérôme sa meilleure amie, Laure : c’est le coup de foudre instantané ! Balayé en trente secondes, le dépit amoureux de Jérôme ! Fichtre ! Elle est pas belle, la vie ? Si seulement on pouvait oublier un amour déçu en un quart de seconde et passer ainsi du coq à l’âne ! Hélas, cela me parait n’arriver que dans les romans d’Elise Fischer ! On n’est d’ailleurs guère à une invraisemblance près avec Elise Fischer ! En fouillant le passé, Clémence découvrira une histoire d’amour surprenante et passionnée entre deux femmes, Mathilde et Elsie : deux femmes hétérosexuelles, par ailleurs, mais qui se sont embrasées l’une pour l’autre à un moment et après une déception sentimentale. Fichtre ! Depuis quand devient-on lesbienne à la suite d’un chagrin d’amour ? N’importe quoi !

                Pour terminer, évoquons un peu la veine régionaliste de ce roman. Nous sommes en Alsace, pays des cigognes… Alors Elise Fischer a fait de ces volatiles des personnages symboliques : Clémence recueille un cigogneau tombé du nid ; elle-même est tombée dans un puits et s’est cassé la jambe. L’oiseau est soigné et à la fin, il peut retrouver son nid et ses parents. En même temps, l’histoire se dénoue et Clémence, guérie, peut convoler avec son amour, André… Ainsi, entre notre héroïne et le cigogneau, il y a parcours similaire ! Et oui, Clémence est une fille du pays mais aussi d’ailleurs, comme les cigognes ! Mais ce n’est pas là la seule lourdeur ! Elise Fischer a ménagé, en effet, de longs passages didactiques qui informent le lecteur sur tel ou tel aspect de l’Alsace : les meubles typiques, la légende de tel ou tel saint, les recettes de cuisine régionale. Sans compter la langue alsacienne dont l’auteure nous inflige plusieurs phrases qui sont là pour faire couleur locale et obligent le lecteur à lire la traduction en bas de page, ce qui constitue une perte de temps non négligeable si l’on considère qu’il est crucial de terminer au plus vite ce pensum que constitue le roman Les cigognes savaient. Mises à part ces pièces typiquement alsaciennes rapportées artificiellement et qu’on pourrait tout aussi bien trouver dans le guide du routard, rubrique « vie locale », le roman est neutre et ne comporte ni cette saveur ni cette odeur d’un terroir particulier… pas plus qu’il ne comporte des personnages caractéristiques de la mentalité d’une région marquée.

Ainsi donc, avec  Les cigognes savaient, Elise Fischer ne m’a pas donné envie d’aller visiter l’Alsace - région que j’ai dû vaguement traverser en allant en vacances, mais que je ne connais nullement – mais bien plutôt de m’enfuir à tire d’ailes de cet endroit… Eh quoi ! Moi aussi, j’ai l’âme d’une cigogne ! Si je ne m’acclimate pas à l’endroit, je vais voir ailleurs !



29/06/2013
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