Sue Townsend : La femme qui décida de passer une année au lit/On décide de dormir plutôt que de lire !
Voilà plus d’une semaine que je me bats contre la grippe, clouée au fond de mon lit, et je dois dire que passer sa vie là-dedans, ce n’est vraiment pas enviable. Cependant, pour certaines personnes, l’affaire peut sembler attractive, si j’en crois le titre du roman de Sue Townsend : La femme qui décida de passer une année au lit, paru en 2013 aux éditions Charleston.
Alors que ses deux enfants, les jumeaux surdoués en mathématiques Brian Junior et Brianne, viennent de prendre leur envol à l’université, Eva décide de ne plus se lever : l’affaire est une nécessité. Après des années à courir à droite et à gauche pour faire tourner la maison, s’occuper de sa famille, Eva se repose et éprouve une véritable phobie pour tout ce qui n’est pas son lit. Son mari, Brian, est un brillant astronome et a une maîtresse, une collègue scientifique, Titania. C’est de mauvaise grâce qu’il s’occupe de sa femme, alitée. Eva se fait donc assister par un jeune black, Alexander, qui tombe amoureux d’elle. Et la vie s’organise tant bien que mal, entre les allers et retours des enfants, de Ruby et d’Yvonne – respectivement mère et belle-mère d’Eva – de Poppy, d’Alexander, etc… Un jour, on s’empare de l’histoire d’Eva et notre héroïne devient célèbre. On accourt des quatre coins de l’Angleterre pour avoir un entretien avec celle qui serait douée de pouvoirs surnaturels. Eva reçoit ses fans avec parcimonie. Un jour, sa célébrité s’atténue puis disparait. Notre héroïne est de plus en plus seule, elle se barricade dans sa chambre et est tributaire de celui qui voudra bien la nourrir. Mis au courant de la situation désespérée dans laquelle se trouve Eva, Alexander accourt et brise la porte. Eva se laisse soigner pour, sans doute, un nouveau départ avec son sauveur.
Sans doute le résumé trahit-il l’indigence de ce roman au titre pourtant alléchant. On s’imagine, en effet, qu’on va plonger dans une histoire un peu barrée, truculente, à l’humour so british, comme promis en quatrième de couverture. Inutile de dire qu’on est bien vite déçu par ce roman qui ne tient aucune promesse et qui s’enlise dans le grand n’importe quoi. En effet, pour pallier à l’absence totale d’inspiration, Sue Townsend multiplie les personnages… cependant, aucun ne l’inspire véritablement, et aucune intrigue digne de ce nom n’émerge de cette pénible accumulation. Ainsi, Brian Junior et Brianne sont deux surdoués des mathématiques. Ils trainent derrière eux une copine envahissante, Poppy qui est enceinte, qui perd l’enfant, qui ne s’appelle pas Poppy, qui finit par vivre avec Brian, le mari d’Eva. Brian, le mathématicien, a une maîtresse, Titania. Comme sa femme passe sa vie au lit, un mariage est vaguement envisagé. Mais une dispute éclate, le couple se sépare. Quant à Eva, elle ne devient le personnage principal que dans le dernier tiers du livre, lorsque par hasard, elle devient célèbre. Auparavant, notre héroïne était noyée dans les gesticulations des différents personnages.
Bref, on l’aura compris, rien de bien déterminant n’arrive aux personnages de ce roman qui ne sert à rien, et surtout pas à faire plaisir ! Les personnages discutent, se croisent, s’envoient des vacheries ou autre, et puis c’est tout. Aucune intrigue définie n’est proposée, n’est menée. Certes, il y a la lubie d’Eva qui passe sa vie au lit : lubie, phobie, dépression ; on ne sait trop ce qui pique notre héroïne. En tout cas, l’idée aurait pu déboucher sur une satire du quotidien d’une femme au foyer, de la vie de famille plan-plan, sur un questionnement à propos du sens de la vie. Rien de tout ça. L‘ensemble s’effiloche dans des considérations même pas drôles.
Lorsqu’Eva devient célèbre et que les gens font la queue pour lui raconter leur histoire, on se dit que peut-être, le roman va prendre un nouvel essor plus intéressant, qu’on va laisser un peu de côté les anecdotes familiales bien gentillettes et sans intérêt, mais là encore, on est déçu. Certes, les personnages croisés ont des vies ratées, parfois douloureuses… et alors ? Ils se confient à Eva qui les écoute ou les envoie paitre, selon son humeur, et on ne les revoit pas. Affligeant !
Reste un seul espoir : dans ce genre de roman « pour nous les filles », on peut espérer qu’une jolie bluette amoureuse sauvera un peu le roman du naufrage total. Et bien ! Laissons couler la barque. Le bel Alexander n’a aucun charisme et est quasiment inexistant dans l’économie du roman. Certes, il est à la fois ouvrier et artiste : il peint. Ce qui le démarque du très scientifique Brian. Certes, il est black et a deux charmants bambins. Personnage atypique, donc ? Pas vraiment. On se fiche de lui comme de tous les autres qui ont tous leur lubie et leur excentricité sans que rien ne vienne les rendre significatifs ou attachants. Alexander tombe amoureux d’Eva, s’occupe d’elle, puis en a marre avant de revenir la sauver. Point barre. L’histoire d’amour est donc réduite à sa plus simple expression : elle est là comme le reste : parce qu’il faut bien raconter quelque chose. « Mais quoi ? » se demande Sue Townsend à chaque ligne d’écriture qu’elle se tape !
En tout cas, je dois dire que lorsqu’on est clouée au fond d’un lit, qu’on fait de la fièvre, qu’on est courbaturée, épuisée par les quintes de toux, on a envie de s’évader un peu lorsqu’on prend un livre pour quelques instants avant de sombrer à nouveau dans un mauvais sommeil. Alors, surtout, si vous êtes dans ce cas désespéré, évitez le roman de Sue Townsend - la femme qui décida de passer une année au lit - une lecture qui ne risque pas de vous aider à vous remettre sur pieds !
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