LECTURES VAGABONDES

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Susi Rajah : l’évangile selon Isadora Welles / prière de s’abstenir.


Voici un évangile qui ne marquera certes pas la mémoire de l'Eglise… encore moins, celle du lecteur - ou plutôt de la lectrice, puisqu'il s'agit encore ici d'un "roman-pour-nous-les-filles" – entre les mains duquel ce malheureux bouquin (l'évangile selon Isadora Welles écrit par Susi Rajah en 2007 et paru aux éditions Calmann-Lévy) tombera.

Isadora Welles  travaille dans une agence de publicité à Los Angeles. Elle est célibataire, belle, talentueuse. Sa mission actuelle ? Un vrai défi ! Imaginer une campagne de pub efficace pour rendre l'Eglise catholique plus sexy et susciter l'engouement des âmes en perdition. Côté cœur : il y a bien le beau Jake, mais ayant couché avec lui le premier soir, elle décide que l'histoire ne peut être que passagère, un bref amusement, d'un côté comme de l'autre. Et puis, il y a le mystérieux Charles, un journaliste-machiste avec lequel elle correspond sans jamais l'avoir vu. Et puis, le fameux prêtre Bernardi… il est également rudement beau ! Isadora réussira-t-elle sa campagne de pub ? Trouvera-t-elle l'amour ?

Alorsss ? Ce résumé vous met-il l'eau à la bouche ? Ai-je réussi à vous convertir à l'évangile selon Isadora Welles… qui devrait plutôt s'intituler : l'emploi du temps d'Isadora Welles ? Le livre, en effet, décline une succession d'activités, de rencontres, de discussions, d'E-Mail envoyés à Dieu.com… avec la miss Welles en guest-star permanente.

Niveau religion, c'est le néant. La campagne proposée par Isadora est d'une bêtise crasse… du style : « si vous avez peur de l'enfer, il faut aller à la messe ». Finalement, au bout de 348 pages, la jeune femme découvre qu'on ne peut pas vendre la religion comme un paquet de Kellog's et démissionne. Côté industrie Kellog's, ce livre est une aubaine ! On s'ennuie tellement qu'on s'enfile des bols et des bols de ces céréales préférées des bleus pour se soutenir dans l'effort de lecture… Allez, on se concentre… Encore trois pages pour savoir quel mec Isadora va bécoter sur la page « the end ».

Exit très vite le père Bernardi, car Susi Rajah a un grand sens de l'humour et déclare à la page 14 qu'elle ne va pas se la jouer remake des oiseaux se cachent pour mourir. Reste donc Jake et Charles. Le pauvre Charles est quasiment inexistant : ça et là, quelques lettres reçues ou envoyées… Celui qui obnubile Isadora, c'est Jake. Alors, je vous laisse deviner la fin. Mais quand même, comme il faut bien traiter tous les personnages et sceller leur destin… et bien ! Charles, c'était Jake ! Belle et géniale feinte finale.

Reste que le livre compte 352 pages et qu'à la page 30, Isadora a couché et rompu avec son grand amour. Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir raconter pendant 322 pages en attendant la réconciliation ? Eh bien, si vous avez déjà vu les mauvaises comédies sentimentales américaines de Jenifer Aniston, vous avez déjà lu l'évangile selon Isadora Welles. On raconte tout et n'importe quoi : des discussions sur « Jake et les autres mecs » entre copines, des déjeuners avec des ex où il est question de Jake. Entre deux, les loustics se revoient pour se disputer. Et re-discussions et re-déjeuner pour parler des nouveautés. Jake s'affiche avec une belle nana, Isadora est jalouse. Et re-discussion et re-déjeuner pour parler stratégie. Isadora perd la clef de son portail, Jake lui propose l'hospitalité en tout bien tout honneur. Et voilà reparties les discussions, les déjeuners. Grr… Entre temps, je me suis déjà enfilée trois boîtes de Kellog's country, histoire de déguster comme il faut ce bouquin à rendre n'importe qui boulimique, maniaco-dépressif, suicidaire, etc….

Reste que, comme dans tous les mauvais romans « pour nous les filles », il y a la fameuse rengaine anti-machiste : « quand on se met avec un mec, il finit par te prendre pour sa boniche, alors, il vaut mieux éviter ». Et puis, toutes ces grandes questions philosophiques du style : « pourquoi qu'une fille qui couche le premier soir est une salope et que pour un mec, ça le valorise vu que ça fait de lui un tombeur ? ». Je me demande bien à qui s'adresse ce genre de roman… à des femmes, certes. Mais  de quel âge ?

Surtout que l'ensemble regorge de scènes convenues que je ne qualifierais pas vraiment de machistes, mais de « traditionnelles dans l'art de la séduction » : invitation au restaurant, petite bagouze en cadeau, bouquet de roses bien rouge-passion, et si on allait prendre un dernier verre ? Chez toi ? Chez moi ?

Allez, des bouquins « pour nous les filles », il y en a déjà quelques-uns sur ce blog. J'ai toujours eu beaucoup de peine à les lire et ils sont tous dans la même catégorie de l'ennui et de la bêtise. Celui-ci offre un avantage : une couverture kitch et colorée à souhait qui m'a plu… Voilà pourquoi j'ai impulsivement raflé ce roman à la médiathèque sans m'assurer du contenu. Ceci dit après avoir bien regardé les trucs et les machins de la couverture… j'ai finalement préféré ne pas m'afficher dans le métro avec cette chose tonitruante à la main ! S'abstenir donc de cet évangile, à tous les niveaux.



15/12/2012
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