LECTURES VAGABONDES

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Stephen King : Misery/To be happy !

 

                On se souvient tous du mémorable film de Rob Reiner, Misery, avec, dans le rôle d’Annie Wilkes, la très inquiétante et fantastique Kathy Bates. Alors, même si le roman dont le film est tiré date un peu, il est peut-être source de grand plaisir ! Ainsi, je vous emmène dans l’huis-clos terrifiant de Stephen King : Misery, paru en 1989 aux éditions Albin Michel.

                Pris dans une tempête de neige dans le Colorado, Paul Sheldon est victime d’un accident de voiture. Le hasard fait qu’il est sauvé par Annie Wilkes, une fervente admiratrice de Misery, l’héroïne d’une grande saga romanesque dont Paul est l’auteur. Cependant, notre écrivain a les jambes broyées. Heureusement – ou malheureusement – Annie est une ancienne infirmière et prend soin de lui. Mais très vite, la sauveuse devient bourreau et se comporte de manière tyrannique avec son protégé qui se rend vite compte qu’il est pris au piège : alité, assommé par les médicaments, coupé du monde dans cette ferme isolée où le téléphone est factice. Les choses s’enveniment lorsqu’après avoir lu le dernier tome de la saga Misery, Annie Wilkes apprend que son héroïne est morte, elle force Paul à bruler son dernier manuscrit pour le remplacer par une suite dans laquelle Misery ressuscite. Notre écrivain se met à l’œuvre et la vie s’organise entre les sautes d’humeur d’Annie qui devient de plus en plus inquiétante, d’autant plus que Paul est un jour tombé sur une compilation d’articles qui l’informent qu’Annie a tué… et pas qu’un peu : ses victimes se comptent autant parmi ses proches que parmi les patients des hôpitaux dans lesquels elle a travaillé. Un jour, Annie découvre que Paul a réussi à sortir de sa chambre lors d’une de ses absences. Pour éviter que cela se reproduise, elle l’ampute d’un pied. Plus tard, parce que Paul se plaint du délabrement de la vieille machine à écrire sur laquelle il travaille, elle l’ampute d’un pouce. Par ailleurs, elle n’hésite pas à tuer un jeune policier qui s’était présenté à son domicile, à la recherche d’un écrivain disparu : Paul Sheldon. Lorsque Paul met un point final au retour de Misery, il décide de jouer sa dernière chance : il menace de bruler le roman sous les yeux d’Annie qui ne l’a pas lu. Notre fervente admiratrice de Misery devient folle et une lutte s’engage, lutte que Paul remporte.

                Misery « version roman » comporte quelques petits suppléments dont la « version film » est dépourvue. Le plus important, ce sont de larges extraits du retour de Misery - l’œuvre commanditée par Année Wilkes – intégrés à l’histoire de la détention de Paul Sheldon. Ces passages du roman en gestation se démarquent du reste par la calligraphie différente à laquelle, pour plus de réalisme, Stephen King ajoute toutes les coquilles inhérentes à la défection de la machine à écrire : les « n » sont inscrits de manière manuscrite, puis, de fil en aiguille, toutes les lettres manquantes. Je dois dire que ces longs passages sont assez fastidieux. D’abord, parce que le face à face Annie Wilkes-Paul Sheldon est passionnant et qu’on n’a pas envie de le quitter. Ensuite, parce que ces extraits sont extravagants et déconnectés du reste du roman : Misery n’était qu’en catalepsie dans sa tombe ; elle est délivrée, puis en la retrouve en Afrique dans une tribu qui voue un culte aux abeilles aux piqûres desquelles notre héroïne est allergique. Et même si l’Afrique offre à Paul Sheldon un imaginaire qui l’aide à supporter sa détention, même si Misery finit par se confondre quelque peu avec Annie Wilkes, même si finalement, l’écriture de ce dernier roman permet à Paul Sheldon de renouer avec une saga qu’il considère comme alimentaire et nulle au niveau littéraire, c’est insuffisant pour que le lecteur se passionne pour ces lambeaux décousus d’une œuvre incomplète intégrés à l’ensemble ; bref : les extraits du retour de Misery, on s’en passerait bien.

                De plus, la « version roman » comporte aussi quelques différences avec le film. Tout d’abord, le personnage d’Annie Wilkes est beaucoup plus pervers et malade. Le film nous montre une groupie de Paul Sheldon qui refuse de libérer son héros et qui lui casse à nouveau les jambes pour l’empêcher de s’échapper. Ce n’est qu’à la fin que sa folie est totale et qu’elle conçoit un double suicide. Dans le livre, Annie est sujette à des crises qui la font passer du rire aux larmes, de l’euphorie à la dépression, de la joie à la violence. Elle se retire plusieurs fois dans une cabane éloignée de sa maison pour se reposer, laissant Paul livré à lui-même, à la douleur, à la faim. Notre héros profitera de ces absences pour visiter la maison. Par ailleurs, Annie ampute Paul de son pied et de son pouce : elle est donc nettement plus sanguinaire. Enfin, le roman est assez long et comporte quelques détours supplémentaires : Paul se retrouve séquestré à la cave, plusieurs visiteurs se rendent chez Annie Wilkes, troublant leur machiavélique tête à tête, et ceux-ci seront reçus de manière souvent peu hospitalière par notre ex-infirmière. Ceci-dit, si le film supprime quelques scènes présentes dans le roman, il reste fidèle à l’esprit de ce dernier.

             Enfin, l’écriture est également travaillée et fait passer brutalement le lecteur de la pensée à Paul Sheldon à celle d’Annie Wilkes, le tout, inséré dans la narration globale pour une polyphonie dynamique et intéressante.   

                Ainsi, on a vraiment apprécié ce roman de Stephen King : Misery. L’ensemble tient le lecteur en haleine et le met aux prises avec un personnage inquiétant comme on les aime dans les meilleurs slashers : une foldingue rustre et rustique, apparemment gentille et serviable, mais qui se révèle finalement violente, incontrôlable et sanguinaire. On en redemande !



28/03/2015
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