LECTURES VAGABONDES

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Saphia Azzedine : Bilqiss /Kiss, Kiss, pour Saphia pleine de bile

 

Si la montée de l’intégrisme islamique est le principal sujet de préoccupation en France, à l’heure actuelle, depuis les attentats du 13 Novembre 2015, il est aussi le thème principal de Saphia Azzedine, notamment dans Bilqiss, paru en 2015 aux éditions Stock.

 

                Bilqiss attend l’heure de sa condamnation. Dans quelques jours, sans doute, va-t-elle être lapidée. Si elle a tué son mari, violent, ce n’est pas pour ce crime-là, passé inaperçu, qu’elle est en procès. Insoumise face aux lois islamiques qui ôtent toute liberté aux femmes, elle s’est emparée de la parole sacrée en remplaçant le muezzin, un matin, et en proférant, à cette occasion, des propos beaucoup plus tolérants, ceux qu’elle estime être dans l’esprit d’Allah.

En attendant, le juge fait durer les choses : il est amoureux de Bilqiss. Et puis, il y a cette journaliste New Yorkaise, Léandra, qui veut absolument rencontrer et aider, peut-être, dans la mesure du possible, la condamnée. Cependant, toutes les confrontations de Bilqiss avec les autres tournent au conflit et le juge, fou de rage devant la froideur de celle qu’il aime, décide de la condamner parce qu’elle le repousse. Effrayée par l’horrleur de la lapidation, Bilqiss demande à Léandra de lui jeter la première pierre, une pierre bien grosse et anguleuse qui la tuera sur le coup. Mais Léandra ne jettera pas la pierre sur Bilqiss. C’est le juge qui sera tué par le projectile tandis que la foule semble vouloir épargner la condamnée. 

 

Avec Bilqiss, Saphia Azzedine exprime, une fois de plus, sa colère et sa révolte contre l’intégrisme islamique et la prison dans laquelle il enferme les femmes. Le roman fait s’entremêler trois voix : celle de Bilqiss, la condamnée, celle du juge et enfin, celle de la journaliste américaine. Chacun apporte son point de vue sur le procès et la condamnation, mais aussi sa propre histoire. Par exemple, le juge, avant d’être un représentant de l’intégrisme islamique, était marié à une femme qui a préféré se suicider plutôt que de porter la burka. L’homme a souffert de cet intégrisme avant de l’embrasser et de le défendre. D’ailleurs, ce personnage qui représente ce que l’auteure hait au plus haut point n’est cependant pas traité à l’emporte-pièce par cette dernière. En effet, c’est un homme amoureux, meurtri, blessé, qui semble avoir épousé la cause islamique sans vraiment y adhérer totalement puisque son ultime parole sera de demander à Bilqiss de le combattre, de le tuer, de l’éradiquer. Certes, cette fin parait assez invraisemblable, mais il faut davantage la considérer comme la chute d’une fable, avec une morale, un message à défendre.

                Quant à Bilqiss, l’héroïne éponyme du roman, elle apparaît, elle aussi, de manière nuancée. Même si elle est un personnage extrême, animée de révolte et de colère, emportée par des principes de liberté et de vie, elle finit par avoir peur de la mort par lapidation. Et puis, elle a aussi une part d’ombre car elle fut mariée, autrefois à un homme détestable et violent qu’elle a tué d’un coup sur la tête. Le meurtre est maquillé en accident. Bien évidemment, ce mari incarnait le pouvoir de l’homme sur la femme, pouvoir octroyé par cet islamisme que dénonce Saphia Azzedine. Cependant, il ne s’agit pas, pour l’auteure, de jeter la pierre à sa religion, mais bien plutôt de prôner pour un islam éclairé assainissant la vie humaine.

                Enfin, je dois dire que l’écriture véhémente de Saphia Azzedine est tout à fait efficace et rend haïssable cet islam obscurantiste qui met actuellement le monde à feu et à sang et génère la haine plutôt que l’amour. Cet islam-là mène l’humanité au désastre et à la mort. La première femme du juge s’est laissée mourir de faim et a rogné les veines de ses poignets pour hâter sa mort. Horreur ! Bilqiss va mourir lapidée et pour cela, il faut choisir les pierres qui seront lancées sur la femme condamnée : petites pour commencer, plus grosses pour finir, car la mort ne doit pas être immédiate. Horreur ! Oui, on est bien horrifié par cet islam-là lorsqu’on lit Bilqiss.

                Il est évident qu’en ce moment, l’obscurantisme religieux et particulièrement celui prôné par Daech, est une source d’inspiration pour de nombreux écrivains – certains, d’ailleurs, s’emparent de ce thème par pur opportunisme – et qu’on est abreuvé par tant de publications tous azimuts sur ce sujet. Certes, ce que dit Saphia Azzedine de l’islam radical et des femmes n’est pas nouveau, mais son propos est animé par une force de conviction qui prouve que l’auteure ressent cette position des mollahs comme un viol de sa religion, une religion qu’elle veut défendre malgré tout et dont elle se réclame puisqu’elle n’est, selon l’auteure, pas en opposition avec une vision de la vie libre et heureuse. 



23/03/2020
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