LECTURES VAGABONDES

LECTURES VAGABONDES

Romain Puértolas : La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel / La vieille lectrice qui a du mal à gober ce gros machin-là.

         

       Encore un titre à dormir debout pour ce nouveau roman signé Romain Puértolas. Après L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa, allons faire un tour du côté de La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel. Ce roman paraît en 2015 aux éditions Le dilettante.

 

             Léo Machin se rend chez son coiffeur qui est bien triste : son frère est mort dans le crash d’un avion de la Royal Air Maroc. Pour le divertir, il lui raconte une histoire qui lui est arrivé il y a peu. Une factrice nommée Providence Dupois s’apprête à prendre l’avion pour aller retrouver Zahera, une petite fille marocaine atteinte de mucoviscidose ; Providence  s’apprête à adopter l’enfant Malheureusement, le vol que notre bonne mère courage devait prendre à destination de Marrakech est annulé en raison de l’éruption du volcan islandais. Désespérée, elle rencontre néanmoins dans l’aéroport un chinois qui fait de la publicité pour un marabout qui aurait la capacité d’apprendre aux gens à voler. Celui-ci l’envoie dans un monastère tibétain situé à Versailles. Là, on lui apprend à voler. Elle se rend ensuite à Orly où elle rencontre le narrateur – Léo Machin – aiguilleur du ciel, qui la lance depuis une piste de décollage. Et Providence vole et vogue vers le Maroc. Tous les présidents du monde – dont Barack Obama et François Hollande - prennent l’avion pour assister à cet exploit : une femme qui vole dans les nuages aussi bien qu’un oiseau ! Cependant, alors qu’elle survole le désert marocain, elle percute un nuage orageux et s’écrase. Elle est alors en bien mauvaise posture puisqu’elle est faite prisonnière par un berbère malintentionné. Heureusement Léo, qui est tombé amoureux de Providence, et qui passait par là à bord de son avion, la sauve. Des berbères bien intentionnés, eux, vont donc escorter nos deux tourtereaux jusqu’à l’hôpital de Marrakech où Zahera attend sa future maman alors qu’elle est entre la vie et la mort. Pour sauver la petite fille, Providence  est en possession d’une fiole contenant un liquide salvateur. Cependant, la fiole est cassée et Providence demande aux chirurgiens de bien vouloir récupérer le précieux liquide sur les bouts de verre qui lui sont entrés dans la peau – une seule goutte suffit ! Malheureusement, Providence décédera dans l’opération tandis que Zahera est sauvée et adoptée par Léo. Le coiffeur, qui écoute attentivement Léo raconter son histoire, ne veut pas de cette méchante fin. C’est alors que Léo lui raconte la vérité. Providence était sa fiancée et elle est morte dans l’accident d’avion qui a aussi coûté la vie à son frère. En tant qu’aiguilleur du ciel, il est responsable du crash de cet avion qui n’aurait jamais dû décoller car le volcan islandais venait d’entrer en éruption. Providence a sauvé la petite Zahera car elle lui a fait don de ses poumons. Léo a raconté cette histoire merveilleuse à la petite fille pour la consoler de la perte de sa future maman. C’est alors que le coiffeur remanie la fin de l’histoire pour qu’elle se termine sur un mariage entre Léo et Providence.

 

          Je ne sais pas vraiment pourquoi je m’obstine à continuer à lire des romans de Romain Puértolas. Sans doute parce qu’ils ne sont pas désagréables à parcourir. Mais quand on referme le livre, on se dit vraiment qu’on a perdu son temps à lire autant de débilités.

            Il faut dire que c’est aussi un peu la marque de fabrique de Romain Puértolas qui adore jouer avec le comique de l’absurde, le merveilleux ou le fantastique, les jeux de mots, les remarques décalées. Ici, on est servi !

             Romain Puértolas prend pour point de départ un contexte réaliste et dramatique : une femme, qui ne peut avoir d’enfants, rencontre à l’hôpital de Marrakech où elle se fait opérer de l’appendicite, une petite orpheline qui a toujours vécu là et qui est atteinte de mucoviscidose. Elle décide de l’adopter. Ainsi, deux solitudes, deux vies cabossées, vont se rejoindre dans le bonheur. Il faut quand même avouer que dans le genre pathos, Romain Puertolas fait fort ! Et puis, voici que le volcan islandais se réveille ! On s’en souvient tous. Et les vols sont annulés. Manque de chance, c’est justement ce jour-là que Providence doit se rendre à Marrakech pour aller chercher sa fille.

             A partir de là, on bascule dans le merveilleux, le conte pour enfants. La maman se met à voler à tire-d’aile pour aller retrouver sa fille, déclinaison pas très subtile du proverbe « l’amour donne des ailes ». Auparavant, bien sûr, elle apprend à voler et se retrouve dans un monastère tibétain en compagnie de moines qui lui apprennent à voler à partir d’une WI et d’un jeu où il faut guider un poulet qui s’envole dans un ciel bardé d’obstacles. La philosophe de ces moines s’inspire des chansons de Julio Iglésias… avouez qu’on nage vraiment dans le n’importe quoi et ce n’est même pas vraiment drôle.

             Autre grand n’importe quoi : l’intervention de François Hollande et de Barack Obama qui volent pendant quelques instants aux côtés de Providence – ils sont, eux, dans un avion. Chaque chef d’État va décerner à notre héroïne une médaille. Et quand, comme par hasard, Léo Machin se retrouve à voler dans son petit avion de tourisme et tombe pile-poil sur sa bien-aimée dans le désert marocain (il faut dire qu’il la recherche, mais quand même !), on se dit qu’on atteint des profondeurs de débilité (et le fait que Puértolas tente de parodier le principe de l’événement invraisemblable qui pourtant se produit et tombe à pic pour sauver le héros en mauvaise posture, genre de situations qui pullulent dans les mauvais films d’aventure et d’action, ne change rien à cette impression).

            Que dire de cette partie « conte pour enfants ? ». On la lit sans peine car l’écriture de Romain Puértolas est pleine de vivacité et d’humour. Cependant, les situations ne sont, quand on y songe bien, pas très drôles ni très inspirées.

             Pour retomber sur ses pattes et satisfaire un lecteur qui n’est plus un enfant et qui attend autre chose d’un roman que cette histoire à dormir debout destinée aux bébés lorsqu’ils vont s’endormir, l’auteur imagine deux fins dont l’une est réaliste et tragique. Inutile de dire que là aussi, on en rajoute une couche dans le pathos et le larmoyant. Un accident d’avion, des centaines de morts, une petite fille à l’agonie… Bref ! Et, pour la beauté du geste, l’héroïne donne ses poumons à la petite fille qu’elle allait adopter ! 

             Mais ce qui est sans doute le plus énervant dans ce roman, c’est l’avalanche de bons sentiments qui dégoulinent à chaque page. Certes, la petite Zahera est malade et vit depuis toujours à l’hôpital, mais elle est pleine de bonne humeur et de curiosité !s Jamais un poil déprimée, la p’tiote ! Quant à Providence, elle est prête à tout pour ne pas décevoir la petite Zahera qui l’attend sans faute à telle date et qui, parce qu’elle n’est pas à l’heure, sombre dans un coma qui l’entraîne vers la mort (ce serait trop dur si elle était consciente !). Je ne parle même pas de la morale à deux balles qui sous-tend le roman : « quand on veut, on peut », « l’amour donne des ailes », « il faut toujours voir le verre à moitié plein »… etc.…

            Pour conclure, je dirai qu’on passe un assez bon moment à lire La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel. De là à dire qu’on avale totalement cette histoire à dormir debout, il y a grand, plus grand que la tour Eiffel ! 



19/01/2025
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