Cyril Montana : Carla on my mind / Cyril on my mind
Beh non ! Ni Carla, ni Cyril… c’est Georgia qui est on my mind, d’après Ray Charles. Ceci dit le temps de cet article, je vais me concentrer sur Cyril Montana et sur son bien sympathique roman : Carla on my mind, paru en 2005 aux éditions Le dilettante.
Le narrateur – pseudo sur internet : Hellomister – vient de rompre avec son grand amour : Carla. Il est désespéré et passe son temps entre biture, petits boulots craignos, rencontres pourries sur internet et rails de coke copieusement sniffés.
Voilà en gros, la trame de ce très court roman. Je vais commencer par ce que j’ai le plus apprécié dans cette lecture : l’écriture de Cyril Montana dont voici un petit passage pris au hasard du livre :
« Moi, tout ce que j’avais, c’était Caro la petite grosse avec ses histoires de chaussettes qui traînaient, de paquet de Kellog’s ED que j’avais fini sans en racheter, et de vaisselle qui débordait dans l’évier. J’avais tout le temps droit à mon petit discours en rentrant. Non, mais tu vois, c’est pas possible, il faut que tu y mettes du tien, c’est ça la coloc, ça ne peut pas aller que dans un sens. Je te garantis que si j’avais su, je ne sais pas si j’aurais accepté de partager mon appart avec toi. Je ne l’écoutais plus, d’ailleurs je n’en avais plus rien à cirer de ses salades. Je réalisais juste que mon boulot me déprimait, et que ce n’était pas évident de trouver du taf par les temps qui couraient. J’en avais conscience, mais le problème c’est que je n’étais pas du genre à faire des concessions pendant trop longtemps. Et puis l’ennui et la peine étaient tels que ça me bouffait l’esprit, il était donc temps de partir sur des nouvelles bases de faisant table rase du passé. »
L’ensemble du roman est écrit dans ce style parlé-désabusé, dans un ton plein d’humour et de cynisme. Un ton qui n’est pas sans rappeler celui de Philippe Djan, mais sans les comparaisons ou métaphores surprenantes. Je sais bien que ce style est à la mode, que Cyril Montana n’est pas le premier à l’employer, mais il le fait avec talent et une certaine pâte personnelle qui fait qu’on ne s’ennuie jamais et que finalement, on a quand même envie d’en redemander.
Quand même envie… car pour le reste, je dois bien avouer que j’ai été déçue. L’objectif de Cyril Montana dans ce roman, était d’écrire une dépression post-séparation. Eh bien ? Quid de la fameuse Carla ? Misterhello n’en parle quasiment pas ! On sait juste qu’il a rompu avec elle, qu’il l’aimait, qu’il est malheureux… et pour traduire ce blues, Cyril Montana se lance dans la narration d’une suite d’épisodes destinés à traduire sa perdition… Cependant, on a plus envie de rire que de pleurer.
En effet, notre Misterhello est un vrai looser. Il pique des vélos de manière bien maladroite, se casse la figure dans le caniveau, se prend les pieds dans le tapis quand il est bourré. Non, rien de bien profond n’est écrit sur le spleen qui est censé habiter notre héros.
Par ailleurs, la biture, la coke, les boulots minables, les rencontres sur internet avec de mauvais coups… c’est du réchauffé de chez réchauffé ! On peut lire ce genre de truc chez Beigbeder, Houellebecq, Djan, Rey et tant d’autres ! Ceci dit, chez certains – je pense au fameux 37.2 le matin de Djan – on vogue en plein talent… Alors, que manque-t-il à ce roman ?
Sans doute le manque d’inspiration se fait-il trop sentir. De l’ensemble émane une impression de superficialité et de gratuité. Ecrire la déprime et la dérive d’un looser sensible est à la mode ? Alors écrivons l’histoire de la déprime et de la dérive d’un looser sensible. Mais ce roman manque singulièrement de tripes ! Je ne sais pas si Cyril Montana a déjà vécu une séparation douloureuse, s’il a déjà touché le fond, s’il a déjà séjourné dans un hôpital psychiatrique (puisque le narrateur termine à cet endroit…). Non, je ne crois pas. Ça pue le faux, le prétexte à écrire un roman à la mode. Alors certes, on s’amuse, on passe un bon moment… Et puis on passe à autre chose et dans une semaine, si je ne tenais pas un blog, j’aurais oublié jusqu’au titre de ce roman.
Ceci dit, je pense que Cyril Montana a un véritable talent d’écrivain au niveau du coup de plume. Il lui reste à se détacher des modes et à écrire sur un sujet qui l’inspire vraiment. Ecrivain à suivre ! Pour sûr ! A noter dans les agendas ou dans les cerveaux (dans les « mind » ! ouh là là ! Il est temps que j’aille me coucher, moi ! )
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