LECTURES VAGABONDES

  Aujourd’hui, je vous propose de redécouvrir un roman quelque peu oublié mais qui traite pourtant d’un sujet actuellement très à la mode : l’homosexualité masculine. Certes, il s’inscrit dans un contexte plutôt daté puisqu’il se déroule dans un collège de jésuites. Ouvrons donc Les amitiés particulières, roman écrit par Roger Peyrefitte en 1943 et qui parait aux éditions T.G.

          Le jeune Georges de Sarre intègre un collège dirigé par les jésuites : il s’agit du collège de Saint-Claude, réservé uniquement aux garçons. Là, il reçoit une éducation classique mais aussi religieuse, à la fois pratique (prières, messes, confessions…) et théorique (étude de la vie des martyres, par exemple). Là, Georges se fait aussi des amis. Il est notamment fasciné par un certain Lucien. Mais ce dernier a un ami très cher, André. Un jour, Georges découvre un poème d’amour écrit par André pour Lucien. Il le subtilise, et s’arrange pour que le père supérieur le découvre. André est renvoyé du collège pour immoralité. Cependant, un jour, Georges a une révélation : il observe un enfant de chœur de toute beauté, qui sert la messe, et tombe sous son charme : il s’agit d’un élève de 5ème qui se prénomme Alexandre. Oublié Lucien ! Georges utilisera tous les subterfuges possibles pour se faire remarquer du bel enfant. Bientôt, les deux garçons se rapprochent et Georges découvre avec bonheur qu’Alexandre partage ses sentiments. Par ailleurs, les deux tourtereaux parviennent à organiser des rendez-vous secrets dans une serre. Certes, leurs actes restent bien chastes mais le feu qui les brûle est intense. Leurs sentiments sont nourris d’érudition et leurs rêveries s’inspirent de la mythologie grecque, de la religion chrétienne. Mais un jour, un père un peu trop observateur est nommé surveillant au collège. Il s’agit du père de Trennes qui met bientôt à jour les sentiments et les relations qu’entretiennent Georges et Alexandre. Cependant, Georges découvre que l’homme a des comportements particuliers avec certains jeunes garçons, notamment, avec Maurice, le frère d’Alexandre, qu’il invite dans sa chambre, la nuit. Georges s’arrange donc pour que le directeur du collège prenne en flagrant délit le père de Trennes et Maurice. La suite des événements coule de source : le père de Trennes est renvoyé. Pourtant, Georges refuse de témoigner contre lui. Un jour, c’est à son tour d’être ennuyé à cause de l’amitié particulière qu’il entretient avec Alexeandre. Les deux tourtereaux sont pris en flagrant délit alors qu’ils sont enlacés dans une grange isolée. Aussitôt, le père Lauzon décide de séparer les deux garçons. Alexandre et Georges décident d’attendre les vacances pour s’enfuir ensemble. Mais le père Lauzon décide d’adoucir la peine de Georges : il pourra revenir au collège s’il lui restitue les billets doux qu’Alexandre lui a envoyés ; de son côté, le père se charge de rendre ceux-ci à leur auteur. Georges décide d’obtempérer, espérant qu’Alexandre comprenne qu’il ne s’agit pas là d’une rupture, mais d’une manière d’obéir en apparence, pour mieux désobéir ensuite. Mais Alexandre ne raisonne pas ainsi et se suicide en s’empoisonnant. Georges songe alors à suivre son tendre ami dans la mort, mais ne le fera pas. Le père Lauzon lui révèle alors qu’il aimait, lui aussi, Alexandre. Georges décide de continuer à vivre avec le souvenir toujours vivace en lui d’Alexandre.

            Avec Les amitiés particulières, Roger Peyrefitte signe un des tous premiers romans qui traite ouvertement de l’homosexualité masculine : ce dernier a d’ailleurs défrayé la chronique à l’époque. Roger Peyrefitte n’a pas eu, pour ce roman, le prix Goncourt alors qu’il le méritait. En lot de consolation, il a obtenu le prix Renaudot. Par ailleurs, certains homosexuels plus ou moins avoués – comme François Mauriac, le célèbre écrivain - se sont insurgés contre cette œuvre. Depuis, que de chemin parcouru pour les homosexuels ! 

            Cependant, Les amitiés particulières, c’est un roman qui n’est pas accessible à tous. En effet, il est pétri d’érudition sur la religion chrétienne, ou encore sur la mythologie grecque, Par ailleurs, les amours évoquées sont très cérébrales car Peyrefitte n’ose pas évoquer la sexualité brute. L’enfant, Alexandre, est auréolé de toutes les beautés, de toutes les qualités au point qu’il en devient un ange, une créature divine ou surnaturelle. Georges, pour lui prouver son amour, cherche à être le premier de la classe et Peyrefitte rentre alors dans tous les détails de l’apprentissage qu’il effectue ou encore des prix qu’il obtient.

            De manière un peu étonnante, Peyrefitte propose un héros – Georges - un peu veule et lâche. Par exemple, il se venge des autres en les dénonçant, soit par jalousie, soit pour s’en débarrasser. Après le décès d’Alexandre, il pense à le suivre dans la mort, mais n’a pas le cran de se suicider. Lorsque le père supérieur le somme de rompre avec Alexandre, il accepte de rentrer dans des compromis et des compromissions qui lui permettront, à terme, de retrouver son ami.

            Enfin, même si l’hétérosexualité est quasiment absente du roman, Peyrefitte en propose une vision avilie. Maurice, qui pense beaucoup aux filles, est un macho fanfaron, sans finesse. Il est même un peu vulgaire. A l’opposé, les amours homosexuelles sont romantiques, profondes, et auréolées de grâce.

            Aujourd’hui, nous sommes en 2020 et les romans sur l’homosexualité masculine foisonnent. Ils sont souvent « trash » et évoquent sans filtre la sexualité pure et dure. A ce titre, le roman de Peyrefitte dénote dans cet environnement. Il pourra peut-être sembler daté. En tous cas, il évoque aussi la vie scolaire chez les jésuites, un huis-clos quelque peu étouffant, ce qui n’est pas sans intérêt. Cependant, je me suis ennuyée en lisant ce roman trop cérébral et académique à mon goût.