Françoise Sagan : La femme fardée/La croisière ne s’amuse pas.
Et si, aujourd’hui, on prolongeait l’été ? Une petite croisière sur la méditerranée, ça vous dit ? Avec la femme fardée, nous embarquons à bord du Narcissus pour un périple entre Cannes et plein d’endroits de rêve – Capri, Ibiza, etc… - Françoise Sagan a écrit ce roman en 1981 et le publie aux éditions Ramsay.
Nous embarquons donc à bord du Narcissus, avec le capitaine Ellèdocq et son acolyte homosexuel, Charley Bollinger, ainsi qu’une poignée de riches croisiéristes autour desquels vont se concentrer l’intrigue. D’abord, il y a le couple Bautet-Lebrêche, richissimes magnats du sucre. Si Armand ne pense qu’à ses affaires et à ses placements, son épouse, Edma, vit assez mal le vieillissement et ses conséquences. Puis viennent le cynique et cruel Éric Lethuilliez – patron d’un journal – et sa femme, toujours outrageusement fardée : Clarisse. La jeune femme est aussi très malheureuse dans son mariage, boit et se dénigre constamment. Julien Peyrat, quant à lui, est une sorte de gigolo pour vieilles femmes riches, joueur professionnel, escroc et parasite de la haute société, il a un faux Marquet à vendre. A tout ce beau monde s’ajoute un cinéaste vulgaire et inculte, Simon Béjard et sa compagne, actrice à la mode, la jeune Olga Lamouroux. L’une des particularités de cette croisière, c’est que tous se sont inscrits pour pouvoir écouter le pianiste Hanz-Helmut Kreuze et la cantatrice Doria Doriacci aux basques de laquelle traine le très jeune Andréas Fayard, gigolo néanmoins amoureux fou de la vieille diva. Au cours de cette croisière, les amours vont se faire et se défaire. C’est d’abord le très cynique Julien Peyrat qui tombe amoureux de Clarisse Lethuilliez, la femme fardée si belle quand elle est démaquillée. Cet amour va révolutionner la jeune femme qui prend de l’assurance, de l’éclat, et cesse de boire tandis que son époux qui la méprisait, Éric Lethuilliez, se rend compte qu’il souffre de la voir heureuse et lui échapper. De son côté, Éric a eu une aventure sans lendemain avec la jeune actrice arriviste Olga Lamouroux. Cependant, la jeune femme est blessée de se voir ainsi éconduite, surtout lorsqu’elle surprend son amant d’un soir se moquer d’elle et l’insulter. Elle va s’arranger pour que Clarisse soit mise au courant de sa liaison avec Éric, se fichant bien du fait que son compagnon, Simon Béjard, souffre et se sente humilié de cette révélation. Et puis, il y a la Doriacci qui refuse de se laisser aller à l’amour avec un si jeune homme – Andréas Fayard – et qui fait tout pour qu’il se détache d’elle tandis que le pédéraste Charley Bollinger attend son heure car le jeune garçon ne le laisse pas indifférent. Tous nos personnages vont perdre ou gagner à ce jeu de l’amour et du hasard : Andréas Fayard est éconduit par la diva Doria Doriacci et trouve la mort en se jetant à l’eau ; Simon laisse tomber la jeune actrice qu’il protégeait, Olga Lamouroux, qui tentera en vain de le reconquérir ; enfin, malgré son mari, Éric Lethuilliez, qui a voulu confondre Julien Peyrat, son rival, en révélant que le Marquet qu’il a vendu est un faux, Clarisse Lethuilliez décide de refaire sa vie avec le faussaire qu’elle aime et qui l’aime.
Avec La femme fardée, nous plongeons au cœur de ces gens qui appartiennent à ce que l'on appelle communément le « beau monde », composé essentiellement de bourgeois, d'hommes d'affaires, d'intellectuels et d'amateurs d'art. Nos personnages vont se rencontrer sur un bateau de croisière très hype où l'on mange des plats raffinés et où l'on écoute des récitals et concertos interprétés par des artistes en vogue. Cependant, loin d'être fascinants, nos croisiéristes s'avèrent être des personnes égocentrées, égoïstes et pitoyables, tout accaparés qu'ils sont par leurs petites et mesquines préoccupations.
Ainsi, très vite, des conflits, parfois ouverts, mais souvent souterrains, vont se déclarer. Ce sont principalement Éric et Julien qui se prennent la tête, mais il faut dire qu'entre eux, il y a la femme fardée, Clarisse, épouse de l'un, amante de l'autre.
Cependant, le roman comporte des scènes un peu pesantes et trop démonstratives. Je songe ici, par exemple, à la scène de la danse, un soir, sur le paquebot. La musique entraine les couples qui changent régulièrement de partenaire, comme dans la vie. Ainsi, Edma, femme vieillissante, danse tout d'abord avec Julien qui la laisse bien vite pour enlacer Clarisse. Alors Edma, qui supporte mal, dans le fond, le vieillissement, se laisse aller à valser avec Simon, qui lui plait et qui semble avoir envie de la revoir. Bref, la danse dessine les couples qui se font et se défont, qui auraient pu se faire... C'est la valse-hésitation, comme dans la réalité.
Il faut dire que pour Sagan, la musique et surtout le chant, sont des arts qui subliment tout. L'art dépasse la vie et la met en suspens, entre parenthèses. : les comédies humaines sont ridicules et pathétiques dans la vie, mais magnifiques quand elles sont sublimées par l’art. Et la cacophonie des comportements et des sentiments humains s’harmonise dans la musique ou le chant.
Je pense que La femme fardée n'est pas le meilleur roman de Françoise Sagan. L'auteure a sans doute voulu réécrire un scénario pour la série La croisière s'amuse, en changeant de ton : d'une farce pure, elle a voulu faire une farce noire. Malheureusement, la sauce ne prend pas bien et les personnages ont du mal à susciter l'empathie. Par ailleurs, elle a voulu décliner le sentiment amoureux sous divers aspects : du coup de foudre au simple coup d'un soir, du vrai et total désintéressement amoureux à la jalousie la plus sordide en passant par l'intéressement, tout y est.... Mais l'ensemble reste bien superficiel et peu captivant. Sans doute Sagan a-t-elle voulu trop en faire, trop en dire, trop en montrer ! Et c’est alors que le bateau prend l’eau…
On préférera donc retrouver la petite musique de Sagan tellement plus harmonieuse dans ses premiers romans.
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