LECTURES VAGABONDES

          Si l’alcool est à consommer avec modération, que dire du roman écrit par Poppy Z. Brite, intitulé Alcool et paru en 2008 aux éditions du Diable Vauvert ? A-t-on affaire ici à un roman enivrant ou saoulant ? C’est ce que nous allons voir tout de suite.

          Rickey et GMan sont deux cuisiniers inséparables. Certes, dans le passé, ils ont parfois travaillé ensemble dans le même restaurant, mais dernièrement, Rickey travaille à l’Escargot, restaurant dirigé par Mick Mouton, tandis que GMan travaille pour Anthony B, à l’Apostle bar. Rickey ne s’entend pas avec Mick Mouton, son patron. Il nourrit l’ambition d’ouvrir son propre restaurant et bien même plus, il sait déjà ce qu’il veut y proposer : une cuisine à base d’alcool. Rickey et GMan souhaitent lancer leur concept dans l’Apostle bar. Mais Anthony, le patron, n’y tient pas trop car il veut que son établissement reste avant tout un bar. Or, un certain Lenny, propriétaire de plusieurs restaurants à la Nouvelle-Orléans, est séduit par l’idée et souhaite donner un coup de pouce aux garçons pour qu’ils puissent réaliser leur projet. Mais c’est sans compter sur Mick, qui voit d’un mauvais œil Rickey quitter son restaurant. Il fait courir la rumeur selon laquelle Rickey est alcoolique et imprévisible. Mais cela n’empêche ! Lenny vient de dénicher l’endroit parfait pour monter l’affaire. Cependant, nos deux lascars découvrent qu’il y a eu un meurtre dans la chambre froide de leur futur restaurant. Par ailleurs, Mick met des bâtons dans les roues de Rickey et GMan :  manipule un certain Rondo Johnson, acariâtre voisin du futur restaurant ; celui-ci voit d’un mauvais œil l’ouverture d’un établissement qui perturberait le  quartier. Plus tard, l’homme meurt d’une crise cardiaque et tous soupçonnent Mick qui s’en défend. Mais il est trop tard pour lui : les meilleurs cuisiniers et employés de son restaurant filent vers ce nouvel établissement nommé Alcool. Fou de rage, Mick prend un revolver et règle son compte à son père, celui qui a bousillé sa vie et qui s’avère être l’assassin de l’oncle George, le cadavre de la chambre froide. Enfin, dernière étape du règlement de compte, Mick déclenche une violente bagarre dans le nouveau restaurant de Rickey. Personne ne meurt, et puisque les problèmes semblent désormais être derrière eux, ils peuvent se mettre vraiment à la concrétisation de leurs ambitions : faire d’Alcool le meilleur restaurant de la Nouvelle-Orléans.

          Pour faire vite et simple, Alcool raconte l’odyssée de deux jeunes cuisiniers qui souhaitent monter une affaire de restauration : entre la recherche de fonds, de soutiens, les jalousies, le projet n’est pas de tout repos.

          Les personnages principaux, Rickey et GMan composent un tandem qui fonctionne bien : Rickey est ambitieux et c’est un cuisinier talentueux. Quant à GMan, il soutient et suit son camarade – qui est aussi son petit ami - dans son projet ; cependant, il souhaite rester second, évoluer dans l’ombre de Rickey car il ne possède pas les mêmes talents culinaires que son compagnon.

           Par ailleurs, Alcool propose une plongée dans le monde de la restauration de la Nouvelle-Orléans, un univers surprenant et inattendu. Tout d’abord, une effervescence manifeste caractérise ce microcosme : si certaines affaires tiennent la barre pendant longtemps, nombreuses sont celles qui périclitent et s’écroulent en quelques semaines ; peu importe ! Tous les jours, de nouveaux restaurants ouvrent leurs portes. C’est dire si cet univers et impitoyable et la concurrence, féroce. Par ailleurs, nombreux sont les restaurants où alcool et drogues coulent à flot dans les arrière-cuisines ; il faut bien s’éclater comme on peut !

          Enfin, pour donner à l’intrigue plus de piment, Poppy Z Brite imagine deux sombres histoires de meurtres dont le vilain Mick est l’auteur ; mais il faut bien constater que ces assassinats n’apportent rien à la dynamique du roman sauf à peaufiner la peinture de cet univers où la corruption, la violence et la moralité douteuse sont des piliers.

          Pour conclure, je dirai qu’Alcool est un cru moyen. C’est le premier volume d’une trilogie que je vais lire en espérant y trouver une ivresse qui, pour l’instant, peine à se déclencher.