LECTURES VAGABONDES

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Brigitte Giraud : Nico /Un Nico qui n’est pas toujours là !


Nicolas, c’est le prénom le plus porté par les hommes de toutes générations. C’est aussi un prénom porte-bonheur pour moi, car tous les Nicolas que j’ai pu rencontrer ont eu une action bénéfique sur ma vie. Alors, qu’en est-il du Nico écrit par Brigitte Giraud en 1999 et paru aux éditions Stock ?

Le roman se présente comme un huis-clos familial dans une petite ville de Normandie non loin de la mer : quatre personnes, Laura, la fille, narratrice du roman, Nico, le fils, de deux ans son cadet, et les parents. Accessoirement, quelques échappées à  la ferme campagnarde paternelle où l’on fait connaissance avec pépé et Louisette, la grand-mère. Echappées cependant importantes car la famille est en crise : elle est en train de se disloquer. On ne peut pas dire que l’enfance de Laura et de Nico fût heureuse : le père boit un peu trop, il est autoritaire et violent à ses heures. Son souffre-douleur, c’est Nico, son fils. La mère est médecin : souvent absente, c’est une femme stressée et dépressive qui reste impuissante devant le malaise de son fils. Car Nico est un enfant perturbé. Il se sent mal-aimé par son père qui le punit incessamment, et délaissé par sa mère. Très vite, il prend goût à la violence, il fugue, ses résultats scolaires sont catastrophiques. Après le divorce de ses parents, au moment de l’adolescence, Nico se marginalise : il fréquente des groupuscules d’extrême-droite, et bascule dans la délinquance.

En évitant habilement les écueils parfois lourds et ennuyeux de l’analyse psychologique brute, Brigitte Giraud, à travers une narratrice proche du personnage principal, Nico, mais néanmoins autre, et par conséquent extérieure, tente d’expliquer comment l’éducation trop stricte et sans amour peut faire basculer un enfant dans la violence, ruiner son esprit et donc sa vie future. Elle construit son roman selon une succession de saynètes familiales plus ou moins chronologiques qui racontent les faits et gestes des quatre protagonistes à des moments propices à la compréhension de ce qu’ils sont. Peu à peu se dégagent trois portraits, principalement : celui du père, de la mère et enfin, celui de Nico. Le portrait de Laura est un peu plus flou : elle est la narratrice et raconte, par conséquent, les autres, plus qu’elle-même : elle apparaît néanmoins comme une fille sensible, travailleuse, sérieuse, et attachée à son frère.

Le roman montre également à quel point cette famille en crise est néanmoins soudée par les habitudes et le besoin les uns des autres. Chacun a sa place dans le malaise familial, il sait ce qu’il faut faire, dire, au bon moment, pour ne pas rompre l’équilibre fragile qui l’unit aux autres au sein même de la mésentente. Le malaise est le lot quotidien, cependant, il est tellement rodé, fait tellement partie de chaque journée passée qu’il devient nécessaire à chacun. Et puis, finalement, le père rencontre une autre femme, et c’est le divorce… Mais à ce moment-là, on est prêt de la fin du roman !

Quel dommage de s’être si peu penché sur cette période de la vie des désormais adolescents. Le père y est de plus en plus inexistant, il correspond par lettres avec son fils et lui interdit de reprendre la ferme des grands-parents. C’est aussi à ce moment-là que l’adolescent devient insaisissable et qu’il bascule dans la délinquance. Ainsi, le lecteur, habitué à une dissection précise de la vie familiale et de son fonctionnement au moment où le père et la mère étaient mariés, sent que le personnage de Nico lui échappe au moment de son adolescence. Il devient extrêmement antipathique, raciste, violent, mais l’ensemble reste un mystère. Bien évidemment, Brigitte Giraud est restée cohérente vis-à-vis de son choix de la sœur comme narratrice : à partir du moment où son frère lui échappe, il échappe aussi à l’histoire. Il mène sa vie de son propre côté… cependant, le lecteur n’échappe pas à la sensation d’une fin bancale, un peu trop floue.

Par ailleurs, le roman est extrêmement monolithique : aucun dialogue ; le lecteur est face à des blocs narratifs de deux ou trois pages espacés par des blancs. Certes, Brigitte Giraud écrit très bien : phrases courtes, mots bien pesés, écriture minimaliste, propice à la précision du propos. Cependant, l’ensemble est parfois longuet et indigeste : certaines scènes sont redondantes et manquent de vie et de vivacité, conséquence de l’absence totale de dialogues qui finit par créer une légère sensation d’ennui.

Ainsi donc, Nico, le mal-aimé, devient-il quelqu’un qui ne sait pas aimer, qui bascule dans l’intolérance, le racisme et la violence.

Il faudrait consulter le profil de ce prénom qui me parait si doux à porter ! Quoique ! Il y a bien des Nico allumés, à commencer par celui qui nous gouverne encore !



17/02/2012
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