LECTURES VAGABONDES

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Philippe Claudel : le bruit des trousseaux / témoignage bruyant…


Impossible de proposer un résumé de ce livre écrit par Philippe Claudel en 2002 et paru aux éditions Stock : le bruit des trousseaux. En effet, il ne s’agit pas ici d’un roman, mais d’un témoignage de l’auteur sur le monde à part de la prison. Philippe Claudel a en effet travaillé comme professeur de français et de littérature dans une prison de l’est. Ce sont ses souvenirs personnels et ses impressions sur cette expérience qu’il nous livre ici.

L’œuvre se présente comme une succession de petits paragraphes éclatés dans lesquels Philippe Claudel évoque pêle-mêle les lieux, les personnes – détenus ou employés – les coutumes et les habitudes de l’univers carcéral. L’écriture se veut distanciée, froide… elle prend même parfois un aspect documentaire : il n’est pas dans l’intention de Philippe Claudel de proposer un réquisitoire contre les prisons, leur manque de moyens, leur inhumanité… du moins pas directement. L’auteur ne prend pas véritablement parti : il témoigne. Cependant, ce témoignage n’est pas neutre. L’impression d’ensemble qui se dégage du bruit des trousseaux est celle d’une infinie tristesse.

Parlons d’abord de la prison en elle-même : Claudel la présente à la fois comme un monde à part et comme un enfer créé par l’homme pour l’homme. Il fait très peu allusion au monde extérieur qui n’existe plus, lorsqu’on pénètre entre les murs d’une prison. Il ne nous apprend rien qu’on ne sache vraiment sur cet univers : pratiques homosexuelles, trafics en tous genres, vétusté des lieux, perte totale de l’intimité, dépossession de soi… l’intérêt de ce témoignage est donc plutôt de faire vivre devant nos yeux toutes ces choses qui sont, pour nous, abstraites, de tenter d’effleurer ce que peut être la vie entre les murs d’une cellule de prison.

Ensuite, il y a les gens : les détenus, tout d’abord. Ils sont au premier plan. Ils sont les seuls à être un peu personnalisés, puisque Claudel les appelle par leur prénom et l’initiale de leur nom. Les gardiens, ou tout autre membre du personnel ne bénéficient pas de cette faveur… tout simplement parce que la prison n’est pas leur lieu de vie : pour faire partie intégrante de la prison, il faut y passer le jour et la nuit. Claudel n’insiste pas outre mesure sur les crimes commis par un tel ou un tel… c’était ailleurs, c’était dans un autre temps, c’était à l’extérieur. Parfois, il évoque quand même la pédophilie, le matricide ou d’autres crimes : la plupart du temps, ces actes sont en totale rupture avec ce que connait l’auteur de celui qui les a commis… car oui, il y a de l’humanité chez un criminel : rien n’est noir ou blanc, et on retrouve, et on comprend mieux aussi, la grande thématique romanesque de Claudel définie dans les âmes grises qui met en regard la culpabilité et l’innocence.

« Tous les gens admirables et humains que j’ai pu croiser pendant onze années, en prison, tandis que j’allais y parler de littérature trois fois par semaine : gardiens, détenus, visiteurs, travailleurs sociaux, instituteurs, magistrats, personnels administratifs, personnels de santé, gradés. Oui, admirables et humains, il y en avait.

Tous les gens médiocres et pervers que j’ai pu croiser pendant onze années, en prison, tandis que j’allais y parler de littérature trois fois par semaine : gardiens, détenus, visiteurs, travailleurs sociaux, instituteurs, magistrats, personnels administratifs, personnels de santé, gradés. Oui, médiocres et pervers, il y en avait. »

C’est, je crois, ce paragraphe quasi-final qui donne la perspective d’ensemble de ce témoignage.

Le bruit des trousseaux est donc une œuvre parlante sur l’univers carcéral. On sort de la lecture de ces 91 pages un peu plus humain : un peu moins indifférent, un peu plus sensible à l’enfer que doit être la vie entre les murs. Il est vrai que nous pensons souvent que les prisonniers ne sont pas des anges, qu’il n’y a pas de raison d’avoir pitié d’un criminel… Le bruit des trousseaux remue nos idées reçues… finalement, les choses ne sont peut être pas si simples…

Encore une fois, merci Philippe Claudel pour toutes ces choses bouleversantes qui sont écrites entre les pages de vos œuvres.  

   



17/04/2010
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