LECTURES VAGABONDES

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François d’Epenoux : Gaby / l’ange Gabriel revisité par d’Epenoux.


« Oh Gaby, Gaby, tu devrais pas m’laisser la nuit… » C’est la chanson de Bashung qui me trotte dans la tête au moment où je commence la rédaction de cet article. Manière bizarre de démarrer car la chanson n’a rien à voir avec ce roman de François d’Epenoux : Gaby, paru en 2008 aux éditions Anne Carrière.

Gaby a bientôt 39 ans et pèse 170 kilos. A la radio, il entend que l’espérance de vie d’un homme est de 78 ans… Deux fois 39, donc. Dans 3 jours, c’est son anniversaire. La vie de Gaby est tout sauf folichonne… alors il décide d’en finir plutôt de d’amorcer la phase descendante de son existence. Il vide son compte en banque, bien résolu à s’offrir les plaisirs les plus fous avant de faire le grand saut. Il va diner au grand Véfour, loue une grosse Bentley, s’offre une prostituée de luxe devant laquelle il reste impuissant… Déçu,  car n’ayant su atteindre le nirvana, il s’offre une ultime virée à la pointe du Raz, là où tout doit se terminer. Mais Gaby n’est pas un être comme les autres…

J’ai beaucoup aimé ce roman où humour et tragédie sont étroitement mêlés. Gaby, c’est d’abord l’histoire d’un homme différent car obèse : aucun de ses rêves ne s’est réalisé, alors il mange pour combler le vide. Non, Gaby n’est pas un grand sprinteur, non, Gaby n’arrive pas à dire à Marie, la fille de la boulangère qu’il l’aime à en mourir… On est d’abord touché pas cet antihéros plein de tendresse à qui la vie n’a rien offert que la solitude et un corps difforme.

S’ensuit une ultime quête du bonheur. Mais quel bonheur lorsqu’on est seul et sans amour ? Gaby ne tire aucun plaisir de ses derniers excès, et pour cause… On assiste plutôt, là encore, à la perdition du personnage dans des paradis artificiels qu’il croit pouvoir acheter.

Dans sa dernière partie, le roman bascule dans un ton inattendu. En effet, Gaby se jette d’une falaise, mais il ne s’écrase pas. Non. Il s’envole et revoit sa vie défiler devant lui… Il accède même au grand secret concernant Marie. Il visite la jeune fille alors qu’elle meurt d’anorexie dans une chambre jonchée de posters et de photos de lui. Ainsi, l’amour qu’il éprouve pour elle est-il réciproque… Mais ni l’un ni l’autre n’ont su se l’avouer par timidité, tout submergés qu’ils étaient par la force du sentiment. Seulement, à cet instant où Gaby devient l’ange Gabriel et Marie, une sorte de vierge noire, il est trop tard.

Je dois avouer qu’au départ, je n’ai pas aimé ce basculement vers un onirisme déjà annoncé : quelques scènes étranges, en effet, se sont déroulées, à la boulangerie, dans un fast-food, où bizarrement, Gaby était invisible. Et puis, il y a cette scène dans l’église où le personnage interroge le Christ, la vierge toute triste… Oui, Gaby, c’est une version moderne et tragi-comique de la visite ratée  de l’ange Gabriel à Marie, et j’ai fini par adhérer à la transformation du personnage en ange, surtout parce qu’elle permettait de transfigurer une histoire d’amour au départ triste et solitaire.

Et puis, cette histoire d’ange déchu dans une grosse carcasse est finalement bien menée et tout à fait plaisante. Elle ne révolutionne pas l’évangile, ni le thème de la différence, mais elle distrait. Je dois dire que le personnage de Gaby est bien brossé et tout à fait attachant : le lecteur ressent bien la solitude du personnage, son besoin d’amour, sa recherche du paradis, et tout ce gros chagrin qu’il traine dans la vie.

En tout cas, à un moment où je me terre chez moi, victime d’une piqûre d’abeille à la paupière qui me dévisage à moitié, j’ai trouvé la compagnie de ce personnage difforme tout à fait divertissante et réconfortante. Heureusement pour moi, ma difformité n’est que passagère ! D’ici quelques jours, je vais réapparaître… peut-être en Sainte Hélène ?



05/06/2010
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