LECTURES VAGABONDES

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Norman Mailer : Le chant du bourreau/Un chant long et rébarbatif

     

  Quelle n’est pas ma joie d’être enfin venue à bout de ce roman-fleuve qu’est Le chant du bourreau, écrit par Norman Mailer en 1979 et paru aux éditions Robert Laffont en 1980. Pas moins de 1300 pages !

 

          Gary Gilmore vient de sortir de prison. Nous sommes en avril 1976. Neuf mois plus tard, il sera mort. Il faut dire que notre homme est loin d’être un enfant de chœur et a presque toujours connu l’enfermement. Très vite après sa sortie de prison, ses vieux démons le reprennent : il boit et se montre violent envers la femme qu’il aime follement : Nicole. Un soir où il a particulièrement bu, il tue deux hommes : Jensen et Buschnell ; l’un s’occupe d’une station-service, l’autre, d’un motel. Arrêté, Gary est condamné à mort. Cependant, en Utah, voilà bien longtemps qu’on n’a pas exécuté quelqu’un et on table sur le fait que Gary fera appel et passera le restant de ses jours dans le couloir de la mort. Mais, ô surprise ! Gary ne fait pas appel ; Gary veut mourir. Il faut dire que chez les mormons, on croit à la vie dans l’au-delà. Bien plus, il est des fautes qu’on ne peut expier que par la mort. Gary va se battre pour que sa condamnation à mort soit effective, ce qui laisse pantois à peu près tout le monde. Peu à peu, le côté exceptionnel de l’affaire enflamme les médias américains qui s’emparent de l’histoire de Gilmore. Les journalistes se battent pour écrire des articles sur ce condamné pas comme les autres ; Larry Schiller décide de réaliser un film sur sa vie. Et puis, il y a les lettres que Gary écrit à Nicole : des lettres enflammées dont la publication est envisagée. Il faut dire que l’amour de Gary pour Nicole ne cesse de croître au point que notre homme demande à cette dernière de se suicider en même temps que lui. Après cette tentative, Nicole passera plusieurs mois en clinique psychiatrique. De son côté, Gilmore entame une grève de la faim dont le but est de le laisser communiquer avec Nicole. Pour le reste, Gary se laisse interviewer par ses avocats, Stanger et Moody, qui enregistrent ses propos et les communiquent à Lawrence Schiller. Cependant, la date de l’exécution approche et pour ceux qui souhaitent l’abolition de la peine capitale, c’est la course contre la montre. Le juge Ritter octroie un sursis sur la question « est-il légal de dépenser l’argent des contribuables pour donner la mort ? ».  Sursis de courte durée qui sera bien vite révoqué. L’exécution a lieu ; Gary fait preuve d’un grand courage et d’une grande dignité. Ses cendres seront dispersées sur la maison de Spanish Folk qu’il occupait avec Nicole.

 

           Le récit de Le chant du bourreau se déroule sur un peu plus de neuf mois de la vie de Gary Gilmore : de sa sortie de prison en avril 1976 à son exécution le 17 janvier 1977. Il est composé de deux parties – voix de l’ouest et voix de l’est – de chacune 650 pages. Autant dire que le récit s’étire mollement sur une flopée de pages qui ne couvrent que peu de temps réel ; ainsi a-t-on droit ici à un interminable ralenti qui finit par noyer le lecteur. Il faut dire que Norman Mailer rentre dans le moindre détail et accumule les personnages. Certains sont très peu impliqués dans l’affaire Gary Gilmore et n’apportent pas grand-chose à l’histoire. Peu importe ! Ils sont quand même évoqués et on présente même parfois leur histoire complète. C’est particulièrement vrai pour la seconde partie du roman dans laquelle je me suis noyée et que j’ai lue dans un état d’hypnose sans plus comprendre qui était qui et faisait quoi.

    Cependant, Le chant du bourreau est basé sur une histoire vraie et sur une documentation précise et extrêmement fouillée. Le récit est émaillé d’extraits de lettres écrites par Gary Gilmore à sa bien-aimée Nicole, d’extraits d’interviews de différents personnages, d’extraits d’articles de journaux. Le but de Norman Mailer, c’est de rivaliser avec le roman De sang froid de Truman Capote et on constate que les deux romans ont pas mal de points communs dans le fond comme dans la forme mais il me semble que la longueur du roman de Mailer nuit à la force du propos.

           Il reste que Le chant du bourreau est un bon roman, certes indigeste ! mais il marque les esprits et on reste sous l’emprise du personnage de Gilmore, courageux, entier et déterminé dans sa volonté de mourir et de déranger l’Amérique bienpensante. Comble de la générosité de cet assassin qui sait aussi se montrer violent : il donne ses organes, ses yeux… pour sauver des vies, lui qui en a ôté deux.

           Je ne conteste pas la qualité du roman de Mailer qui a obtenu le prix Pulitzer en 1980. Cependant, sa lecture a provoqué mon ennui et l’envie d’en finir au plus vite afin d’écouter un autre chant !



20/06/2021
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