Nora Hamdi : des poupées et des anges / une daube angélique
On empruntant ce livre à la médiathèque, je savais que je ne m’apprêtais pas à lire le chef d’œuvre du siècle : en quatrième de couverture quelques éloges tirés de métro, 20 ans ou Paris Match… pas vraiment le genre de revues spécialistes en littérature… Mais pourquoi ne pas faire un peu de discrimination positive ? me suis-je dit : lire un bouquin écrit par une vraie banlieusarde, une fille qui ne soit pas issue du sérail conventionnel où beaucoup de talents sont usurpés et où on ferait bien de faire parfois un peu de ménage, lire aussi quelque chose de rafraichissant, d’inédit, qui n’aurait pas subi la loi des clichés actuels de la littérature. Le moins qu’on puisse dire, c’est que je me suis trompée sur toute la ligne et que je me retrouve bien mal à l’aise devant cet article à écrire : Nora Hamdi et son roman : des poupées et des anges paru en 2004 aux éditions du diable vauvert méritent-ils un assassinat ? Non, sans doute, car c’est surtout une œuvre insignifiante… Si j’étais critique littéraire, je crois bien que je me bornerais à ce constat… mais je suis une lectrice-blogueuse et une femme : voilà pourquoi j’ai envie d’aller plus loin et d’ouvrir un peu les perspectives féministes de Mademoiselle Hamdi.
Lya a 15 ans. Elle vit dans la banlieue parisienne dans une famille où le père est violent : il bat sa femme, ses filles. Elle a des amies, Wanessa, une graffeuse et Marie, une ex-délinquante. Elle a aussi une sœur, Chirine, bien décidée à se sortir de la banlieue en utilisant son atout principal : son physique. Entre premiers émois amoureux et sorties avec les copines, des poupées et des anges raconte la vie quotidienne de quelques filles de banlieue qui luttent pour se faire une place dans la société.
Pas de réelle intrigue dans ce roman plus que déliquescent, pas de réels personnages non plus… Quelques conversations banales et sans aucun intérêt entre filles de collège qui auraient aussi bien pu être issues de la campagne : « T’as vu ce mec ? Il est kiffant. J’ai envie de le revoir. Et qu’est-ce que je vais me mettre pour le rencard ? Une jupe ? Un pantalon ?». Tant mieux, finalement, si on découvre que toutes les filles de 15 ans ont les mêmes préoccupations et les mêmes conversations, mais littérairement, la chose, telle qu’elle est traduite dans le roman, n’a vraiment aucun intérêt. C’est d’une platitude rarement atteinte.
Les amourettes n’ont pas plus d’intérêt : quelques rencards au mac do, des conversations plates… et une scène de sexe : bien sûr qu’il faut sacrifier à la mode de ce genre de page lorsqu’on est une écrivaine contemporaine et trashy ! Mignon, la scène de sexe : une page sur le cunnilingus… mais j’ai dû relire plusieurs fois pour être sûre qu’il s’agissait bien de ça, car visiblement, Nora Hamdi a un peu peur des mots… Du sexe à l’eau de rose : pas de chaussettes à enlever, pas de sécrétions, pas de ressorts qui grincent, pas de bite et pas de clitoris…. Un partenaire « langoureux » qui sait « se placer instinctivement », qui « connaît l’endroit que doucement, impeccablement, soigneusement la bouche fouille ». Nora Hamdi se lance dans le sulfureux avec le manuel du parfait cunnilingus à l’usage des nuls. Je lui conseille de lire quelques pages de Philip Roth : très instructives au niveau de la parfaite fellation - et drôles, qui plus est - et de s’en inspirer pour évoquer avec doigté et langueur cette petite pratique ludique et très plaisante qu’est le cunnilingus (car il est vrai qu’on ne peut pas compter sur le très phallocrate Philip Roth pour ce genre de pédagogie)… Dommage, donc, pour Nora Hamdi qui reste un peu trop évaporée sur le sujet des émois clitoridiens… Elle rate en beauté son entrée sur la scène des écrivains sex-trash.
Quoi d’autre ? Pas grand-chose : Marie sort avec Medhi, Lya sort avec Mickaël… Elles kiffent grave ces mecs qui sont singulièrement absents du roman, sauf lorsqu’il s’agit de leur rouler des pelles, de les rencarder au mac do, ou de leur faire un cunnilingus. Elles aiment se battre : Lya fait du taekwondo. Elles s’habillent en survêtement, en baggy. Se faire une place dans la société ? On ne sait pas trop comment… Nora Hamdi ne parle guère de leurs ambitions professionnelles, l’école est totalement hors-sujet.
Reste le cas de Chirine, celle qui a décidé de s’en sortir en se servant de ses atouts physiques. Elle est belle, mince, porte des pulls Dior, des jeans Diesel. On se demande bien comment elle fait pour s’acheter tout ça, car elle ne travaille pas encore vraiment : un shooting photo dénudé, des virées avec son petit ami et agent artistique - Alex - dans les bars branchés de la capitale, une soirée en boîte de nuit durant laquelle Lya la surprend en train de se faire tringler par trois types dans les chiottes. Et puis, à la fin, la consécration : elle épouse un photographe renommé – Simon. On sent bien toute la haine et le mépris de Nora Hamdi pour ces filles qui veulent réussir en se servant de leurs charmes, pourtant, paradoxalement, le personnage de Chirine est le seul qui semble véritablement l’intéresser, puisque – même si son itinéraire de bimbo est hautement improbable – c’est le seul qui soit évoqué avec une certaine perspective dans ce roman totalement inconsistant. Je recopie ici le seul passage qui m’ait un tant soit peu éveillée dans toutes ces pages déliquescentes : au moins, Nora Hamdi y a mis de la tripe bien haineuse ! Je reprends ensuite la parole : casquette féministe.
« Qu’est-ce qui m’a pris d’aller dans cette putain de soirée ? Qu’est-ce que j’avais besoin de ramener ma gueule dans ces chiottes, qu’est-ce que j’avais envie d’aller danser avec toutes ces filles que je pourrais pas respecter, tous ces squelettes aux seins gonflés, aux bouches enflées, qui ne font qu’entretenir cette liberté sexuelle, faussement choisie, faussement voulue, faussement naturelle. N’ont même pas le mérite d’être de vraies prostituées, mais des fausses putes pour satisfaire de faux mecs. Une espèce en voie de développement. Elles n’attendent que de trouver un bourrin qui va les entretenir toute leur vie comme des poules. Négocier, trouver l’âne qui voudra d’une bouffonne prête à fermer sa gueule du moment que le chèque tombe. Trouver un sans-cervelle qui viendra chercher sa marchandise, sa putain de poupée, un sans-neurone qui veillera à ce qu’elle ne fasse jamais rien de ses dix doigts et qui, un jour fatigué d’elle, lui demandera de ne plus écarter les cuisses, tout en restant sa bonniche ».
Et revoilà le discours pseudo-féministe tant rabâché : la « femme-objet », la femme entretenue… avec, en prime, un mépris total des hommes et de leurs désirs. Replaçons les choses dans leur contexte : nous sommes dans une boîte de nuit, en compagnie de bimbos. On fait ici le grand écart entre le fantasme des hommes et la réalité de leurs véritables désirs ; les hommes n’épousent pas les bimbos, chère Nora, ou très rarement : ils regardent leurs photos, paient pour une nuit dans le meilleur des cas. Les bimbos sont prises en charge par des maquignons qui trient sur le volet celles qui leur rapporteront le gros lot. Ainsi donc, les femmes au foyer, les épouses et mères de famille que Nora Hamdi nomme les « bonniches » sont-elles rarement des bimbos (qui d’ailleurs ne rêvent sans doute pas, elles non plus, d’une vie rangée).
Quant à faire carrière en usant de ses charmes – ce qui semble totalement traumatiser Nora Hamdi – j’ai bien envie de dire que c’est peut-être l’une des voies les plus difficiles qui soient pour une femme. Beaucoup de candidates, quelques élues… parmi les élues, il y a celles qui finissent comme Anna Nicole Smith ou Lolo Ferrari… Celles qui réussissent vraiment n’ont pas que du charme : elles sont intelligentes et ont une tripe qui me semble hors du commun. Quelle hypocrisie de dire que c’est facile ! Se mettre nue devant toute la planète ? Facile ? Ben moi, je ne le ferais pas… Pas possible, pas capable. Pourtant, je ne suis pas particulièrement pudique ni pudibonde… Mais bon, visiblement, la plupart des femmes disent que c’est à la portée de la première connasse qui passe… donc, à la portée des intelligentes comme elles. J’attends de voir… Moi, je suis une extra-terrestre et j’avoue que ce n’est pas à ma portée. Ce sera donc sans moi, la grande partouze de toutes les Clara Morgane en herbe.
Mais passons sur le travail en lui-même, qui, à moi, me paraît très difficile. Il y a une vie, après le travail… L’exclusion, les moqueries, les insultes, les critiques… Y a-t-il un homme dit respectable qui épouserait une actrice porno ? Une playmate ? Les actrices X témoignent : elles ont des aventures sans lendemain dans le milieu, elles font une croix sur une vie de femme normale. Et puis, tout le monde vieillit : vient le temps où les maquignons lâchent leur poule aux œufs d’or pour une autre. Alors là, il faut avoir les reins solides et du plomb dans la cervelle pour rebondir et ne pas partir à la dérive. Clara Morgane, Julia Channel, Brigitte Lahaie sont quelques cas isolés qui ont pu tirer les marrons du feu et se reconvertir. Les exceptions qui confirment la règle : de vraies business women qui laisseraient pantoises bien des féministes si elles n’étaient pas tant occupées à cracher bêtement sur elles. Alors, non, vraiment, sombrer dans la facilité de fustiger les « femmes-objets » (concept machiste s’il en est) : très peu pour moi. Il est plus facile d’être prof, je pense. Revoyez votre copie, Mademoiselle Hamdi.
Quant au mépris des hommes qui émane de la fin de votre discours : est-il la peine de le commenter ? Zéro sur vingt. Nora Hamdi aligne bêtement les clichés, les lieux communs féministes… qui dissimulent mal une haine profonde pour les hommes en général, même si elle ne semble pas les mettre tous dans le même paquet : leur absence totale de ce roman est assez parlant… Des histoires d’amour sans hommes réellement palpables, je ne kiffe pas du tout.
La seule chose qui me semble sauver un peu ce roman, c’est que Nora Hamdi rend au sentiment amoureux une dimension qui me semble indispensable dans ce monde où on parle surtout de sexualité pure et dure. Ca peut paraître contradictoire avec le reste du message que véhicule ce roman, et ça l’est… mais vu que c’est un très mauvais roman, je me contenterai de le souligner, sans l’expliquer. Chirine est une bimbo, une « femme-objet » superficielle qui ne pense qu’à se maquiller et à se faire belle : elle ne connaît que le sexe. Lya est une « pas femme-objet », habillée en survêtement, pas maquillée : elle connaît l’amour (et le cunnilingus). Voilà. Deux poids, deux mesures. Donc, moi, en tant que lectrice-blogueuse et femme qui aime la mode, le maquillage etc… : je suis condamnée à être une « femme-objet » (d’ailleurs, j’ai déjà été insultée par des élèves du niveau de Nora Hamdi : « pot de peinture et barbie girl en plastique » était-il écrit sur leur petit mot doux) : ainsi, pour moi, pas d’amour, just sex avec deux ou trois mecs à la fois. Okay ! On va s’arrêter là…
Mais dans tout ça, on aimerait bien que les « pas femmes-objets » aient un avenir : et l’école ? Elles y vont ou non ? Elles ont 15 ans, quand même ! Au lieu de s’intéresser à cette « pute » de Chirine, Nora Hamdi aurait peut-être pu imaginer une voie « respectable » pour ses autres héroïnes. Mais rien. Donc, on ne saura pas trop comment une fille de banlieue fait son trou dans la société si elle choisit de s’habiller comme Diam’s. Tant pis.
Je suis désolée, chère Nora, d’avoir à ce point assassiné votre roman (et encore ! Je n’ai rien dit de votre écriture déplorable), mais si j’ouvre le livre et si je regarde votre joli minois bien maquillé, je pense ne pas avoir trop de souci à me faire pour vous : vous êtes très belle, très jeune, graffeuse, peintre et réalisatrice, vous faîtes des mangas… Je vous déconseille de persister dans la voie de l’écriture… écrire, ça s’apprend un peu et réfléchir également : je ne pense pas que l’immaturité totale de votre roman soit uniquement lié à votre jeunesse toute angélique. Cependant, à l’heure actuelle, l’éducation nationale offre des stages de remise à niveau… Mais j’oubliais ! Vous êtes si belle !
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