Nelly Harrau : Fraise / un fruit qui manque un peu de maturité.
Voici un roman de saison ! Le printemps approche… On va pouvoir bientôt se délecter de ces fruits magnifiques que sont les fraises ! Pour l’instant, elles mûrissent encore, un peu à l’image de ce roman : Fraise, écrit par la jeune écrivaine Nelly Harrau et paru en 2006 aux éditions Ramsay.
Le roman raconte l’itinéraire sentimental de Célia Vanier, alias Fugue, alias Manège, alias Lumière, alias Belle, Moche, Seule…. Alias Fraise, également. En effet, la jeune fille refuse de porter le prénom que lui ont octroyé ses parents. Instable, l’enfant est fugueuse. Il faut dire que le quotidien familial n’est pas toujours gai : sa mère est une allumeuse, son père, patron d’un bistrot, boit un peu trop. Fugue rêve d’une belle Ville où il y aurait des manèges et de la barbe à papa à profusion. A 8 ans, elle rencontre Hugo, le fils des voisins de ses grands-parents, dont elle tombe amoureuse. Mais l’été s’achève. Fugue-Manège grandit. Elle s’éprend d’un jeune maghrébin, Destin… Et puis, elle revoit Hugo, son grand amour. C’est Destin qui aura cependant sa virginité. Plus tard, Fugue-Manège-Lumière-Belle devient Moche et entreprend une liaison avec son professeur de français qui souhaite l’épouser. Mais la jeune fille le quitte pour Arthur, un peintre qui ne l’aime pas et la surnomme Fraise. Devenue Seule, elle retrouve Hugo qu’elle finit par épouser, sous le prénom de Célia.
Fraise, c’est avant tout l’histoire d’une jeune fille mal dans sa peau qui recherche désespérément le grand amour, le prince charmant, sans jamais le trouver vraiment. Hugo ? A chaque fois qu’il la revoit, elle n’est plus pour lui qu’un vague souvenir. Lorsqu’à la fin elle l’épouse, c’est pour se rendre compte que la quête de l’homme idéal n’est pas finie, puisque déjà, elle a envie de changer de prénom. D’ailleurs, ces derniers varient en fonction de sa situation, de ses rêves de ses états d’âme… Comme ils changent 36 fois au cours du roman, c’est dire si la jeune fille est instable !
En trame de fond, il y a l’histoire d’Eliane et de Paul, les parents de Célia. La mort de la grand-mère plonge Eliane dans la folie permanente… et la jeune fille se rend alors compte que sa grand-mère, sa mère, ont eu la même histoire qu’elle : des hommes, des amours, des quêtes vouées sans cesse à l’échec. Serait-ce-là donc le destin de toutes les femmes un peu rêveuses ?
Je dois bien dire que j’ai moyennement aimé Fraise qui, à mon sens, recèle un petit goût d’immaturité. Lorsqu’on lit le livre, on a l’impression d’un papillonnage de prénoms et de garçons rencontrés. Les différentes séquences narratives, tout comme le caractère et la psychologie de l’héroïne, sont à peine ébauchés que déjà, on passe à autre chose. Papillon, papillon, jolie bestiole printanière, ne fait qu’effleurer la petite fraise mûrissante !
C’est bien dommage, en vérité, car je suis persuadée que Nelly Harrau a beaucoup travaillé à ce roman, notamment à l’écriture. Les phrases sont courtes, souvent juxtaposées, et on sent que l’écrivaine a un certain goût pour une espèce d’écriture minimaliste qui saurait mettre en relief certains mots. Le lecteur goûte donc à des mots-fraises qui parsèment les phrases et leur donnent une saveur poétique… Une petite fraise, pour la route ? Allez, on y va….
« Brigitte – un des innombrables prénoms de l’héroïne - a dix ans, et mémé est morte. Maintenant elle sait ce que c’est, la mort : beaucoup de silence, une boîte et des larmes. Mémé dort dans la boîte. Papa, maman, pépé et elle marchent derrière. La mère lui tient la main en pleurant. Elle répète que mémé a trop aimé, trop fort, trop aimé, trop fort ».
On peut aimer un roman écrit intégralement de cette manière : moi, je trouve la fraise un peu indigeste, à la fin. Écriture trop travaillée, manque de naturel… La liqueur de fraise finit par soûler sec ! Surtout, j’ai vraiment eu l’impression que l’écriture prenait le pas sur l’histoire, et la forme sur le fond. Or, un roman réussi ne doit pas donner cette impression : l’ensemble – fond et forme - doit être harmonieux.
Reste donc un assez joli roman qui effeuille une éducation sentimentale sans jamais vraiment parvenir au cœur du propos… Laissons donc encore mûrir la fraise : Nelly Harrau, jeune écrivaine, ne peut que bonifier avec le temps et l’expérience de l’écriture.
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