LECTURES VAGABONDES

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Muriel Barbery : L’élégance du hérisson/Elégant et hérissant.  

 

 

          Voici un roman qui ne manque pas d’élégance mais qui, par certains aspects, nous irrite au point de nous hérisser le poil. Je veux bien sûr parler de ce fameux roman qui eut son heure de gloire il y a quelques années : L’élégance du hérisson, écrit par Muriel Barbery, paraît en 2006 aux éditions Gallimard.

 

          Renée est une concierge atypique qui officie au 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois parisien. Pour la vitrine, elle joue les concierges stéréotypées afin de ne pas perturber les locataires bourgeois de l’immeuble : dans sa loge, elle allume la télévision qui diffuse des émissions populaires, elle laisse planer une odeur de café et de nourriture familiale concoctée avec des produits peu chers. Or, si on pénètre dans ses appartements, derrière la loge, on découvre une femme cultivée, une lectrice friande de philosophie et de nourriture raffinée. Renée  est veuve d’un homme simple qu’elle a autrefois tranquillement aimé : Lucien. Dans le même immeuble vit la jeune Paloma, fille d’une famille bourgeoise qui ne se sent pas à sa place dans cet environnement névrosé, pétri de certitudes et de faux-semblants. Et puis, elle aussi, elle philosophe et ses conclusions l’amènent à penser que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue car on la passe tels des poissons dans un bocal. Voilà pourquoi Paloma a choisi la date de son suicide. Mais un évènement va chambouler tout ce petit monde qui passe sa vie en solitaire, déchiré entre l’être et le paraître, un paraître destiné à conforter une image de soi attendue par les autres. Le critique culinaire Pierre Arthens est mort et son appartement est cédé à un curieux japonais nommé Kakuro Ozu. L’homme sait voir aux delà des apparences et s’intéresse bien vite à notre concierge qu’il invite à diner chez lui. C’est alors que les deux philosophes contemplatifs se rapprochent. Et puis, c’est sans compter la petite Paloma qui, alors qu’elle est envoyée par sa sœur à la loge pour demander un quelconque service, découvre en Renée une personne intéressante qu’elle a envie de fréquenter. Ce trio apparemment improbable tisse des liens de plus en plus forts au point que Renée et Kakuro semblent s’acheminer vers une histoire d’amour. Mais le destin en a décidé autrement : alors qu’elle cherche à aider Gégène le clochard, Renée est renversée par une voiture. Avant de mourir, elle a eu le temps de transmettre à Paloma le goût de la vie et du bonheur. Paloma décide donc de regarder autrement la vie et les autres… et oublie le suicide qu’elle avait programmé.

 

          L’idée de départ de ce roman - L’élégance du hérisson -  est intéressante et aurait pu donner un livre tout à fait drôle et cynique. Malheureusement, on reste sur sa faim pour différentes raisons.

          Il est vrai que de tirer à boulets rouges sur les préjugés est toujours réjouissant ! Ici, nous avons une concierge qui, tout en voulant coller aux préjugés des bourgeois sur les gens qui exercent ce métier, mène en sourdine une vie intellectuelle intense. Voilà pourquoi elle laisse tourner la télévision qui diffuse des émissions populaires, voilà pourquoi elle laisse planer dans son appartement des odeurs de pot-au-feu… et puis derrière, dans l’arrière-cuisine, elle écoute de la musique classique, lit des ouvrages philosophiques, etc… Ce décalage est vraiment drôle et permet de réfléchir à la distorsion qui peut parfois exister entre l’être et le paraitre, à la subjectivité du regard qu’on porte sur les autres, au racisme de classes sociales. Ces témoignages alternés d’une concierge intellectuelle et d’une adolescente, elle aussi passionnée par les choses de l’esprit et en sus, révoltée, permet à l’auteure de se livrer à une amusante satire de la bourgeoisie parisienne.

          Et puis, on aime aussi la dualité de ces personnages : la concierge, qui n’est plus un perdreau de l’année, garde un esprit jeune, curieux, à la recherche du plaisir et du bonheur, tandis que l’adolescente paraît déjà vieille et revenue de tout. Bien évidemment, le scénario est un peu cousu de fil blanc : la rencontre des deux personnages fera basculer l’adolescente du côté de la vie et la mort de la concierge offrira à Paloma l’occasion de revenir sur sa décision de se suicider.

          Cependant, je dois bien avouer que je trouve l’intrigue décevante. Je viens de dire que le scénario de la relation entre la concierge et la lycéenne était cousu de fil blanc. Je poursuivrai en disant que pour le reste, c’est bien léger ! On surfe sur l’idée d’un nouveau départ pour Renée : veuve depuis plusieurs années, elle rencontre un japonais cultivé et adepte des saveurs raffinées. Cette recherche de la perfection du moment permet à Renée de découvrir le secret du bonheur : volatile, ce dernier existe lorsqu’on réussit à atteindre la perfection dans un instant, certes, ténu. Cependant, les relations entre les personnages restent superficiellement traitées (que ce soit entre Renée et Kakuro, ou entre Renée et Paloma).

          Enfin, il faut bien avouer que ces longs passages où Renée laisse libre cours à ses pensées philosophiques sont assommants et abscons. On se demande alors si on est encore en train de lire un roman ou un reader-digest de philosophie.

          Il est sûr que L’élégance du hérisson est un roman original et peu commun. Il laissera sans doute un souvenir sensible dans ma mémoire mais je dois dire aussi que pendant environ la moitié du roman, je me suis ennuyée.



15/11/2020
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