LECTURES VAGABONDES

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Rachel Joyce : La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry arriva le mardi… /Un roman qui ne change en rien la vie du lecteur.

                Qui n’a pas rêvé un jour d’un coup de pouce miraculeux qui aurait la capacité d’enchanter une vie décidément trop monotone ? Certes, le thème est bien conventionnel et assez rebattu. Cependant, je vous invite à vous laisser ensorceler par ce joli roman de Rachel Joyce paru en 2012 aux éditions XO : La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry arriva le mardi….

         C’est en effet un mardi qu’arriva la lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry, retraité empêtré dans une vie morne et sans saveur. C’est Queenie Hennessy, une ancienne collègue et amie, qui lui envoie ce mot dans lequel elle l’informe qu’elle est atteinte d’un cancer incurable. Harold écrit une réponse qu’il s’empresse de porter à la poste… Il passe devant la boîte aux lettres, pousse un peu plus loin, puis encore plus loin. C’est ainsi qu’il décide de se rendre à pied jusqu’à la frontière écossaise, à Berwick, là où s’éteint doucement Queenie. Cependant, il passe à la malade un coup de fil dans lequel il lui demande de l’attendre, persuadé que sa marche lui sera salvatrice. C’est ainsi que notre retraité remonte à pied l’Angleterre : il marche, marche, fait des rencontres, se fait mal aux pieds, et égrène ses souvenirs. Pendant quelques temps, il deviendra même une star et entrainera dans son sillage quelques suiveurs touchés par sa démarche. Mais c’est seul qu’il arrive à l’hôpital où se meurt Queenie. Harold ne le sait pas, mais sa présence aidera la veille dame à mourir… tandis que ce périple offrira à notre héros un nouveau départ avec Maureen, son épouse de laquelle il s’était éloigné.

    Non, je n’essayerai pas de vous faire croire que ce roman de Rachel Joyce va révolutionner la littérature, bien au contraire ! Le thème est très classique, conventionnel et quelque peu idéaliste car qui, passé l’adolescence, se laisserait berner par l’idée qu’un petit miracle inattendu et tombé du ciel pourrait changer et illuminer le cours d’une vie qu’on a déjà bien du mal à faire correspondre au plus banal de nos rêves ? Par ailleurs, l’intrigue du roman est totalement téléphonée et attendue : le brave Harold reçoit la lettre de Queenie, atteinte d’un cancer en phase terminale, et décide de prendre la route pour la rejoindre dans l’idée que s’il réussit le miracle de se rendre à pied dans le nord de l’Angleterre, le miracle opérera aussi pour sa vieille amie. Bien sûr, Rachel Joyce n’est pas débile au point de proposer à son lecteur la réalisation effective de ce miracle… quoique ! Plutôt habile, elle imagine un retournement de situation : certes, si la visite d’Harold aura aidé Queenie à s’en aller dans la paix, c’est finalement Harold lui-même qui sera sauvé, car cette longue marche, et donc cette longue séparation d’avec son épouse Maureen, sera l’occasion d’un nouveau départ pour ce couple qui battait sérieusement de l’aile. Et oui ! Il faut croire au miracle ! Je vous le dis… M’enfin. N’oublions pas quand même que rien ne nous tombe jamais tout cuit dans le bec !

      En ce qui concerne les péripéties qui forment la trame du roman, elles aussi, elles sont totalement prévisibles. Si je vous dis : un personnage prénommé Harold décide de prendre la route pour retrouver une ancienne amie atteinte d’un cancer en phase terminale, qu’imaginez-vous comme scénario ? Des rencontres en cours de route, des liens qui se créent, des confidences qui se font : au fur et à mesure, nous découvrons la vie et les failles de notre héros, Harold qui, bien évidemment cache une douleur, une fêlure qui ruine son couple : le suicide d’un fils unique. Eh bien, vous venez de résumer ce roman sans l’avoir lu !

      Malgré ces vilaines moqueries, j’avoue que j’ai bien apprécié ce roman de Rachel Joyce que j’ai trouvé rafraichissant. Le personnage d’Harold est amusant dans le genre antihéros qui a mal aux pieds et qui souffre d’une maladive – mais finalement très sage - modestie. Et même si l’ensemble est parfaitement prévisible et pétri de bons sentiments, on se laisse prendre par cette histoire somme toute bien menée et bien ficelée.

      Sans doute l’approche de Noël favorise-t-elle l’indulgence ? Sans doute la multiplication de lectures assommantes favorise-t-elle la clémence lorsqu’un roman digne de ce nom, sans plus, se présente à nous ? En tout cas, si La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry arriva le mardi n’influe en rien notre vie, elle nous permet de passer un bon moment.



29/08/2015
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