Jacques Chessex : Le dernier crâne de M. de Sade / l’ultime roman de Chessex
Il me semble que le dernier crâne de M de Sade soit l’ultime roman de Jacques Chessex, décédé en 2009. En tout cas, il fait partie des œuvres de l’auteur parues en 2009, année de sa mort. Le roman, par ailleurs offre ça et là une méditation sur la mort.
Donatien Alphonse François de Sade se trouve depuis 11 ans enfermé à l’hospice d’aliénés de Charenton. Nous sommes en 1814. Le vieux marquis est bien mal en point : son corps se délabre de partout. Cependant, même dans sa cellule, il ne renonce pas à ses pratiques sexuelles : une jeune servante, Madeleine Leclerc, s’offre à ses caprices quasiment tous les jours. Cependant, le vieux libertin s’éteint en Décembre 1814. Conformément à sa volonté, aucune autopsie ne sera pratiquée sur son corps. Plus tard, en 1818, lors du remaniement du cimetière de Charenton, sa tombe sera ouverte. C’est alors que commence la seconde partie du roman. Le docteur Ramon s’empare du crâne pour l’étudier. C’est le début d’une folle épopée pour cette précieuse relique : nous suivons ses diverses pérégrinations jusqu’à nos jours.
L’ensemble souffre d’une certaine superficialité. C’est en effet une gageure que de s’attaquer à un monument tel que le marquis de Sade, écrivain libertin qui a suscité autant l’effroi que le dégoût et le rejet. Difficile d’aborder toute la complexité d’un tel personnage provocateur et subversif en 170 pages : c’est pourtant ce que prétend faire Chessex.
Cependant, l’ensemble est assez plaisant à lire : on ne s’ennuie pas et Chessex nous prend par notre côté voyeur. Il s’attarde en effet longuement sur le corps dégradé, sur l’estomac adipeux, sur le fondement dilaté et sanguinolent du vieux marquis. Il n’épargne pas non plus le lecteur au sujet de toutes les sécrétions émises par le vieillard à l’agonie. Par ailleurs, jusqu’au bout, le libertin s’adonne à ses pratiques sexuelles favorites en compagnie de Madeleine Leclerc qui parvient à extirper quelques gouttes de semence du petit pénis rabougri moyennant un ferme limage du rectum à l’aide d’un godemichet démesuré. Gloups !!! Par ailleurs, pratiques sadiques : bondages ou scatologie ne sont pas absents des pratiques du marquis. Allons donc, même si à l’heure d’internet, rien de tout cela ne nous est plus guère totalement étranger, du moins visuellement…. Reste à se dire que pour le bon vieux marquis, par ailleurs totalement incapable de pénétrer une femme, tout cela constituait une pratique quotidienne et hygiénique somme tout bien banale. Je regrette cependant que Chessex ait réduit à ce point Sade à ce vieux vicieux répugnant, oubliant totalement la dimension morale et intellectuelle de l’écrivain. Il semble bien plutôt préférer réduire le libertin à une sorte d’antéchrist sulfureux, puisqu’il évoque à plusieurs reprises la lumière jaunâtre qui auréole le vieillard lorsqu’il se livre à ses pratiques sodomites.
Le pouvoir magique et diabolique du crâne du marquis est également le fil rouge de la seconde partie, puisque tous les possesseurs de la relique sont l’objet de drames étranges et inexplicables. Exemple : l’un de ses détenteurs en absorbe un morceau préalablement broyé ; résultat, il viole et sodomise sa compagne avant de se retrouver en hôpital psychiatrique.
Certes, on sent que Chessex cherche à rendre hommage à Sade en sous-entendant qu’il n’est pas mort, qu’il est toujours parmi nous et qu’il nous regarde vivre avec une certaine ironie : c’est en effet l’expression qu’arbore le crâne du défunt. Par ailleurs, l’évocation de la relique, dans la deuxième partie, nous fait penser à ces natures mortes baroques du XVIème siècle qui sont là pour nous rappeler que nous ne sommes que de passage sur terre. Enfin, il oppose la laideur du vieillard mourant dans la première partie et la beauté de son crâne, en seconde partie.
Je ne conteste pas cette manière d’hommage qu’a choisi Chessex, fasciné par les superstitions religieuses et les étrangetés de l’âme humaine. Cependant, selon moi, c’est vivant que Sade est beau car on ne soupçonne pas l’importance du message des libertins du XVIIIème siècle et du travail qu’ils ont réalisé pour contrer les frustrations générées par la religion, notamment au niveau du sexe. Après tout, inutile de se voiler la face : c’est quand même dans le sexe un peu extrême, agrémenté de jeux de rôle, et de mise en danger qu’on trouve le plus de plaisir ! On est tous un peu libertins, sinon en pratique, du moins dans l’âme. Allez, allez, je vous quitte avant de vous raconter comment, un jour, dans le fond d’un bar, avec François, on a fait…. Ouh là là ! BIP, BIP ! Je raccroche !
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