Brigitte Aubert : Descentes d’organes / petite descente dans la littérature de genre
Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas une lectrice vorace du genre policier que je connais assez mal. Mais puisqu’en ce moment, l’envie me prend d’aller un peu vagabonder de ce côté… et de ne pas faire dans la demi-mesure ! Un polar gore, s’entend – rien de bien étonnant pour une amatrice inconditionnelle de séries B/Z et autres horreurs cinématographiques (et oui, je persiste et je signe ! Rien ne vaut un bon film d’horreur pour faire dodo et se dire que demain, au lycée, ce sera cool !) Ainsi, c’est avec Brigitte Aubert et son roman : Descentes d’organes paru en 2001 aux éditions du seuil que j’initie ma petite descente dans la littérature de genre.
Toute l’équipe du capitaine Janneaux est en émoi : un cadavre totalement éviscéré vient d’être repêché sur le rivage marseillais. Il s’agit d’Elie Choukroun, un homme sans histoire. Quelques jours plus tard, on repêche Kamel Allaoui, honnête serveur dans un snack de kébab, dans les mêmes conditions. Des pistes sont évoquées : trafic d’organes, tueur en série ayant pour cible des jeunes hommes au physique méditerranéen, peut-être un homosexuel. Pendant que nos flics déambulent dans Marseille, d’autres victimes sont retrouvées : Tony Diaz, puis Johanna Quimpeaux… Peu à peu, l’étau se resserre autour d’un serial-killer tout à fait allumé sous des abords très discrets, voire effacés : Philippe Guidoni ; ce tueur fou se fera bien entendu coffrer à la fin du roman, par l’équipe de choc du capitaine Janneaux.
Avec Descentes d’organes, on a plutôt affaire à du polar style bande-dessinée, doté d’un certain sens de l’humour, mais dans le fond, pas très original…. Et certainement pas effrayant !
Parlons d’abord de l’équipe de bras-cassés qui composent la brigade criminelle censée mener l’enquête : Jean-Jean, Lola, Jeanneaux, Merrieux, Marcel Blanc… autant de flics ringards et peu motivés, qui passent leur temps à siffler des pastagas et à foirer toutes les planques mises en place : il faut dire que Jean-Jean est très préoccupé par le tour de poitrine de Lola, que Marcel vient de retrouver femme – Nadja – et enfants dont il faut s’occuper… Bref, si dans l’équipe Jeanneaux, ça palabre sec, ça n’en fout pas une ramée… Les pistes sont lancées, jamais explorées. L’enquête va donc progresser par hasard, par rencontres fortuites, par heureuses coïncidences et heureux recoupements… Mais on ne peut pas dire qu’on soit face, ici, à une section criminelle de talent du genre les experts : disons plutôt que tous ces joyeux flics forment une sacrée bande de pieds nickelés en goguette. Bref, si les personnages sont amusants, on ne peut pas dire que le lecteur s’éclate à lire cette enquête qui patine longtemps avant de se mettre en route par hasard.
Par ailleurs, Brigitte Aubert a pris soin de faire le lien avec un précédent roman dans lequel sévissait déjà la même équipe : le couturier de la mort, qui mettait en scène un autre serial-killer qui cousait n’importe comment les têtes et les membres de ses victimes pour en faire de pures créations artistiques. L’âme de celui-ci s’est immiscée dans le petit corps de la fliquette sexy : Lola. Cette dernière ne le sait pas : elle a juste, parfois, des étourdissements. Le lecteur s’attend cependant à une intrigue dans laquelle Lola pourrait tenir un rôle ambigu, puisqu’elle est en quelque sorte possédée par l’âme d’un tueur. Que nenni ! Cette petite fantaisie ne sert qu’à introduire quelques commentaires décalés sur les scènes de crime ou autre : le couturier de la mort se délecte du talent de son successeur et le dit haut et fort, quelque part dans la tête de Lola : point barre. Petite idée sympathique, donc, mais au demeurant totalement sans intérêt et inutile.
Venons-en à notre fameux serial-killer : Philippe Guidoni alias Papa Ouvre-boîte. Brigitte Aubert donne dans le stéréotype du pauvre gosse traumatisé par une enfance perturbée, un rien sado-maso, le tout couronné d’une pointe de mysticisme : certes, elle en rajoute à mort sur ces points-là, ce qui en fait une caricature amusante, dans le style monstre horrible qui fait même-pas-peur à force d’être trop vilain. Mais… là encore : on est déçu ; on aurait aimé y croire, à ce serial-killer qui éviscère ses victimes, qui s’enfonce des pointes dans les arcades sourcilières, qui se fiche des clous dans les gencives, le nombril, etc, qui rêve de devenir Jésus, qui vit dans un taudis plein de chats puants auxquels il donne les tripes de ses victimes, qui aime marcher dans la merde et en foutre partout sur le palier des voisins. Ceci dit, le jour, avec sa fausse barbe, il est assez séduisant : c’est un monsieur sans histoires qui est pianiste de jazz dans une boîte nommée le Divan. Et bien évidemment, il ne parle à personne, n’a aucun ami…. D’autres idées pour en rajouter encore une couche dans le profil-type du serial-killer déjanté la nuit, honnête le jour ? Ah oui, il aime éclater ses pustules purulentes entre ses doigts : bref, un serial-killer cradingue dans le style de Carver, petit film slasher sans prétention de Franklin Guerrero JR… bien jouissif quand même.
Allons donc ! On est loin des serial-killers qui font froid dans le dos : Hannibal Lecter et compagnie. Ici, on est dans la farce gore du genre Brain dead de Peter Jackson.
Ceci dit, Descentes d’organes est un petit polar gore qu’on lit avec un certain plaisir : on passe d’un personnage à l’autre sans tralala, un coup du côté des flics, un coup du côté du Papa Ouvre-boîte, un coup du côté des victimes… Le tout est ficelé dans une écriture décontractée, voire parfois argotique, assez vivante.
Ceci dit, c’est clair, ce n’est pas Brigitte Aubert qui va me convertir à ce genre de roman : un de temps en temps, je ne dis pas… Mais pour le reste, si je veux avoir peur, je m’enfile mes petits slashers bien crades à base de tarés louches du fin-fond du rayon boucherie-charcuterie de la cambrousse américaine ou australienne. Dans le genre, le crocodile Dundee sanglant de Wolf Creek m’a bien fait triper… Brr-gla-gla !
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