Michka Assayas : Exhibition / diagnostic d'un mal moderne
Le simple mot roman suffirait donc à résumer toute la complexité de cette œuvre ?
Philippe, la quarantaine dépressive, ancien chroniqueur dans une revue rock des années 80, vit désormais rivé au minitel rose, entre deux piges pour Sonic FM. Le décès de Solange, mère de Jean-Michel et Nicolas Seigneur, d'anciens camarades, est l'occasion d'un retour sur ce que fut sa jeunesse, puis sa vie d'adulte.
Fin des années 70, la jeunesse est encore éprise de politique, d'idéal, croit en sa capacité à refaire le monde, à lutter contre la société de consommation. Et puis, il y a eu le tournant des années 80 : le mouvement punk, à travers une musique prémonitoire, annonce l'anéantissement de toute valeur. Depuis, plus rien… Le monde ne cesse de se plagier, de s'auto-parodier, sans plus croire en rien, là où désormais la forme prime sur le fond.
Dans cette peinture au vitriol de notre époque, à mi-chemin entre l'écriture désincarnée d'un Bret Easton Ellis, et celle désabusée d'un Michel Houellebecq, Assayas fustige tout ce qui nous ronge, tout ce qui nous tue : des marques de vêtements qu'on arbore comme un logo, aux images qui nous assaillent de partout sans jamais plus nous interpeller, en passant par le travail où toute initiative – même artistique – se décline d'abord en statistiques et parts de marché, ou encore par le mariage devenu aujourd'hui une sorte d'association à vocation essentiellement économique.
Oui, le monde n'est plus qu'une immense et triste exhibition où la forme, sorte d'immense coquille vide et insensée, a pris le pas sur le contenu, devenu simplement accessoire.
Si les réflexions philosophiques du personnage peuvent parfois paraître longues et ennuyeuses, il n'empêche qu'au final, on ressort de la lecture de ce livre sérieusement ébranlé, à la limite du nihilisme… et même si l'on a bien conscience qu'Assayas ne fait que diagnostiquer, pointer du doigt un mal être dont nous sommes tous plus ou moins conscients, son écriture fait mouche à tous les coups…
Exhibition fait donc partie de ces romans déroutants, inclassables, à mi-chemin entre le pamphlet, l'autofiction, et la chronique, cocktail détonnant pour un sacré remue méninge.
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