Jean-Philippe Toussaint : La salle de bain… premier bain de minuit.
Quelle coïncidence ! A
l’heure où mon bateau de retour de vacances longe le cap corse en passant au
large du village d’Erbalunga, j’achève La salle de bain de Jean-Philippe
Toussaint, … et c’est justement à Erbalunga que l’auteur a reçu l’aval de
l’éditeur pour la parution de ce premier petit roman, en 1985, aux éditions de
Minuit.
Petit roman par la taille, tout
d’abord : 130 pages imprimées de gros caractères. Un livre idéal pour une
fin de vacances, lorsqu’on traînasse encore un peu sous le soleil de
méditerranée, sur le pont d’un navire de la corsica ferries. Petit également si
je compare ce roman à celui que j’ai lu il y a 15 jours - La télévision
- paru plus tard, et nettement meilleur, maturité et expérience de
l’écriture obligent.
Quelques mots sur
« l’histoire » proposée par La salle de bain. Le narrateur, un
historien de 27 ans, décide de vivre dans sa salle de bain. Il s’y sent bien
pour y rêvasser, y méditer, s’y curer les ongles. Cependant, au bout de
quelques jours, il sort de son antre et vaque à d’autres occupations dans son
appartement.
Ce premier roman de Jean-Philippe
Toussaint a suscité l’enthousiasme de Jacques-Pierre Amette dans son article du
Point du 2 Septembre 1985, il déclare : « Jean-Philippe Toussaint a
écrit quelque chose qui n’est ni une chronique, ni un roman, mais une histoire
picaresque version compacte, un bric-à-brac d’émotions et de détails saugrenus,
une sorte de miracle qui tient sur le ton et non pas sur l’histoire. »
Je ne peux que souscrire à cet
avis… Cependant, c’était en 1985, et depuis, Toussaint a beaucoup écrit !
Aujourd’hui, donc, l’intérêt de la salle de bain réside surtout dans le
fait qu’on y trouve tous les ingrédients de base de la « pâte » Toussaint…
une pâte nettement plus travaillée, peaufinée et relevée dans les œuvres qui
vont suivre (si j’en juge par la télévision).
Ainsi, ce premier roman est-il
déjà un antiroman puisqu’il n’expose rien d’autre que les faits et gestes d’un
narrateur qui n’a pas trop envie de travailler ni d’entreprendre quoi que ce
soit qui demanderait un effort. Il se lave donc les mains, après être allé
chercher un pull qu’il décrit minutieusement, et avant de fermer machinalement
la porte du placard et de s’asseoir sur le lit. Bref, un roman sur du rien, qui
n’est digeste, en ce qui me concerne, que s’il comporte une bonne dose d’humour
et une écriture solide. Eh bien ! Dans la salle de bain, on peut
effectivement apprécier cet humour pince-sans-rire qui caractérise
Jean-Philippe Toussaint, mais dans des proportions nettement moindres que dans la
télévision… et c’est avec un vague ennui, et parfois, avec l’esquisse d’un
sourire que j’ai lu ce roman, lors même que la lecture de la télévision
avait su déclencher chez moi de ces fous rires dont les montagnes corses se
souviennent encore peut-être.
Par ailleurs, La salle de bain
surpasse à elle seule, selon moi, toutes les tentatives équivalentes de déstructuration
du roman lancées par la soporifique vague du nouveau roman des années 50 :
elle a, sur ces dernières, l’avantage de l’humour et du refus de l’intellectualisme.
Ainsi, comme le dit très bien
Jacques-Pierre Amette en 1985, la salle de bain est « une
exception, une merveille, l’éclosion d’un écrivain inclassable et parfait ».
Mais aujourd’hui, l’œuvre vaut surtout pour ce charme un peu désuet des
promesses passées dont on sait qu’elles ont été tenues et davantage encore, au-delà
de tous les espoirs.
Note additionnelle : j’ai écrit cet article il y a une
dizaine de jours, sur le bateau de retour de vacances. A l’heure actuelle, j’achève
la lecture d’une œuvre de Toussaint parue en 2002, faire l’amour : je
suis nettement moins enthousiaste… à suivre, donc…
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