LECTURES VAGABONDES

LECTURES VAGABONDES

François Morel : les habits du dimanche / Du taillé chic, mais court… très court.


                On connaît tous François Morel, illustre membre de l’équipe des Deschiens. On connaît moins l’écrivain qui s’avère être tout à fait recommandable si je juge d’après ce roman qu’il a écrit en 1999 : les habits du dimanche, paru aux éditions du Rocher.

                Les habits du dimanche offre une chronique familiale douce-amère racontée par l’un de ses membres : le cadet, Adrien, narrateur de l’ensemble. Regard d’enfant sur le monde, la famille, l’avenir, la mort. Commençons par la présentation de la famille Verblanchot.

Tout d’abord, le grand-père : Antoine Verblanchot. Homme plutôt râleur et pétri de contradictions comiques, il décèdera après une descente aux enfers dans la maladie d’Alzheimer. La mère, Yvette Verblanchot s’occupe de la sainte famille : repas, lessive, repassage. Cependant, c’est aussi une femme qui a au fond du cœur des rêves perdus qu’elle chante lorsqu’elle est seule dans sa cuisine. Elle aime Tino Rossi et gagne d’ailleurs à un concours Lustucru organisé pour le chanteur. Le père travaille pour les camemberts Bonprince : il est très fier de son travail et des produits dont il est responsable. Adrien a une sœur ainée : Marylin, avec laquelle il entretient des relations privilégiées… jusqu’au jour où Marylin a ses règles, jusqu’au jour où elle se préoccupe des garçons, jusqu’au jour où elle se marie avec Gérard. Quant à Sébastien, le petit dernier de la famille, Adrien le côtoie peu : il est trop jeune.

                Les habits du dimanche, c’est aussi une plongée dans l’univers de l’enfance et de ses rêves, ses angoisses, ses fantasmes. Bien sûr, plus tard, Adrien voudrait faire plein de choses. Cependant, le plus dur pour lui, c’est de quitter l’enfance : il sent avec angoisse que le temps passe et qu’il grandit par toute une succession d’événements qui transforment progressivement le visage de la famille initiale : d’abord, il faut dire adieu au grand-père, puis à Marylin qui se détache peu à peu de lui pour vivre sa propre vie. Enfin, c’est à Papa qu’il faut dire adieu. Face à la mort, les enfants se posent beaucoup de questions, surtout sur Dieu et son existence et chacun a sur ce point une position bien tranchée !

Et puis, il y a le monde de l’enfance, avec les histoires qu’on se raconte : lorsque la mère gagne le concours Lustucru, Adrien est persuadé que celle-ci va partir avec Tino Rossi et ainsi, il imagine un superbe avenir en Corse, avec la gloire en ligne de mire… mais il ne s’agit que d’un concours qui n’offre rien d’autre qu’une petite carte postale signée « Tino ». Déception et retour sur terre !

Les premiers émois amoureux font également l’objet de quelques chapitres assez drôles : Adrien aperçoit les seins de Jocelyne qui le hanteront pendant plusieurs jours et qu’il immortalisera en quelques vers : Les seins de Jocelyne/ les seins de Jocelyne/ les seins de Jocelyne. Peut-on écrire plus bel hymne à l’obsession amoureuse ?

Bref, avec les habits du dimanche, François Morel nous offre une chronique familiale savoureuse, drôle, rafraichissante et bourrée de nostalgie. Cependant, derrière une écriture apparemment insouciante et pleine de la poésie baroque du regard de l’enfant sur le monde, sourd la tragédie du temps qui passe, qui réduit tout à néant, qui met l’enfance en fuite.

Cependant, il me semble que les habits du dimanche, lorsqu’on est enfant, on les porte longtemps (enfin, à une certaine époque où on portait effectivement certains habits plus coquets réservés au dimanche). Ce n’est guère le cas du roman de François Morel : ses habits du dimanche ont la longévité d’une paire de chaussettes premier âge : il faut en effet compter un peu plus d’une heure montre en main pour boucler la lecture de l’ensemble du roman. C’est le reproche que j’adresserai aux Habits du dimanche : un tel sujet aurait mérité un développement plus ample, des personnages plus fouillés afin que la dimension tragique de l’existence faite de toutes ces petites choses dérisoires qui foutent le camp une par une, sans qu’on s’en rende immédiatement compte, prenne toute sa mesure.

Quant à moi, il y a bel lurette que mes habits du dimanche sentent la naphtaline… Désormais, le dimanche, je ne m’habille pas du tout ! Allez hop, je m’en vais de ce pas endosser ma tenue de sport : cette tenue-là, j’espère que la vie me permettra de la porter encore longtemps.



08/06/2013
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 38 autres membres