Michel Jeury : L’année du certif/Une année bien terne !
Cette semaine, nous allons remonter le temps – direction le début des années 30 - et retourner en enfance – avec le certificat d’études. Certes, nous sommes nombreux à ne pas avoir connu cet examen, mais tous, nous avons été confrontés à la chose sous une autre forme (DNB, baccalauréat…). Notre guide, pour ce voyage, s’appelle Michel Jeury et il a publié L’année du certif en 1995 aux éditions Robert Laffont.
Nous sommes dans les Cévennes, au début des années 30. Paul Fontanes, l’instituteur de Saint-André-la-Vallée, prépare quelques-uns de ses élèves au certificat d’études : Thirza Favantin, Marie Jauffret, et ses deux fils : Antoine et René Fontanes. De son côté, à Saint-Pierre, l’institutrice Rachel Pouget présente Marguerite Robert surnommée par tous Pascaline. Pendant une année scolaire, les élèves sont soumis à un rude travail, d’autant plus que Paul Fontanes vise pour ses ouailles, le prix cantonal. Il ne s’aperçoit pas qu’il délaisse son épouse, institutrice comme lui, qui dépérit. Il faut dire que l’homme est totalement obnubilé par ces examens. De leur côté, les enfants ont aussi d’autres sujets de préoccupation : l’amour et ses manifestations les passionnent et ils se gavent de romans sentimentaux, lectures interdites. Le petit René dit Ninikoff est un peu à la traine ; pour lui, le certificat d’études, se sera sans doute pour l’an prochain. Il est amoureux de Pascaline qui, de son côté, semble davantage attirée par le talentueux frère de ce dernier : Antoine dit Davy. Ce dernier est aussi un sacré filou : il a dérobé le cahier de son grand-père consacré à Jules Vernes, il a dérobé les jumelles d’un de ses camarades, et ce n’est pas tout, comme on pourra le voir. Du côté des instituteurs, des histoires font jour. Claire, la femme de Paul Fontanes, tombe sous le charme d’un bel instituteur remplaçant : Victor Boisseron. Certes, leurs amours resteront platoniques, mais grâce à cette rencontre, Claire reprendra du poil de la bête. Paul Fontanes est parfois à couteaux tirés avec Mlle Rachel, l’institutrice de Saint-Pierre, souvent pour des histoires de choix de livres de lecture. Cependant, l’homme se laisse attendrir par la situation de la petite Marie Jauffret dont le père est sur le point de mourir. Pour que ce dernier parte en paix et la joie au cœur, il triche un peu avec les résultats de Marie qui est une élève médiocre. Il craint pour sa réputation, mais tout le monde sera heureux lorsque Marie sera reçue au certificat d’études. Enfin, il y a l’inspecteur des écoles, le père de Paul Fontanes : Georges Fontanes. Il correspond beaucoup avec les membres de sa famille et révèle, dans l’une des ses lettres son grand projet de publier un livre de lecture intitulé : L’école de Jules Verne. Mais surtout, il révèle à Mlle Rachel le grand amour qu’il a conçu pour elle et, parce qu’il lui a écrit des vers grivois, elle passera outre cet amour qu’elle partage en secret. Reste, pour l’institutrice bientôt à la retraite, la belle Pascaline sur laquelle elle fonde tous ses espoirs ; d’ailleurs, elle se désespère du fait que sa jeune protégée veuille épouser un homme, avoir des enfants et être vendeuse dans un quelconque magasin. Elle aimerait tant que la jeune fille marche sur ses pas ! Mais voici l’heure de nommer ceux qui sont reçus au prix cantonal : si Pascaline est première, Antoine, le favori, échoue. C’est alors que le scandale éclate ! Antoine déclare que Pascaline lui aurait donné 500 francs pour qu’il multiplie les erreurs et la laisse obtenir le premier prix ! Qui croire ? Pascaline assure le contraire. Cette affaire rend Mlle Rachel folle. Ce n’est que 12 ans plus tard, alors qu’Antoine et Pascaline se marient, que la vérité éclate : Antoine a inventé toute l’histoire et a raté simplement son certificat. Mais c’est si loin déjà, le certif ! La guerre est passée par là !
Le problème avec L’année du certif, c’est que l’auteur a voulu mettre en avant cet examen dont il garde vraisemblablement une certaine nostalgie. Le roman grouille de problèmes arithmétiques, mathématiques qui sont posés tels quels et dont les résultats sont visibles en annexe, à la fin du livre ! Si on n’est pas dans l’Anabac et autres manuels d’entrainement à cet examen, on est alors dans l’Anacertif ! Avouons que la chose n’a aucun intérêt pour un lecteur avide de roman, qui n’a aucunement envie de prendre un carnet et un crayon pour résoudre le problème. D’ailleurs, il semble bien que Michel Jeury ait un faible pour les mathématiques, vu la part qu’ils prennent dans son roman au détriment de l’expression et du français. Bof.
L’œuvre veut aussi mettre en avant le courage et l’investissement des instituteurs de village. Ils connaissent bien les enfants qu’ils éduquent, ils mènent entre eux de vives querelles autour des livres pédagogiques les meilleurs pour ces derniers. A l’occasion du certif, se crée entre ceux-ci une véritable émulation et l’examen se vit comme un match de foot entre des équipes dont ils sont les entraineurs.
La conséquence de ce parti-pris du roman, c’est que les petits drames qui se nouent entre les professeurs et les élèves passent au second plan. En outre, ils sont mal gérés et peinent à nous intéresser. D’ailleurs, le drame final n’est pas crédible : à la suite d’une déception concernant son élève Pascaline – dont l’honnêteté est compromise à l’occasion de l’examen – son institutrice, Mlle Rachel devient folle. C’est quand même un peu raide à avaler, cette couleuvre !
Reste que L’année du certif est un roman nostalgique et attachant pour tous ceux qui croient en l’école, même si l’œuvre présente l’instruction publique sous le sceau du « c’était mieux avant ». Pourtant, il faut bien dire aussi que le roman est un tantinet bêbête avec ses petites querelles d’écoliers et d’instituteurs plan-plan.
Avis réservé, donc, pour L’année du certif ! A déconseiller aux élèves de maintenant qui ne supporteraient pas de lire un livre qui porterait aux nues le baccalauréat – qui a bien perdu de son prestige, il faut le dire ! - et leurs professeurs chéris !
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