LECTURES VAGABONDES

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Michel Faber : Sous la peau /tranchons dans le vif !


Si le roman de Michel Faber : Sous la peau, paru en 2001 aux éditions du Seuil n’est pas une œuvre militante contre la traite animale et pour le végétarisme, je veux bien qu’on me pende haut et court ! Pourtant, l’œuvre se présente avant tout comme une fable à la fois policière et de science-fiction.

Au volant de sa Toyota rouge, Isserley sillonne les Highlands d’Ecosse : c’est une femme au physique étrange : épaisse chevelure blonde, taille très fine, poitrine opulente… Pourtant de nombreux détails laissent à penser qu’elle n’est pas humaine, qu’elle a subi maintes opérations pour ressembler à une femme aguichante : visage étrange, mains aux doigts trop longs, couverts de cicatrices, jambes bizarres, trop courtes. Par ailleurs, la jeune femme se livre à de bien étranges activités. Elle repère les autostoppeurs musclés, bien bâtis, les embarque, leur pose quelques questions pour s’assurer qu’ils n’ont aucune réelle attache et hop ! Une petite piquouze d’Icpatuah pour les endormir, puis direction : une étrange ferme souterraine où, encore endormis, ils sont déshabillés, émasculés. On leur coupe également la langue avant de les acheminer vers une cage d’engraissement où, au bout d’un mois, ils seront bons pour l’abattage. Ils deviennent alors de délicieux – et très coûteux - morceaux de viande de Vodsel qui seront acheminés par container vers le monde mystérieux des « humains ».

Car dans ce roman, il y a bien évidemment deux mondes à la frontière totalement imperméable : le monde des Vodsels (nous, les hommes traditionnels), et le monde des humains (dont est issue Isserley). Ainsi, les Vodsels (nous, êtres humains) sont-ils considérés par les humains (on imagine que ces humains ressemblent à des sortes de chèvres mutantes) comme des animaux, de la nourriture. Bien plus, les humains considèrent les Vodsels comme des êtres dépourvus de langage, d’intelligence, de beauté… Bref, nous sommes considérés par ces sortes de chèvres mutantes humaines de la même manière que nous, nous considérons les animaux.

Et cette vision en miroir est extrêmement efficace et terrifiante : elle va bien plus loin que la simple dénonciation de l’horreur qui consiste à manger un être qui, sous la peau, est fait de chair, de sang, d’os, comme le sont bon nombre d’espèces qui vivent sur notre planète. Elle fait réfléchir au mystère de l’évolution qui fait que l’ensemble des espèces forment une immense tour de Babel et qu’il faut respecter comme un frère celui que, peut-être, tu comprends mal, raison pour laquelle tu t’autorises à le manger, raison pour laquelle tu le maltraites, raison pour laquelle tu le considères comme une marchandise.

Pourtant, il ne faudrait pas réduire sous la peau à un simple réquisitoire contre la traite animale. Michel Faber a réussi à composer un roman passionnant, poignant, construit autour de la monstrueuse et pathétique Isserley. Car Isserley est avant tout une sacrifiée. Elle est la seule de sa mystérieuse tribu à avoir accepté de douloureuses transformations corporelles destinées à s’immiscer dans le monde des Vodsels. Sa vie est faite de souffrances physiques, mais aussi affectives et morales.

Parce qu’elle n’est pas tout à fait Vodsel et plus tout à fait humaine, pour son peuple, elle est devenue un monstre, elle s’est condamnée elle-même à la solitude. Par ailleurs, elle est amoureuse en secret d’Amliss Vess, le fils du chef : un rebelle végétarien qui refuse la traite des Vodsels et milite contre celle-ci : que faire lorsqu’on est une chasseuse de Vodsels et qu’on aime celui qui milite pour leur protection ?

Souffrance morale, également, car au fur et à mesure de ses chasses, Isserley se demande si les Vodsels ne sont pas comme les humains… son travail lui pèse de plus en plus. Et puis, le monde Vodsel est si beau ! Isserley aime tant la mer, les forêts, la nuit…. Véritable déclaration d’amour à une planète protégée et pacifiée que ce roman : sous la peau. Véritable hymne aux beautés de la terre, également.

Ceci dit, je ne sais pas si Michel Faber aura su convertir au végétarisme de nombreux lecteurs car il est évident qu’il ne faut pas simplement éduquer l’esprit des gens au respect de l’animal et de la planète, mais aussi leur goût et leur estomac. Quid des pastillas, tajines, currys, verrines, etc… végétariens ?  

Bien sûr, tant que dans les cantines, on continuera à filer aux gamins des carottes-vichy cuites à l’eau et des choux-vapeur, je pense que les frites et la bidoche n’ont aucun souci à se faire quant à leur présence sur les tables françaises ! Quant à moi, c’est vrai, je mange très peu de viande, autant par principe que par goût : j’adore les fruits et les légumes et je sais y faire avec eux… La cuisine, je l’ai dans la peau !



28/10/2011
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