Mehdi Meklat & Badroudine Saïd Abdallah : Burn out / Petit brûlot
Voici un mot à la mode pour un roman à la thématique bien contemporaine : le burn out. Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah jouent sur les mots pour ce titre car si leur roman évoque le problème du burn out dans le sens communément établi, le héros s’immole aussi dans les locaux d’un Pôle emploi de Nantes. Le sens du verbe « to burn » (brûler) est donc pris au sens propre comme au sens figuré. Burn out, c’est un roman écrit à quatre mains, par Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah qui parait en 2015 aux éditions du Seuil.
Djamal Chaab est né et a grandi en Algérie. Sa passion, c’est de faire le clown. Il est courageux et toujours gai. Mais un jour, il décide de tenter sa chance en France… surtout parce qu’il est tombé amoureux d’une jeune femme rencontrée sur un site spécialisé. Aussitôt arrivé dans la région de Nantes, il l’épouse. Commence alors un long chemin gris pour Djamal. Il travaille aux abattoirs ou dans la sidérurgie ; il fait toute une somme de petits boulots sans jamais parvenir à décrocher un CDI. Un jour, il reçoit une lettre du Pôle emploi qui lui annonce la suspension de son allocation chômage. Désespéré, il s’immole face aux locaux de Pôle emploi.
Burn out est constitué d’une multitude de très courts chapitres ; chacun évoque un protagoniste qui a croisé Djamal à un moment donné de sa vie. A cette occasion, on évoque brièvement le souvenir de l’homme mais surtout, on parle de soi, de son propre blues. De ses proches familiers (sa mère mais aussi sa demi-sœur), aux personnes les plus éloignées comme le ministre du travail, en passant par ses rencontres professionnelles, tous apportent une parole, un éclairage sur celui que fut Djamal et l’ensemble forme un kaléidoscope qui laisse une impression de solitude et d’incommunicabilité. Pour le dire plus simplement, chacun est dans sa propre galère qui se suffit à elle-même et personne ne veut prendre la galère d’un autre sur son dos.
Par ailleurs, ce roman se lit en à peine deux heures et laisse une sensation de superficialité. C’est dire si on pouvait mieux faire !
En effet, le portrait du jeune Djamal et l’engrenage dans lequel il est pris et qui l’amène à s’immoler n’est qu’une trame fragile et on aurait aimé qu’elle soit plus étoffée. De Djamal, on sait qu’il sourit tout le temps ; il aurait voulu être clown, mais il doit manger et par conséquent, il s’engage dans des petits boulots que personne ne veut faire avec une rage et un courage remarquables. Mais ses efforts vont être broyés par l’implacable machine du chômage et de Pôle emploi.
Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah affichent clairement leur volonté de critiquer les difficultés rencontrées par un immigrant algérien qui débarque en France avec des rêves plein la tête. Djamal se retrouve régulièrement à Pôle emploi à la suite d’un licenciement. Lorsque ferme l’usine de sidérurgie dans laquelle il travaille, il se retrouve sur le divan d’un psychiatre destiné à accompagner les chômeurs. Mais derrière cette apparente humanité qui consiste à prendre en charge la détresse psychique des petites gens qui galèrent, on rencontre une véritable machine déshumanisante car chacun fait son travail sans véritablement s’impliquer émotionnellement et l’empathie envers l’autre n’existe pas. Au bout de la route, Djamal, le clown, l’artiste comique, décide de donner un ultime spectacle tragique : sa mort mise en scène devant Pôle emploi.
Beaucoup de choses sont à dire ; beaucoup de choses à faire sentir des douleurs de notre monde et de l’indifférence des hommes. Mais dans Burn out, rien de cela n’a été fait. Djamal a la consistance d’un fantôme et son parcours est évoqué au pas de course. Certes, le roman se lit bien ; il est agréable et est écrit dans un style moderne. Mais ces qualités ne suffisent pas à produire un véritable roman. Son étoffe est beaucoup trop légère. Fallait-il vraiment quatre mains pour écrire un si faible opus ?
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