LECTURES VAGABONDES

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Françoise Sagan : Un sang d’aquarelle/ De sombres couleurs

      

 

       Voici un roman assez méconnu de la très célèbre Françoise Sagan qui, encore une fois, nous livre le portrait d’un homme incertain, un homme au « sang d’aquarelle ». Mais je reviendrai plus tard sur la signification de ce titre. Pour l’instant, penchons-nous sur l’histoire de ce roman de Françoise Sagan intitulé Un sang d’aquarelle et paru en 1987 aux éditions Gallimard.

 

          Nous sommes en 1942, dans la France occupée par l’Allemagne. Constantin Von Meck a quitté Hollywood (notre héros est metteur en scène), lorsque la guerre a éclaté pour s’engager dans la Wehrmacht.  Plus tard, il se met à tourner des films pour la UFA. Des bluettes, principalement. Il faut dire qu’il a le soutien du ministre de la propagande : Joseph Goebbels. Sans être un véritable nazi, Constantin fait confiance à son pays natal : l’Allemagne. Sa conscience sera une première fois ébranlée lorsque deux techniciens juifs qui travaillent sur son tournage sont arrêtés par la Gestapo. Constantin se sert de ses relations dans la Gestapo pour tenter de sauver ces hommes, mais le général Bremen déboute sa demande. Par ailleurs, Constantin a un amant, un jeune gitan prénommé Romano. Grâce à Constantin, ce dernier obtient des papiers faisant le lui un citoyen allemand, car il ne faut pas oublier que les tziganes sont aussi traqués par les nazis. Nous retrouvons Constantin et tout le staff travaillant sur un nouveau projet de film dans le sud de la France, film intitulé La chartreuse de Parme. Sur le tournage, l’atmosphère est délétère. Popesku est un dangereux collaborateur qui soupçonne tout le monde. Constantin hésite entre son ex-femme qu’il aime encore – l’actrice Wanda Blessen – Romano, et là-dessus vient se greffer Maud Mérival, jeune actrice mutine qui recherche l’amour de Constantin. A l’heure où la France est aux abois, la réalisation d’un film semble bien incongrue ! Constantin tente de ne pas penser aux horreurs de la guerre et se sent pleinement allemand…. Jusqu’au jour où… En se promenant du côté de Vaissieux il tombe sur une scène de massacre horrible : le village a été rasé et brûlé. C’est alors que Constantin apprend que son ex-femme, Wanda, a accepté de tourner La chartreuse de Parme pour avoir une couverture ; la jeune femme a une mission à accomplir : faire passer un scientifique – nommé Otting - capable de fabriquer une bombe qui doit changer le cours de la guerre. Par ailleurs, il découvre que Romano est un résistant. Constantin se joint à l’équipe qui doit exfiltrer le scientifique. Malheureusement, Romano est pris au piège ; il est désormais entre les mains cruelles de la Gestapo. Constantin décide alors de laisser Wanda et Otting partir pour les Etats-Unis et rejoint Romano dans les locaux de la Gestapo ; l’homme est déjà bien abimé : Constantin le tue avant de se suicider lui-même.

 

          Un sang d’aquarelle est un roman assez déconcertant. L’intrigue est étroitement liée à la seconde guerre mondiale et à ses horreurs. Cependant, les trois-quarts du l’histoire concernent le travail de réalisateur de Constantin Von Meck et les problèmes liés au tournage de ses films. Il faut dire que le film principal dont il est ici question est tiré d’un célèbre roman de Stendhal : La Chartreuse de Parme. Françoise Sagan s’amuse à mettre en miroir le roman de Stendhal et les événements vécus par les personnages : tout comme Fabrice Del Dongo, Constantin a vécu une campagne militaire (non pas celle de Waterloo, mais celle de France, en 1940). Tout comme Fabrice, il perçoit mal la violence des combats et l’évocation de la guerre participe de la perception candide qu’en ont les personnages. Tout comme Fabrice Del Dongo, Constantin est tiraillé entre différentes amours : la mutine Maud Mérival, la grande star Wanda Blessen, le gitan Romano.

          Cependant, si la guerre est présente en toile de fond, c’est elle qui conditionne les personnages et va même jusqu’à les révéler à eux-mêmes. D’abord, il y a ceux qu’elle contraint à porter un masque : si Romano se prostitue et a pour amants de hauts dignitaires nazis, c’est pour mieux s’infiltrer dans la Gestapo et avoir des renseignements utiles pour la résistance. Il en est de même pour Wanda, l’actrice. Enfin, les horreurs dont Constantin sera témoin le feront basculer du côté de la résistance.

          D’une manière générale, Un sang d’aquarelle traite de la difficulté d’être allemand pendant la seconde guerre mondiale. D’abord, il est difficile de se retourner contre son pays natal, celui qui nous a vu naître, et nous a façonnés. Ensuite, la vérité sur les atrocités commises par les nazis ne sont pas forcément bien connues à l’époque. Alors, le comportement de Constantin, confiant dans les principes de son pays natal, est compréhensible. Constantin se définit comme un être au « sang d’aquarelle » car lorsque l’horreur de la guerre lui est révélée, il hésite à s’engager. Cependant par amour pour Romano, il n’hésitera pas à faire couler ce sang et à le sacrifier.

          Enfin, Un sang d’aquarelle est sans doute un bon roman, mais j’ai eu du mal à me passionner pour lui. Et si Constantin se reproche d’avoir un sang de navet, incolore et sans saveur, moi, je ferai le même reproche à ce roman de Françoise Sagan qui, à mon goût, manque de force tragique.

 



02/05/2021
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