LECTURES VAGABONDES

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John Cheever : Les lumières de Bullet Park/Entre ombre et lumière

          Aujourd’hui, je vous invite à découvrir une œuvre méconnue et qui pourtant, est en passe de devenir un classique. John Cleever est mort en 1982 et publie Bullet Park en 1969 ; l’œuvre parait en France en 2003 aux éditions du Rocher et porte le titre de Les lumières de Bullet Park.

 

          Nous sommes dans les années 60, à Bullet Park, petite ville tranquille où vivent des familles de classe moyenne apparemment sans histoire. Là vivent les Nailles dont la vie va être bouleversée par l’arrivée d’un voisin quelque peu névrosé : Paul Hammer. Cependant, les Nailles sont dans une mauvaise passe. Leur fils, Tony, refuse de se lever et voilà plusieurs semaines qu’il reste au lit. Il faut dire que le jeune homme a été confronté à des frustrations ; entre autre, il a dû renoncer à sa passion pour le football parce qu’il négligeait trop ses études. C’est un gourou dénommé Swanni Rutuola qui, par la prière, sortira l’adolescent de sa neurasthénie. De son côté, Eliott Nailles, qui travaille comme chimiste pour une usine fabriquant des bains de bouche, est obligé de prendre des cachets pour affronter ses journées de labeur et c’est shooté qu’il prend tous les jours le train qui l’emmène au boulot. Paul Hammer, personnage instable et alcoolique, s’installe dans l’environnement des Nailles et va les déstabiliser en ce sens qu’il songe à assassiner l’un d’entre eux. C’est Tony qui va faire les frais de ce projet. Heureusement, l’affaire capote et la vie reprend tandis que Paul Hammer est placé dans un asile psychiatrique.

 

          Avec Les lumières de Bullet Park, John Cheever nous offre un roman plutôt iconoclaste. Si la littérature américaine reconnaît Steinbeck comme l’écrivain des petites gens simples et modestes, Fitzgerald comme celui des nantis, Cheever s’avère être le porte-parole de la middle class. Nous allons, dans un premier temps, à l’occasion de la première partie du roman, suivre les tribulations d’une famille américaine moyenne : Les Nailles. Cette partie est assez réjouissante et offre une satire assez drôle de cette middle class qui vit heureusement et paisiblement dans un quelconque quartier dortoir d’une ville moyenne. Quel bonheur, donc, que cette petite routine bien résumée par l’expression « métro, boulot, dodo » ! On ne se pose pas de question ! Si le père travaille pour gagner l’argent, la mère s’occupe du foyer et des enfants. Sa maison est bien équipée et de temps à autre, elle reçoit ses voisins à diner. Bref ! Mais derrière la façade de ce bonheur affiché se cache bien des névroses et des frustrations. Tony, le fils d’Eliot Nailles, tombe dans une profonde dépression lorsqu’il comprend que sa vie future est déjà toute tracée et qu’elle ressemblera à celle de son père, chimiste dans une usine de fabrication de bains de bouche.

          La seconde partie du roman est nettement moins réjouissante : nous allons découvrir Paul Hammer, nouveau résident de Bullet Park. John Cheever s’est amusé avec le sens des noms de ses personnages puisque Nailles signifie « clous » tandis que Hammer signifie « Marteau ». Ainsi, Nailles et Hammer sont aux antipodes l’un de l’autre comme le clou et le marteau le sont. Nailles mène une petite vie qui ronronne et qui l’angoisse car il est prisonnier d’une routine asphyxiante ; Hammer est instable, alcoolique et solitaire. La deuxième partie s’intéresse à lui, mais le lecteur tombe vite dans la routine ennuyeuse de cette partie : Hammer est tantôt à droite, tantôt à gauche, aux quatre coins du monde ; il boit beaucoup ; il ne sait pas s’il aime les femmes, les hommes, les enfants ou les chiens. Cet individu se retrouve à Bullet Park alors qu’il a enfin trouvé le but de sa vie : tuer un Nailles comme le marteau frappe le clou.

          L’épilogue arrive enfin. Il est court : Hammer tente d’assassiner Tony Nailles. Il échoue. On ne comprend pas vraiment la motivation profonde de ce personnage flottant qui décide tout à coup de devenir un meurtrier et la fin parait bien légère et dénuée de sens car les Nailles et Hammer n’ont entretenu aucune relation au fil du roman. L’échec de cette tentative de meurtre place Hammer en asile psychiatrique tandis que la vie monotone des Nailles se poursuit. Rien de bien dramatique, rien de bien édifiant, rien de bien déstabilisant.

          On l’aura compris, à mes yeux, seule la première partie de ce roman vaut le détour. Le reste est assez indigeste, ennuyeux. Bien plus, la deuxième partie et l’épilogue paraissent superflus et accessoires. John Cheever semble avoir été en panne d’inspiration pour la majeure partie de Les lumières de Bullet Park. Dommage !



20/12/2020
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