LECTURES VAGABONDES

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Alexis Aubenque : Un automne à River Falls/Un assez bon thriller estival

          En ouvrant ce roman pris au hasard dans une multitude de livres numériques, j’étais persuadée de me lancer dans une sorte de romance sentimentale un peu mélancolique ; sans doute l’évocation de l’automne explique-t-elle cette certitude. En réalité, Un automne à River Falls, écrit à Alexis Aubenque et paru en 2009 aux éditions Calmann-Lévy est un thriller assez bien ficelé et s’avère être la suite d’une première enquête menée dans cette même ville et intitulée Sept jours à River Falls.

 

          La composition du thriller  est sans doute ce qui fait son premier intérêt : l’intrigue se déroule entre le 1er Octobre 2007 et le 12 Novembre 2007, à River Falls, une ville plutôt huppée située à 80 kilomètres de Seattle. Alexis Aubenque déploie les vies de nombreux personnages dont les itinéraires vont finir par se rencontrer et se croiser. Certains sont des flics, journalistes, avocats… d’autres sont des étudiants, d’autres, des clochards. Tous sont concernés par les derniers meurtres qui se sont produits à River Falls : parce qu’ils sont mêlés de près ou de loin à l’enquête, parce qu’ils sont ou seront victimes, parce qu’ils sont le ou les meurtriers. Ainsi, tout commence avec les meurtres de Robert Gordon, un des ténors du barreau de River Falls, retrouvé électrocuté dans sa baignoire, et celui de John Doe, un clochard retrouvé sur le bord d’une rivière. Le shérif Logan épaulé par sa compagne, la profileuse Hurley est chargée de l’enquête qui mène d’abord sur la classique piste de la magouille financière, puisque le notaire de Gordon a cherché à prélever un mystérieux dossier bleu dans le coffre-fort de son client et victime du meurtre. De son côté, Hurley s’intéresse davantage au meurtre du clochard qui pourrait être lié au premier. Son enquête du côté des anciennes scieries désaffectées où a été trouvé le cadavre la mène vers un jeune simple d’esprit clochardisé : Tom. Doué pour le dessin, il dresse un portrait-robot du meurtrier qu’il a surpris en plein ouvrage… avant de se faire assassiner, à son tour. Côté jet set, c’est au tour de Gary Borden, magnat du bâtiment, d’être assassiné. L’enquête piétine. Mais le lecteur a pu faire la connaissance d’autres personnages qui vont désormais s’intégrer à l’intrigue policière. Deux frères – qui cachent, on ne sait encore pourquoi, leurs liens familiaux – sont inscrits à l’université de River Falls : l’un est beau, sportif, membre du prestigieux club Alpha et a pour petite amie la somptueuse Cheryl ; l’autre a un physique plus ingrat, est membre du club Delta et finit par tomber amoureux de Shanon, une anorexique qu’il aide psychologiquement. Et puis, il y a Heather, dont l’histoire misérable s’insère ci et là dans l’économie du roman, en italique : Heather est une prostituée qui a été assassinée, il y a de nombreuses années, à la suite d’une partie fine à laquelle Robert Gordon et Gary Borden avaient participé. Daniel Johnson, autre participant à la soirée macabre est retrouvé assassiné. Reste le quatrième loustic : Jack Mitchell. Là où les affaires se corsent, c’est lorsqu’on découvre que les deux étudiants apparemment inoffensifs,  Kyle et Stuart, sont les fils de la prostituée assassinée. Dès lors, les choses s’éclaircissent : des quatre violeurs, un seul a tué : il s’agit de Jack Mitchell et il a enlevé Cheryl, la petite amie de Kyle, car elle a découvert qu’il est l’assassin de deux de ses trois sinistres compagnons d’école. Daniel Johnson, il s’en est chargé lui-même, car depuis ce meurtre initial de la prostituée Heather, Jack est devenu un serial killer qui s’en prend aux clochards dont tout le monde se fiche. Kyle se lance aux trousses du Jack Mitchell et vivra avec lui un douloureux et pénible affrontement. Mais tout est bien qui finit bien… Jack Mitchell se tue accidentellement en s’enfuyant tandis que Kyle est recueilli par les SDF avant de pouvoir s’enfuir vers l’Argentine. De son côté, Stuart vit un grand amour avec Shanon.

 

          Un automne à River Falls est donc un thriller assez prenant que j’ai plutôt envie de conseiller aux amateurs du genre. Cependant, peut-être vaut-il mieux lire l’enquête qui précède, intitulée Sept jours à River Falls.

En effet, de nombreuses allusions à ce précédent opus frustrent le lecteur qui débarque sans crier gare dans cette truculente saga. Le tandem qui mène l’enquête est en effet, profondément marqué par Sept jours à River Falls ; par ailleurs, le shérif Logan a évincé une sorte de ripou nommé Spike qui revient sur le devant de la scène lorsqu’il s’agit de récupérer le dossier bleu de Robert Gordon. Bref pour apprécier et comprendre dans les moindres détails Un automne à River Falls, mieux vaut avoir lu Sept jours à River Falls – cependant, je ne suis pas dans ce cas et j’ai quand même pu apprécier ce thriller : simple recommandation, donc.

          Autre bémol à ce roman : sa longueur. On se perd pendant les deux tiers de l’opus dans des culs de sac. En effet, on nous emmène très longuement sur la piste du dossier bleu tant convoité par les journalistes ou encore sur celle de l’ancien shérif Spike ; par ailleurs, le vol du dossier coûtera la vie du pauvre sous-fifre Pommery. Très longues également la traque et la capture de celui qui a été témoin du meurtre du clochard John Doe et qui finira, lui aussi, par être assassiné après avoir livré un très convainquant portrait-robot du tueur. Bref, ce n’est que dans le dernier tiers que les différents fils tissés çà et là dans le roman se recoupent. Mais alors là, on se dit qu’on n’a pas tout à fait perdu son temps dans des pistes plus ou moins indispensables, car le final nous fait vraiment palpiter par son horrifique teneur. Pourtant, on peine à croire à la psychologie simpliste du serial killer qui trouve son nirvana plusieurs années auparavant en tuant par accident une prostituée. On peine à croire à la découverte de cet immense charnier resté secret pendant des années et qu’on explique par sa composition faite de laissés et laissées pour compte dont la vie et la mort importent peu.

          Et puis, finalement, ces détours dans les méandres d’une enquête épineuse ne sont pas tout à fait inutiles : on perçoit mieux ainsi l’aspect social de cette ville rongée par la corruption, habitée par des individus riches, égoïstes et plutôt malhonnêtes, souvent nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Là aussi, on n’évite pas les stéréotypes : de l’adolescent révolté par l’injustice sociale à la journaliste prête à tout pour un scoop… Mais peu importe. On se laisse quand même prendre par l’intrigue.

          Je soulignerai, pour finir, l’écriture très plate, courante et banale de ce roman ; mais là encore, de nombreux thrillers cèdent à cette facilité qui donne l’impression d’être immergé dans de quotidien et la réalité d’un coin perdu de l’Amérique.

          Malgré tous ces bémols, je pense qu’Un automne à River Falls est un thriller honorable qui séduira les amateurs du genre. Il faut dire que dans ce domaine, il y a tant de lectures insipides et ennuyeuses que les critères de jugement y sont assez bienveillants !

 



24/06/2019
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