Paul Dowswell : Etranger à Berlin/IIIème Reich à Berlin
Voici encore un très bon roman dont l’intrigue se situe à Berlin sous le troisième Reich. Certes, on est loin de la richesse et de la densité du chef d’œuvre de Hans Fallada : Seul dans Berlin, mais quand même, le roman de Paul Dowswell intitulé Etranger à Berlin et paru en 2009 aux éditions Naïve, m’a bien accrochée.
Nous sommes à Varsovie, le 2 Août 1941. Le jeune Piotr Bruck est placé dans un orphelinat dont il ne tarde pas à sortir. En effet, à l’heure où les idées de suprématie de la race aryenne sont de plus en plus divulguées dans l’Allemagne nazie, le jeune homme ne tarde pas à être repéré : il est, en effet, le prototype de l’aryen parfait.
C’est dans la famille du professeur Kaltenbach, un éminent docteur qui fait des expériences sur les différentes races qualifiées comme « supérieures » ou « inférieures », qu’il est accueilli. Le jeune Piotr, rebaptisé Peter, adhère à l’idéologie nazie et s’engage dans les jeunesses hitlériennes. Pourtant, souvent, il doit faire face à des récriminations concernant l’incertitude de ses origines : en effet, Peter est, à la base, un polonais et cette nationalité est déconsidérée, dans l’Allemagne nazie. Un jour, Peter rencontre Léna Reiter et cette rencontre va transformer notre héros car Léna appartient à une famille contestataire. Certes, les choses vont évoluer de manière lente car l’opposition au régime nazi ne se fait pas à visage découvert. C’est d’abord dans des lieux où on écoute du jazz que Peter affiche sa dissidence avec son ami Ségur. Peu à peu, alors que Berlin commence à subir des bombardements destructeurs, Peter s’engage, avec Léna, dans une résistance active. Il aide des familles juives à se cacher et leur apporte de la nourriture. Mais un jour, Ségur est arrêté par la Gestapo et livre le nom de son ami à la Gestapo. Tandis que la rupture est consommée avec le professeur Kaltenbach et sa famille, Peter rejoint la famille Reiter qui est inquiétée par la Gestapo : le père de Léna – Otto Reiter - est arrêté et trouvera la mort dans les geôles nazies. Le reste de la famille fuit vers la Suède et après bien des péripéties, elle y trouvera refuge.
Dans la postface du roman, Paul Dowswell attire l’attention du lecteur sur le danger, lorsqu’on s’attaque à l’idéologie nazie du troisième Reich, de sombrer dans la caricature. Notre romancier a-t-il réussi à éviter les écueils qui lui faisaient peur ?
Oui et non.
Lorsqu’on lit le roman, on est happé par l’histoire aventureuse du jeune Piotr-Peter, histoire construite en deux parties. Tout d’abord, le jeune homme adhère à l’idéologie hitlérienne et croit en la supériorité raciale des aryens. Il est, sur ce sujet, conditionné par sa famille d’accueil : les Kaltenbach. Et puis, il faut bien dire que jusqu’à la fin de l’année 1942, l’armée allemande a le vent en poupe. Dans la seconde partie, la guerre bascule. Berlin est bombardée, les morts s’accumulent, la Gestapo se fait menaçante. La fille des Kaltenbach, Elsbeth, révèle à Peter les atrocités commises sur les handicapés mentaux, atrocités auxquelles elle a participé mais qu’elle réprouve, désormais. Notre héros, de son côté, bascule dans la résistance au contact de Léna, sa petite amie. Cette deuxième partie est plus mouvementée que la première car les différents personnages sont poursuivis par la Gestapo : le récit de leur odyssée pour se dégager de cette menace et gagner un pays libre tient le lecteur en haleine jusqu’aux dernières pages, même si, en ce qui me concerne, la veine aventureuse du roman n’est pas celle que je préfère ; en effet, les scènes d’action se succèdent sans plus questionner le lecteur : il s’agit de passer entre les mailles du filet en passant d’un train à un autre, d’un camion à un ferry, etc…
La première partie me parait plus attrayante car elle est davantage porteuse d’idées : il s’agit de montrer le danger, l’absurdité, l’atrocité des théories raciales qui furent pourtant le fer de lance de l’idéologie nazie. Pourtant, il est vrai que l’ensemble parait un peu superficiel, surtout à cause des personnages qui manquent singulièrement d’épaisseur et qui semblent être le prétexte à exposer les différents tenants et aboutissants des théories raciales. Ainsi, Piotr est-il, physiquement, le prototype du parfait aryen – alors que ses véritables origines restent problématiques, ce qui suffit à discréditer l’idée de race pure - tandis que le professeur Kaltenbach est le méchant scientifique qui poursuit des études plus ou moins cruelles sur les différentes races. Sa fille, Elsbeth, est un outil qui sert le régime nazi et met son savoir à son service en pratiquant des euthanasies sur certains enfants décrétés comme anormaux. Sans aller jusqu’à dire que Paul Dowswell sombre dans la caricature, on peut dire qu’en lisant Etranger dans Berlin, le lecteur sent un peu trop la volonté démonstrative de l’auteur : dénoncer le régime nazi.
En conclusion, je dirai que, certes, Etranger dans Berlin est loin d’être un roman parfait. Pourtant, on prend plaisir à le lire et on peut penser qu’il n’est jamais inutile de montrer le danger des idéologies basées sur le rejet des uns par les autres. On ne reste donc pas étranger à ce roman et on le conseille.
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