LECTURES VAGABONDES

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Dorothy Koomson : L’ombre de l’autre femme/Beaucoup d’ombre… et un peu de lumière.

 

 

          Par quel bout prendre ce fichu roman – car très tarabiscoté - que Dorothy Koomson nous a pondu un jour de déprime –s’intitulant L’ombre de l’autre femme - et qui parait en 2012 aux éditions Belfond ?

 

          Quand Libby rencontre Jack, c’est assez vite l’amour fou. Ils se marient et vivent des jours heureux jusqu’au jour où survient un accident de voiture qui laisse Libby blessée et défigurée. Cependant, un inspecteur de police soupçonne Jack d’avoir voulu tuer son épouse. En effet, quelques années auparavant, Eve, sa précédente femme est décédée à la suite d’une mauvaise chute dans un escalier et Jack a été suspecté pendant un temps. D’ailleurs, ce dernier semble vouloir cacher ce qui s’est produit juste après l’accident et dont Libby ne se souvient plus. Un jour, la jeune femme trouve, à la cave, les journaux intimes d’Eve, la précédente épouse de Jack et se met à les lire. A partir de ce moment, le roman va alterner entre la voix d’Eve, à travers les pages de ses journaux intimes, celle de Libby qui découvre une terrifiante vérité, et celle de Jack qui hésite à raconter à Libby ce qu’il a vécu auprès d’Eve.

 

          Parlons donc d’abord d’Eve. C’est le personnage le plus passionnant du roman. La jeune femme quitte Leeds, la petite ville où elle habitait avec sa mère, Iris, pour tenter sa chance à Londres. En effet, le nouveau petit ami d’Iris, Allan, a fait des avances à Eve et la mère n’a pas cru sa fille lorsque celle-ci le lui a avoué. Au début, tout va bien pour Eve : elle trouve un emploi de secrétaire dans une petite entreprise qui, malheureusement, très vite, se fait racheter par une plus grosse boite. Eve perd son emploi et, pour subvenir à ses besoins, fait du striptease dans un club pour hommes en goguette. Pour réussir à faire ce métier qui la dégoûte, elle s’invente un alter ego – Honey - et vit sa vie comme coupée en deux. Cependant, elle rencontre Elliot et pendant un temps, la vie s’éclaircit pour elle. Mais quand Eliot perd son travail, qu’il se met à se droguer et à ne plus chercher de travail, Eve doit aller encore plus loin dans le commerce de son corps : elle se prostitue dans des hôtels où descendent des hommes friqués. Bien évidemment, un jour, elle quitte Elliot qui ne la considère plus que comme un porte-monnaie qu’il pille pour s’acheter de la drogue. Mais Eve, qui ne trouve pas de travail continue quand même à se prostituer. Jusqu’au jour où elle rencontre un certain Caesar qui la paye pour être son amant exclusif. Au début, tout va bien car Caesar est un homme plaisant. Mais au bout de quelques mois, le cauchemar se met en place. Caesar oblige Eve à coucher avec d’autres hommes pendant qu’il regarde. La situation est d’autant plus intenable que la jeune femme vient de rencontrer Jack et en est tombée amoureuse. Elle n’a d’autre choix que de s’enfuir pour vivre son histoire d’amour en paix. Cependant, un jour, la jeune femme découvre que Caesar n’est autre qu’Hector, le père de Jack. Désormais, elle vit dans la terreur car Hector la menace de mort si elle ne lui donne pas ses journaux intimes, si elle ne quitte pas Jack. Un jour, elle avoue tout de sa vie passée à Jack. Difficilement, le couple survit à ces aveux. Mais les journaux intimes d’Eve se terminent sur une note inquiétante : Eve se sent menacée par Hector.

          Inutile de dire quel séisme se produit dans la tête de Libby lorsqu’elle découvre la vérité sur son beau-père. Doit-elle tout dire à Jack ? Un jour, lors d’un diner de famille, Libby révèle à Hector qu’elle détient les journaux intimes d’Eve et qu’elle connait la vérité. Désormais, c’est à son tour d’être menacée. Mais elle hésite à se confier à Jack car elle croit que le jeune homme ne sait rien sur Eve et sur son père. Par ailleurs, sa vie de couple bat de l’aile depuis que sa mémoire lui est revenue et qu’elle sait que Jack l’a confondue avec Eve, que c’est elle qu’il a appelée juste après l’accident. Libby songe à quitter Jack car elle est persuadée qu’il aime toujours sa défunte femme, et pas elle. Si Hector la menace, il lui déclare aussi que la mort d’Eve fut accidentelle : au moment où ils se disputaient au sujet des journaux intimes, elle est tombée dans l’escalier. Mais très vite, Hector va se trouver à l’écart de la vie de Jack et de Libby. Il fait une crise cardiaque qui le laissera à jamais faible et à la merci de sa femme qui a elle-même provoqué la chose au moyen de cachets dissimulés depuis des mois dans sa nourriture. En effet, Harriet, la femme d’Hector, connaissait les agissements de son mari et était bien décidée à y mettre un terme. Tout est donc bien qui finit bien. Eve peut reposer en paix et Jack et Libby, vivre heureux jusqu’à la fin de leurs jours.

          L’ombre de l’autre femme est sans doute un assez bon roman populaire et joue sur toutes les ficelles éculées du genre. C’est-à-dire, qu’au niveau littéraire, il n’offre aucun intérêt.

          En effet, tous les personnages du roman ont vécu des traumatismes, des déceptions… mais enfin, quand « Harry rencontre Sally », c’est le bonheur pour la  vie ! Eve, ancienne prostituée, trouve le bonheur avec Jack – même si son passé la rattrapera de manière tragique – Libby trouve le bonheur avec Jack, et Jack trouve le bonheur avec Eve, dans un premier temps, puis avec Libby. Voilà pour le canevas d’ensemble.

L’une des grandes veines de l’histoire, c’est celle d’Eve : à travers ses journaux intimes, on découvre la vie d’une prostituée. Et bien évidemment, on nage en plein poncif de la prostituée malheureuse qui aura tout connu. Des hommes dégoûtants, des hommes pervers, des trucs immondes à faire… sans parler des agressions. Le clou du spectacle, c’est quand Caesar devient son client exclusif. Lui qui était si tendre, qui voulait seulement parler, devient d’un seul coup… sans cœur et le pire pervers que la terre ait jamais porté ! Bref, avec l’histoire d’Eve, traitée comme une victime par Dorothy Koomson, c’est la descente dans un enfer toujours plus glauque et toujours plus transgressif.

          Inutile de dire que l’image des hommes que véhicule le roman est loin d’être rose ! Mis à part Jack –même certaine zones de la personnalité sont insaisissables – le seul à trouver grâce aux yeux de notre romancière, grande spécialiste des mœurs masculines ! 

          Par ailleurs, le roman comporte aussi des épisodes grotesques : à 29 ans, Jack, cet homme si séduisant, si sexy… est encore vierge ! Il faut dire qu’il a été traumatisé à 15 ans lorsque son père l’a emmené chez les prostituées pour un dépucelage en bonne et due forme et qu’il s’est enfui, terrorisé. Par la suite, c’est Eve, la prostituée, qui lui fait découvrir l’amour physique et lorsqu’il découvre le passé dissolu de sa jeune épouse…. Il fait une dépression ! Et je passe sur le fait que le fameux Caesar – le père de Jack – fut le client pervers et tortionnaire d’Eve ! Je ne sais pas ce que Freud penserait de ce scénario : Il voulait une femme pure pour la première fois, et… il accomplit sans le vouloir la volonté de son père : sa première fois sera avec une prostituée et pas n’importe laquelle ! Celle de son père. Il semblerait que Dorothy Koomson ait fait une indigestion psychanalytique au point de régurgiter, ici une sorte complexe d’Œdipe de bazar qui plaira sans doute aux ménagères de moins de cinquante ans.

          Ceci dit, ne faisons pas la fine bouche. L’ombre de l’autre femme, c’est aussi un thriller. Et là-dessus, rien à dire. Même si l’écriture est d’une platitude absolue, même si l’histoire, quand on y réfléchit, ne tient pas vraiment debout, on a du mal à laisser tomber ce roman car Dorothy Koomson sait manier le suspense et on se demande « qui a tué Eve », puis « en veut-on vraiment à la vie de Libby ? ». Enfin, le retournement final de situation est inattendu : c’est la très-bien-comme-il-faut Harriet qui met son mari, Hector, hors d’état de nuire avec des cachets qu’elle lui faisait prendre à son insu depuis des mois.

          Voici donc un roman bien tarabiscoté dont le scénario ferait sans doute le bonheur des réalisateurs de téléfilms canadiens à destination de TF1 et des femmes au foyer qui font une pause dans leur ménage après le repas de midi.   



30/09/2019
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