LECTURES VAGABONDES

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Mazarine Pingeot : Se taire/Verbiage pénible

         

  Si la révélation de l’existence de Mazarine Pingeot, la fille naturelle de François Mitterrand, a, en son temps, défrayé la chronique, cette dernière est devenue une romancière qui, parfois, s’accapare de thèmes qui, eux aussi, défrayent la chronique. Les violences faites aux femmes sont au cœur de ce roman de Mazarine Pingeot – Se taire - qui paraît en 2019 aux éditons Julliard.

 

              Mathilde Léger est née avec une cuillère d’argent dans la bouche : elle est en effet, la fille d’un chanteur engagé à succès et petite-fille d’un poète. Elle se destine à la photographie mais cette ambition va bientôt être ruinée par sa rencontre avec un prince, prix Nobel de la paix, qu’elle est chargée de photographier. En effet, l’entrevue tourne mal et le prince viole Mathilde qui, très intimidée, se défend mal : elle se laisse faire, puis, après l’agression, prend les photos du prince, photos qui feront la une de tous les magazines. Elle finit par se confier à sa sœur, Clémentine, fan de Roller Derby, puis à sa grand-mère. Bientôt, toute la famille est au courant de l’affaire, mais décision est prise de se taire. En effet, la famille Léger est célèbre et immanquablement, un insupportable scandale éclaterait. Et puis, le Nobel est un homme charismatique, aimé du public. Alors, Mathilde abandonne la photographie et se lance dans l’urbanisme. Là, elle rencontre Fouad, avec lequel elle aura un fils, Victor. Cependant, un jour, elle avoue à Fouad l’agression qu’elle a subie plusieurs années auparavant. Ce dernier l’incite à porter plainte. Mathilde obtempère et dépose une simple main-courante, sur les conseils du commissaire. Les années passent et le couple se disloque peu à peu. Fouad sombre dans l’alcoolisme et finit par frapper Mathilde qui le quitte. Et la vie continue jusqu’au jour où le passé rattrape notre héroïne : un journaliste a découvert la main-courante et a fait éclater le scandale sexuel qui mêlent le prix Nobel de la paix et la fille du chanteur engagé. Mathilde se tait tandis que, partout dans les médias, elle est trainée dans la boue. Son fils, Victor, s’éloigne d’elle. Mais un jour, elle doit aller le récupérer au commissariat : le prix Nobel a porté plainte contre lui pour harcèlement car depuis plusieurs jours, il surprend le jeune homme errant près de sa demeure. Alors, Mathilde se décide à aller voir son agresseur : elle veut qu’il lui demande pardon. Comment l’entrevue se déroulera-t-elle ? Y aura-t-il du sexe ? Un assassinat ? Ces deux questions sont sans doute des fantasmes, car nous quittons Mathilde au seuil de la demeure du Nobel.

 

              Se taire est un roman très bavard. Pour le supporter, il faut aimer les romans basés sur la pure introspection. En effet, Mazarine Pingeot se livre à une autopsie où elle dissèque les conséquences psychologiques d'une agression à caractère sexuel et souvent la narratrice – qui est l'héroïne et la victime – s'apitoie sur son propre sort si bien qu'elle est souvent à la limite de la pleurnicherie.

              Revenons d’abord sur l’agression. Pas de traces de violences :  le Nobel a profité de l’emprise qu’il a sur une jeune femme, de son pouvoir, de son charisme, ce qui fait que Mathilde n'a pas réagi lorsqu'elle s'est retrouvée dans la chambre du prédateur. Mais ce qui est sûr, c'est qu'elle n’était pas consentante. Ensuite, elle passe son temps à culpabiliser parce qu’elle a pris les photos du Nobel comme si rien ne s’était passé. J'ai trouvé que la forme de l'agression choisie et présentée par Mazarine Pingeot est intéressante. En effet, on est loin du classique viol avec coups et blessures ! Ici, la violence est plus pernicieuse car elle n'est pas physique mais psychique. Mathilde est impressionnée par le charisme du Nobel et se laisse faire sans être toutefois consentante. Pourtant, elle va elle-même se poser la question : a-t-elle fait preuve d'une certaine forme de consentement ? Même si tout en elle crie « non », elle va douter. 

              La conséquence de cet événement, c'est la honte et le réflexe de se taire. D'ailleurs, si elle se tait, ce n'est pas seulement par honte, mais aussi à cause de la pression du milieu. En effet, la famille de Mathilde est célèbre et constitue donc, pour les journalistes avides de scoops, un sujet de prédilection, comme le sont toutes les affaires de mœurs dans les milieux en vue. La même histoire, si elle arrive à une inconnue, n’intéresse pas ces derniers. Ainsi, si Mathilde se tait, c'est pour éviter le scandale.

              Autre conséquence liée directement à l'agression, c'est que la vie de femme de Mathilde est ruinée. D’abord, elle abandonne sa carrière initiale qui pourtant la passionnait – la photographie. Ensuite, sa vie amoureuse va se ressentir de l'agression. En effet,  Mathilde a des difficultés au niveau sexuel avec Fouad, son mari. Elle a des difficultés à avoir du plaisir. Plus tard, elle entretiendra des relations uniquement platonique avec un ami prénommé Olivier : avec lui, elle n’a pas envie de rentrer dans le concret.

              Autre remarque qu'on peut faire sur Se taire, c'est bizarrerie de la fin. Mathilde se rend chez le Nobel, et lui déclare qu'il faut qu'il lui demande pardon, ce qu’il refuse. Alors, elle lui dit qu’elle veut coucher avec lui, ce qu’il fait ; puis elle l’assassine. On se demande alors ce qui a pris à Mazarine Pingot lorsqu'elle a eu l'idée d'une fin aussi grand-guignol. Elle arrive à sauver quelque peu la mise en insinuant que tout cela n'est que fantasme et imagination de Mathilde, fantasme et imagination qui offrent des pistes d’ouverture pour la chute du roman : comment vont se passer ces retrouvailles entre elle et le Nobel ? En effet, après l'évocation de ces étranges retrouvailles, on retrouve Mathilde devant la porte du Nobel. Il ne s'est donc rien passé de tout ce qui a été, juste auparavant, raconté. Mais toutes ses pensées sont étranges. Qu'a voulu montrer Mazarine Pingeot ? Qu’il y a une ambiguïté entre la violence subie et celle qui est voulue ? L'intérêt de cette scène où Mathilde couche de son plein gré avec le Nobel avant de l'assassiner, à mon sens, c’est qu’e cette femme, qui avait jusqu'alors subi la loi de son milieu et celle du Nobel et leur violence, d’un seul coup, devient celle qui décide, celle qui est violente : bref, elle passe du statut de victime à celui de bourreau. Renversement des rôles ! Bien maladroit car bien trop extrême !

              Enfin, Se taire est un roman plutôt mal construit.  Les vitesses du récit sont mal réglées. En effet, à la fin du roman, en quelques pages, sont résumées plusieurs dizaines d’années qui contiennent des événements qui auraient pu être davantage développés (car ils sont consécutifs du viol). D'un autre côté, la  jeunesse  de Mathilde est racontée de manière plus lente et plus détaillée alors qu’il ne s’y passe pas grand-chose sinon la proximité temporelle avec l'agression. 

              Ainsi, Se taire est un roman qui exploite un thème à la mode de manière assez peu originale  car les conséquences d'un viol, on les connaît toutes et tous. Par ailleurs, la femme est toujours montrée comme victime des hommes. Cette approche victimaire est réductrice. Par ailleurs, toute vie de Mathilde est ruinée par le viol.  Là aussi, c'est réducteur ! Même si je reconnais tout à fait la violence des hommes faite aux femmes et leurs conséquences, je refuse de tout y rapporter. Mais je me tais ! J'aurais trop peur de me faire violer par une adepte du mouvement « Me Too » !



04/09/2022
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