LECTURES VAGABONDES

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Katherine Pancol : La saga Cortès –Tome 1 : Les yeux jaunes des crocodiles.

     

    De Katherine Pancol, j’ai entendu bien du mal en ce qui concerne la qualité de ses romans. Elle passe, chez les amateurs de littérature, pour une écrivaine qui ne peut que réjouir de sa prose les attardés mentaux. Voyons ce qu’il en est avec ce premier tome de la saga Cortès intitulé Les yeux jaunes des crocodiles et paru en 2006 aux éditions Albin Michel.

 

          Joséphine Cortès vient de se séparer de son mari, Antoine. Avec son maigre salaire de chercheuse au CNRS spécialisée dans le moyen-âge (le XIIème siècle, pour être plus précise), elle tire le diable par la queue, d’autant plus qu’elle doit élever seule ses deux filles, Hortense et Zoé. Lorsqu’elle découvre que son ex-mari a largement puisé dans le compte commun pour monter un élevage de crocodiles au Kenya, c’est la panique. Par ailleurs, l’affaire du Croco Park est un échec et Antoine ne peut rembourser sa dette, même si sa nouvelle compagne, Mylène, a plus de bonheur en affaires : elle lance des produits de beauté venus de France pour les chinoises qui vivent dans le Croco Park. Pour Antoine, qui n’a jamais réussi à se remettre de sa rupture d’avec sa famille, les choses tourneront mal : il se met à boire, puis il meurt, dévoré par des crocodiles. Mais revenons à Joséphine. D’abord, c’est son beau-frère, Philippe Dupin, grand avocat parisien qui lui propose de réaliser pour son cabinet, des traductions bien payées. Puis, elle est contactée par un éditeur pour traduire une biographie d’Audrey Hepburn. Mais le coup de maître, c’est sa sœur, Iris Dupin qui lui permet de le réaliser. Lors d’un diner mondain, cette dernière déclare qu’elle écrit un roman palpitant qui se déroule au moyen-âge. Prise au piège par son mensonge, elle demande à sa sœur de l’écrire – bref, de faire le nègre – tandis qu’elle, Iris Dupin, assurera la promotion du roman. Lorsqu’il parait, Iris Dupin ne fait pas dans la demi-mesure et le roman remporte un succès fou. Cependant, la gloire n’a qu’un temps, et Iris propose à sa sœur de renouveler la chose ; mais Joséphine refuse. Elle veut écrire pour elle-même, désormais. La vie sourit à Joséphine ; au cours de ses recherches en bibliothèque, elle a rencontré Lucas et vit avec lui un nouvel amour, tandis qu’Hortense, sa fille, dévoile au public la supercherie orchestrée par sa tante. Désormais, le nom de Joséphine est connu et il ne tient qu’à elle de poursuivre dans la voie de l’écriture.

 

          Le roman est construit selon deux mouvements. Tout d’abord, nous avons le mouvement ascendant ; il concerne les généreux, ceux qui placent l’amour et l’humanité comme valeur suprême de leur vie.  Joséphine est en tête de ce genre de personnage et au cours du roman, elle ne cesse de s’élever jusqu’à obtenir le bonheur parfait. Elle a un amant merveilleux : Lucas ; elle va se réaliser professionnellement et écrire des romans sous son nom à elle ; elle se réconcilie avec sa fille, Hortense, qui lui bat froid depuis longtemps. En effet, Hortense est une fille qui ne pense qu’à la réussite personnelle, à l’argent, aux fréquentations intéressées ; tant que sa mère galérait pour gagner sa vie, elle la méprisait. Quand elle a découvert que le roman dont tout le monde parle - Une si humble reine – n’a pas été écrit par sa tante, mais par sa mère, les choses changent et Hortense devient plus aimante avec elle. Certes, Hortense fait partie de ceux qui ont une philosophie de la vie basé sur l’argent et l’arrivisme. Mais elle est encore trop jeune pour s’inscrire dans une courbe descendante. C’est Iris Dupin qui incarne le plus intensément cette courbe descendante de ceux qui n’ont que l’argent comme valeur, de ceux qui sont profondément matérialistes. Si elle a connu son quart d’heure de gloire au moment de la sortie du roman, elle finit par toucher le fond à la fin du roman. Elle qui rêvait encore d’un premier amour inoubliable en la personne de Gabor Minar, célèbre metteur en scène, sera bien déçue lorsqu’elle le reverra et qu’il ne fera pas vraiment attention à elle. Par ailleurs, son couple bat de l’aile et il semble bien que Philippe apprécie de plus en plus sa sœur Joséphine. Pour couronner le tout, la supercherie du roman qu’elle n’a pas écrit est mise à jour publiquement par sa nièce Hortense.

          Autre remarque en ce qui concerne la construction du roman : on retrouve des parallélismes et des symétries entre les couples de personnages, comme si, de génération en génération, ils se répliquaient. Lorsqu’elle était petite, Joséphine était le vilain petit canard de la famille et sa mère Henriette ne lui a jamais témoigné le moindre amour tandis qu’Iris était le centre de toutes les attentions.  Cette dernière ne saura pas rendre à son fils Alexandre l’attention qu’elle a eue à foison dans son enfance, tandis que Joséphine, privée d’amour, en a à revendre ; elle est très maternelle avec ses filles, même si Hortense est très dure avec elle et ressemblerait davantage à sa tante Iris. La petite Zoé, quant à elle, est un vrai amour de petite fille. 

          J’ai beaucoup aimé la truculence de ce roman qui mêle de nombreux personnages qui ont chacun une voix différente. Par exemple, le beau-père de Joséphine et d’Iris s’appelle Marcel Grobz. Il a beau être marié à la mère de nos deux héroïnes – Henriette – il la trompe avec sa secrétaire, Josiane (il partira vivre avec elle lorsqu’elle sera enceinte). Ce couple Marcel-Josiane s’exprime dans un argot fort vif qui tranche avec la voix des autres personnages.

          Alors bien sûr, le roman regorge de scènes improbables. Notons-en deux particulièrement gratinées. Joséphine a une amie anglaise prénommée Shirley. Eh bien ! Cette dernière va dévoiler progressivement son secret à Joséphine ! Un bien banal secret ! Elle aurait des accointances avec la famille royale d’Angleterre ! Rien que ça ! Autre scène ridicule : Joséphine, qui assiste à un défilé de mode, est toute dépitée lorsqu’elle voit son amour, Lucas, sur le podium. Mais si ce dernier l’ignore totalement, c’est qu’il n’est pas Lucas, mais son frère jumeau ! N’importe quoi ! Pourtant, je laisse à Katherine Pancol le bénéfice du doute. C’est une femme cultivée et je pense que tous ces épisodes farfelus, improbables, sont autant de clins d’œil à cette littérature populaire dont  elle se réclame sans y souscrire totalement. Bref, Katherine Pancol s’adonne ici, selon moi, à une douce parodie de tous les poncifs de la littérature populaire. 

          Reste alors à expliquer ce titre étrange : Les yeux jaunes des crocodiles. Bien sûr, il y a Antoine qui tente de faire fortune avec un élevage de crocodiles en Afrique ; mais Antoine n’est pas un personnage majeur et l’intrigue du Croco Park n’est pas centrale. Cependant, il me semble que Katherine Pancol se livre aussi, dans Les yeux jaunes des crocodiles, à une satire sociale. Si le roman comporte des personnages généreux et altruistes, il regorge aussi de personnages égoïstes, prêts à tout pour quelques pièces de monnaie. Ainsi, les crocodiles, ce seraient eux, les âpres au gain.

          Bien sûr, je reconnais volontiers que ce roman n’est pas parmi les meilleurs jamais écrits ! Mais cette saga a un certain charme, une certaine truculence qui prend le lecteur. Certes, on a envie de connaître la suite des aventures de Joséphine and Co ! Alors rendez-vous bientôt pour le tome 2 de la saga Cortès, tome intitulé : La valse lente des tortues.



21/03/2021
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