Joseph Joffo : La jeune fille au pair/Pas hors pair, mais pas mal quand même
De Joseph Joffo, on connait surtout Un sac de billes. Moins connu, je vous propose de découvrir La jeune fille au pair paru en 1993 aux éditions Jean-Claude Lattès.
Wanda Schomberg quitte la Suisse où elle vivait avec son oncle et sa tante : Otto et Ilse. Elle décide de monter à Paris pour s’éloigner d’eux car ils la délaissent. Son objectif ? Devenir fille au pair dans une famille juive. A la gare, un jeune médecin, Richard, lui vient en aide et la conduit boulevard Barbès où elle doit rencontrer Samuel, Hélène, David et Benjamin Finkenlstein. D’emblée, la jeune fille est acceptée dans la famille et adorée des enfants David et Benjamin. Cependant, parfois, la jeune fille fugue et disparait pendant plusieurs jours. Cette attitude répétée induit un malaise dans la famille Finkelstein. Mais la jeune fille révèle un jour son secret : avant d’atterrir en Suisse, elle vivait en Allemagne et son père est l’homme qui faisait partir les trains : entre autres, ceux pour les tristes camps de la mort. Et puis, un jour, un homme envoyé par son père, criminel de guerre retenu prisonnier à Spandau, lui révèle l’existence d’un magot mis en sécurité dans une banque. Désormais Wanda est riche ! Cependant la jeune fille refuse de toucher à cet argent qu’elle trouve sale et le lègue à des associations destinées à venir en aide aux orphelins de la shoah. Tout est donc bien qui finit bien : Wanda épouse Richard, le jeune médecin rencontré au début au roman, et le couple part s’installer en Israël.
La jeune fille au pair est un roman court et simple qui se lit facilement et qui s’avère être assez agréable. Ceux qui aiment les romans d’Henri Troyat seront enthousiasmés par La jeune fille au pair, même si en l’occurrence, Joseph Joffo est un ton en dessous.
Les personnages du roman sont en effet plutôt gentillets. La famille Finkenlstein est bien sous tous rapports, accueillante, ouverte d’esprit. C’est une famille juive tolérante et juste ce qu’il faut niveau religion : pas d’intégrisme chez eux, mais la famille est suffisamment marquée par ses origines pour proposer au lecteur une petite découverte des traditions juives, notamment les traditions culinaires.
L’héroïne principale, Wanda, est également bien proprette. Courageuse, douce, sage, elle est attirée mystérieusement par la culture juive, ce qui la pousse à devenir jeune fille au pair chez les Finkenlstein ; elle cache un secret qui la ronge : son père est un nazi qui a mis la main à la pâte en ce qui concerne la mise en pratique de l’extermination des juifs. Son amoureux, Richard, est jovial, serviable, protecteur ; il veut aider la jeune Wanda et la pousse à consulter un psychologue dont – de manière téléphonée, elle aussi – elle s’amourache vaguement pendant un bref moment.
Bien évidemment, le roman veut montrer à quel point les juifs sont des gens fréquentables. Il prône l’apaisement et le pardon entre eux et les Allemands qui ont pu vivre du mauvais côté de la barrière. Ce fil conducteur du roman est lui aussi, un peu gentillet et manque de nuances.
Enfin, on n’adhère pas du tout à la chute. On veut bien accepter l’idée de départ : une jeune fille veut découvrir ce qu’est « être juif » et pour cela, elle devient jeune fille au pair dans une famille juive. Elle finit par décider de s’installer en Israël alors qu’elle n’est pas juive, et pas plus juif n’est son mari. Cette chute parait bien improbable, surtout que notre héroïne a évolué dans une famille heureuse qui ne compte pas partir vers la terre promise. C’est l’élève qui dépasse le maître ! Par ailleurs, cette chute n’est pas du tout annoncée, préparée. Elle tombe comme un cheveu sur la soupe. Dommage !
Ainsi, La jeune fille au pair est un roman un peu gentillet qui offre un bon moment de lecture. Mais quelque part, il témoigne de l'inconfort intellectuel dans lequel se trouvent ceux qui ont laissé faire les horreurs de la Shoah en portant au pinacle, de manière naïve, la judéité. Les juifs n'en demandent pas tant !
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