Joseph Connoly : Vacances anglaises / lecture pour la plage… ou la ville.
A l’heure où je me vois dans l’obligation d’abréger mes vacances en Lozère (mauvais temps oblige), c’est une lecture bien cocasse que ces Vacances anglaises, roman écrit par Joseph Connoly en 1998 et paru en France en 2000 aux éditions de l’Olivier, puisqu’il est plutôt question ici de vacances-galères pour tous les personnages ou presque.
Commençons par une petite présentation des personnages qui vont nous accompagner pendant 444 pages. D’abord, il y a le couple Howard-Elizabeth : nos deux comparses vivent de manière aisée et Elizabeth met un point d’honneur à bien le montrer tant à travers le luxe qu’elle étale chez elle, dans les réceptions qu’elle organise, dans les boutiques de fringues qu’elle fréquente, dans les vacances de luxe qu’elle s’offre. Cette année, elle décide de descendre sur la côte sud de l’Angleterre, à l’hôtel Excelsior. Howard et Elizabeth ont une fille, Katie. Assez délurée, la jeune fille entretient une liaison torride avec Norman, un employé de l’agence immobilière de son père. Elizabeth a également une sœur, Mélody : jeune mère assez insouciante, elle cherche l’amour de sa vie. Elle sera également du voyage sur la côte anglaise.
Ensuite, nous avons Brian et Dotty, leurs voisins et amis. Brian vivait aisément tant que la moquette était à la mode… mais désormais, tout le monde veut du parquet et son affaire est en faillite. Dotty supporte mal la situation car elle veut à tout prix rivaliser avec Elizabeth à tous les niveaux. Pour ce faire, elle ment beaucoup. Cependant, elle décide que cette année, ses vacances seront les même que celles d’Elizabeth. Notre couple a un fils : Colin. Ce dernier est encore puceau et rêve d’une femme : n’importe laquelle.
Arrivée sur le lieu de vacances… sans Katie qui, moyennant un gros mensonge, s’est tirée à Chicago avec son amant Norman. Là, nos héros font la connaissance de Lulu et de John, un couple assez atypique puisque John souffre d’une jalousie maladive qui provoquera de nombreux quiproquos parmi les vacanciers. Sans parler de Miles McInerney, un séducteur professionnel doublé d’un salaud non moins professionnel. Coucher, voilà son but unique.
Et c’est parti pour de truculentes aventures sur la côte anglaise ! Howard prétexte une lourde charge de travail pour échapper à son épouse et se retrouver avec son amant : Zouzou. Elizabeth est donc seule. Heureusement, il y a Mélody… et son bébé qui passe son temps à brailler. Infernal ! Dotty, qui pensait se retrouver à l’Excelsior… se laisse embobiner par Brian qui n’a pas les moyens d’offrir autre chose à sa famille qu’une location en caravane dans un vague camping pourri.
Inutile d’aller plus loin et de dévoiler toutes les galères des personnages : il suffira tout d’abord de souligner l’aspect amusant de ces chroniques vacancières. Amusant, jusqu’à un certain point… car très vite, on découvre les fêlures de presque tous les personnages : Dotty, par exemple, a perdu sa fille peu de temps après l’accouchement. Elle se rue sur le bébé de Mélody dont elle s’occupe de manière exclusive… oubliant par là qu’elle n’est pas dans un hôtel 5 étoiles. Norman est amoureux fou de Katie, la fille d’Howard et d’Elizabeth : après de multiples déboires à Chicago, après s’être ruiné pour elle et avoir détourné de l’argent à l’agence d’Howard, il se retrouve seul dans sa chambre d’hôtel du Sheraton. La jeune fille lui préfère en effet Rick. Seuls deux personnages n’ont aucune fêlure : Katie et Miles. Elle est juste une adolescente quelque peu écervelée, égoïste et snob, lui est juste un séducteur plutôt plouc et goujat. L’un et l’autre n’ont aucun état d’âme vis-à-vis des autres et d’eux-mêmes.
Voilà pourquoi, on peut parler, dans vacances anglaises d’une savoureuses galerie de portraits tout en nuances. Elizabeth, s’est la snob de service. Dotty, c’est celle qui voudrait bien être aussi snob qu’Elizabeth, mais qui ne peut point. Il y a les loosers : Brian, Colin (qui finira quand même par réussir à se faire dépuceler), et Norman. Enfin, la plutôt nymphomane Mélody… même si ce qu’elle recherche avant tout, c’est l’amour.
Dans Vacances anglaises, les intrigues se nouent et se dénouent de manière amusante et parfois inquiétante. Joseph Connoly use assez souvent du procédé théâtral du quiproquo pour faire rebondir l’intrigue… par exemple, John, jaloux maladif, est persuadé que sa femme, Lulu, a une liaison avec Miles (alors que c’est avec Mélody que ce dernier a une aventure) : il devient violent et jure de tuer Miles. Y parviendra-t-il ? Il faut dire que Miles fait deux têtes de plus que lui ! On imagine d’ailleurs très bien une adaptation théâtrale de ce roman, adaptation façon vaudeville… Les maris, les femmes, les amants et les portes de l’hôtel qui claquent.
J’ai apprécié également l’écriture de Connoly qui use beaucoup du monologue intérieur, ce qui permet d’appréhender plus facilement le caractère des personnages et de jouer sur la distorsion entre ce qui est dit, ce qui est fait, et ce qui est pensé dans le for intérieur de chacun : on est en plein, ici, dans le procédé de l’aparté théâtral. On se trouve ainsi au cœur d’une double satire parfaitement réussie : satire des mœurs bourgeoises dans l’Angleterre actuelle / satire de caractère.
Vacances anglaises est donc une comédie de mœurs vraiment plaisante et nuancée. Joseph Connoly s’inspire librement des thèmes qui plaisent aux femmes : des héroïnes « fashion addict », des vacances de luxe, des cocktails et des réceptions branchées… Tout ce que nous, les filles, on aime (ou non) dans cette littérature lénifiante à la Weisberger, on le retrouve ici mis en scène de manière vraiment ironique et distanciée. Voilà pourquoi, Vacances anglaises est une lecture pour tous ceux et toutes celles qui aiment les comédies de mœurs bien enlevées et assez caustiques !
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