Julien Blanc-Gras : Touriste/Vaut le voyage !
Alors qu’en ce début d’année scolaire, les vacances semblent être renvoyées aux calendes grecques, je vous propose un vrai bon livre assez inclassable, à mi-chemin entre le témoignage et le carnet de voyage ; allez ! Je vous emmène aux quatre coins du monde avec Julien Blanc-Gras et son délicieux bouquin : Touriste, paru en 2011 aux éditions Au Diable Vauvert.
Julien Blanc-Gras n’a qu’une seule passion dans la vie : voyager. Et il a de la chance, le loustic ! Son métier de journaliste lui permet de se promener constamment autour du monde. Ainsi l’auteur nous emmène-t-il en Angleterre, au Brésil, au Maroc, en Inde et bien ailleurs encore, dans tout type de paysage, dans tout type de vadrouille : de l’excursion organisée à l’escapade en solitaire en passant par le reportage touristique imposé par le journal pour lequel travaille notre auteur.
Ainsi, Touriste se présente comme un mélange de témoignage et de biographie : Julien Blanc-Gras évoque les diverses expériences et les rencontres qu’il a pu faire au cours de ses périples. Certaines sont cocasses et drôles : au Guatemala, il se retrouve au lit avec une charmante autochtone qui est entrée par effraction dans sa chambre ; au Maroc, il sympathise avec Chachi, le dromadaire débonnaire qui l’accompagne dans le désert. Des rencontres, il en a fait aussi ! Elles donnent lieu à de savoureux portraits : certains sont tendres (au Mozambique, il rencontre Mark, un scientifique épris de nature vierge) ; d’autres sont beaucoup plus acerbes (à Madagascar, le chef d’une mission scientifique, Philippe Boulet, s’avère être un sinistre individu un rien opportuniste). D’une manière générale, Julien Blanc-Gras, à travers ce livre, adresse au monde, à sa diversité, à son étrangeté, à son tragique comme à son comique, une grande déclaration d’amour :
« Vu d’ici, on se rend bien compte que l’humanité n’a rien d’indispensable au fonctionnement de cette planète. Nous sommes éphémères, la végétation est persistance. On peut brûler l’herbe qui pousse sous nos pieds, elle repoussera toujours derrière nous. Nous sommes les touristes de luxe de l’évolution, les simples passagers d’une époque. Nous avons visité la Terre, nous l’avons magnifiée et dévastée, nous allons repartir ».
Bien évidemment, l’aspect le plus intéressant de l’œuvre, c’est son côté « carnet de voyage ». Julien Blanc-Gras cherche à offrir, autant que faire se peut, une vision nuancée d’un pays. Ainsi, en Angleterre, il côtoie le monde très uniformisé des étudiants venus des quatre coins du monde, qui tissent là leur futur réseau professionnel, tout en s’amusant le plus possible. Mais, il est aussi amené à fréquenter la jeunesse qui travaille dans la fish factory de Hull pour quelques livres la journée : c’est le monde des clandestins qui cherchent là un Eldorado, mais qui n’y rencontrent que l’esclavage. A Tahiti, il s’ennuie ferme : la compétition de surf qu’il doit couvrir ne l’intéresse pas vraiment, et les plages de sable blanc de Moorea ou de Bora-Bora le laissent presque indifférent. Il faut dire que Julien Blanc-Gras est un touriste un peu atypique qui aime voyager seul : il déteste le club de vacances de Djerba, il n’aime pas l’excursion de deux jours dans le désert marocain parce qu’elle est organisée pour des touristes qui dénaturent les lieux en chantant « le loup, le renard et la belette » au lieu de se recueillir devant la beauté du monde. Voilà pourquoi, Julien Blanc-Gras prend quelque peu le contrepied de tout ce qui fait rêver l’homme moyen : les plages de sables fins, les hôtels aseptisés, les endroits taillés sur mesure pour le touriste, très peu pour lui ! On peut être d’accord ou pas avec l’auteur et sa façon d’aborder le voyage, mais une chose est sûre : il ne méprise pas les vacanciers qui passent leur temps dans les clubs de vacances ; c’est seulement un style de voyage qu’il n’aime pas pour lui-même. Ouf ! Julien Blanc-Gras nous épargne la conventionnelle leçon sur les vrais voyageurs « sac à dos » sur la route et les gros ploucs qui s’entassent dans des hôtels-clubs avec piscine pour y chanter « y a du soleil et des nanas ».
Pourtant, dans l’ensemble, on ne peut pas dire que les pages qui nous sont données à lire nous offrent une vision inédite du monde : en Colombie, au Brésil, se pose la question de la pauvreté, des favelas et de la criminalité… comme de bien entendu ; en Inde se pose la question de l’agitation perpétuelle, de la pauvreté, de la diversité… comme de bien entendu. Parfois, cependant, quelques pages nous ouvrent des perspectives inattendues : en Israël, plongée dans les milieux intégristes de Mea Shearim où les juifs ultra-orthodoxes haïssent les juifs laïcs, ceux de Tsahal. Plongée au sein de la société ultra-fracturée de Jérusalem ou de Ramallah ; petit détour par la Jordanie où on ne sait pas si on est bienvenus ou pas… J’aurais aimé lire davantage de pages sur la Jordanie, car c’est un pays pour lequel j’ai eu un vrai coup de cœur, et pour lequel ma vision diffère singulièrement de celle de Julien Blanc-Gras !
Et puis, Julien Blanc-Gras est un touriste tellement amoureux du monde et du fait-même de voyager qu’il nous emmène aussi dans de petits intermèdes assez drôles : péripéties au sein d’un avion, en classe affaires, ou encore dans un aéroport où on est en transit… et puis, le chez-soi, à Paris, où il faut aussi revenir pour mieux se ressourcer et dynamiser le désir de repartir ailleurs.
Ainsi, je recommande la lecture de Touriste ; c’est un livre prenant, intéressant, écrit de manière assez vive et drôle : de quoi passer un bon moment au coin du feu en rêvant de toutes ces contrées où l’on n’est pas encore allé… en attendant les prochaines vacances et les prochains voyages.
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