Guillaume Musso : Sauve-moi / Oui.
Qu’on me coupe la main (mais alors serez-vous privé de votre blog préféré !) si j’exagère en disant que Guillaume Musso s’est totalement inspiré du scénario de base de la fameuse série des Destination finale (série de cinq films d’horreur au scénario redondant, sortie entre 2000 et 2010), pour ce roman : sauve-moi paru en 2005 chez XO éditions. Mais qu’on aime ou non les films d’horreur, on peut sans crainte se plonger dans Sauve-moi car Musso n’a gardé que la trame fantastique de ces films, en a évacué l’horreur et a considérablement épaissi l’ensemble de l’intrigue.
Juliette est sur le point de quitter New York pour rentrer en France : elle espérait en effet percer sur scène à Broadway, mais n’a connu que des échecs. Sam, de son côté, semble avoir réussi sa vie : originaire de Brooklyn, il a connu une enfance difficile, mais est devenu médecin. Cependant, le bonheur n’est pas au rendez-vous : sa femme, Federica s’est suicidée un an auparavant et le jeune veuf est inconsolable. Le hasard fait se rencontrer ces deux personnages qui éprouvent immédiatement un coup de foudre partagé. Cependant, leur idylle sera de courte durée : Juliette doit prendre l’avion pour la France à la fin du week-end. Et puis, c’est le drame : l’avion de Juliette explose en plein vol. Le désespoir de Sam sera de courte durée : la jeune fille a quitté l’avion quelques minutes avant le décollage dans l’espoir de retrouver Sam qu’elle ne peut se résoudre à quitter. Cependant, la jeune fille n’est pas immédiatement libre : elle est retenue par la police qui trouve son comportement suspect. Aurait-elle mis une bombe dans l’avion ? En attendant, Sam rencontre une bien étrange jeune femme : Grace Costello, jeune policière… décédée 10 ans auparavant. La jeune femme déclare que Juliette a déjoué sa propre mort en quittant l’avion à la dernière minute. Or, sa mort était programmée. Grace a été envoyée pour rectifier cette petite erreur. Elle demande à Sam d’amener Juliette au téléphérique, dans une semaine, à 12 heures 30. La mort se chargera de régler les choses par un nouvel accident. Il faudra bien du temps à Sam pour croire à toute cette histoire. Par ailleurs, Grace a une fille : Jodie, qui a mal tourné après le décès de sa mère. Cette dernière se drogue et se retrouve plongée dans une sale affaire. Sam parviendra-t-il à sauver Jodie… et à amadouer Grace qui dispose du destin de Juliette, la femme qu’il aime ?
Il est évident que la trame de base de Sauve-moi est directement pompée sur le scénario des Destination finale. Dans ces films, tout commence par un accident spectaculaire : avion qui explose, grand-huit qui se casse la figure, pont suspendu qui cède à l’heure de pointe. Cependant, sous l’effet d’une prémonition, une poignée de personnes échappe à l’accident. Or, leur mort était prévue, programmée… les unes après les autres, elles seront rattrapées par le destin qui a prévu pour elles de petites réjouissances plus ou moins spectaculaires. Certes, ici, point de prémonition, même si Guillaume Musso a inséré, au moment de l’accident, un personnage qui en fait le cauchemar - clin d’œil bien appuyé à la série des Destination Finale, puisque ce personnage ne réapparaît pas par la suite, dans le roman. Par ailleurs, dans la série cinématographique, point d’envoyé spécial de l’au-delà : la mort reprend les victimes une à une en mettant en œuvre une chaîne d’éléments qui s’enrayent et provoquent un accident. Bref, Guillaume Musso a effectué quelques petits aménagements par rapport au scénario des films, aménagements qui semblent insignifiants, mais qui font toute la différence : Grace, l’envoyée de l’au-delà peut faillir à sa tâche, et ainsi laisser à Sam et à Juliette un avenir heureux.
Et puis, Musso a également su épaissir ce scénario de base en intégrant le poids du passé trouble des personnages : Brooklyn, la drogue, la criminalité… Sam a du sang sur les mains. Grace a été tuée par balle lors d’une intervention policière ; la jeune femme nageait alors en plein bonheur : un amour secret pour son collègue Rutelli, et une petite fille, Jodie. Revenue sur terre pour exécuter les desseins de la mort - emmener Juliette vers l’au-delà - l’ancienne policière ne peut s’empêcher de se pencher sur son passé : qui est son assassin ? Comment sauver sa fille, droguée, prise dans un traquenard qui risque de lui coûter la vie ? Et voilà nos personnages unis dans une sorte de 24 heures chrono haletant destiné à sauver la jeune Jodie. Je n’en dis pas plus : les ficelles sont un peu grosses et convenues, mais on est pris dans ce scénario à rebondissements, dans cette course contre la montre, contre la mort, comme toujours parfaitement mise en scène et parfaitement rythmée par Guillaume Musso.
Face à cette seconde partie du roman très rythmée, on a une première partie plus lente qui déroule une sorte de comédie sentimentale sur fond new yorkais. Dans une ville bloquée par la neige, un homme et une femme solitaires vont se croiser avec l’idée que leur histoire sera sans lendemain. Une première partie très cinématographique bâtie sur un va-et-vient entre les personnages principaux et sur la rencontre avec d’autres personnages qui s’avèreront être mineurs par la suite mais qui dramatisent l’ensemble : une petite fille malade que Sam ne parvient pas à sauver, l’homme du coffee shop qui met en garde Juliette sur l’importance de chacun de nos actes dans la vie, la mère de Juliette qui s’apprête à récupérer sa fille à l’aéroport Charles de Gaulle…
Ainsi, avec Sauve-moi, Guillaume Musso a-t-il encore une fois su composer un roman qui tient en haleine de bout en bout en usant et abusant de ses recettes fétiches : l’inspiration cinématographique, l’intrusion du surnaturel dans la vie normale, et bien sûr, l’amour, la mort, le destin comme grands thèmes d’ensemble visant à insuffler une émotion palpable à l’ensemble. Encore une fois, Guillaume Musso m’a sauvée de l’ennui que j’éprouve la plupart du temps lorsque je lis les best-sellers grand public, il me réconcilie avec le genre, et je le trouve digne d’être sauvé par les critiques littéraires qui persistent à le bouder.
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