LECTURES VAGABONDES

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John Irving : Le monde selon Garp / Un très chouette roman, selon moi

 

          J’ai découvert John Irving dans les années 90 grâce à ce roman : Le monde selon Garp, roman qui m’avait drôlement emballée. C’est avec un plaisir certain que je redécouvre donc Le monde selon Garp, écrit par John Irving et paru en 1980 aux éditions du Seuil.

          C’est pendant la guerre 39-40 que le petit Garp voit le jour de manière quelque peu originale. Sa mère, Jenny Fields, est infirmière et refuse de s’embarrasser d’un homme pour avoir ce qu’elle désire le plus au monde : un enfant. Elle se fait donc engrosser par un soldat moribond et donne à son fils le nom de son défunt père. Garp va grandir dans une école-pensionnat nommée Steerling, dans le New Hampshire. Là, Jenny et Garp font la connaissance de Ernie Holm, qui coache l’équipe de lutte et qui a une fille prénommée Helen. Cependant, l’adolescence de Garp se déroule à Vienne, ville dans laquelle il écrit son premier roman :

La pension Grillparzer. De retour dans le New Hampshire, il épouse Helen et conçoit avec elle trois enfants : Duncan, Walt, Jenny. Il semble bien que le bonheur se soit invité chez les Garp, même si notre père de famille a une faiblesse pour les baby-sitters. Et puis, il y a ce fameux couple d’amis : Alice et Harry – collègue d’Helen à l’université. Alice trompe Harry avec Garp tandis qu’Henri trompe Alice avec Helen. Cependant, Garp continue péniblement à écrire des livres tandis que sa mère, Jenny Fields devient une star avec sa biographie : Sexuellement suspecte. Il faut dire que les féministes, et notamment les « Ellen jamesiennes » font d’elle l’icône de la libération de la femme. Alors qu’Helen entretient une liaison avec un de ses étudiants : Michael Milton, Garp demande à Helen de rompre avec son amant, ce qu’elle fait. Mais alors que le malheureux Michael se rend chez sa maîtresse pour une ultime explication, un épouvantable accident survient : la voiture de Garp et celle de Michael se percutent ; le petit Walt y laissera la vie tandis que Duncan perd un œil. Le succès du dernier roman de Garp : Le monde selon Bensenhaven, pousse le couple à retourner à Vienne pendant quelque temps pour une question de tranquillité : il est vrai que le livre parle de viol, de la violence des hommes, ce qui, de la part du fils de la fameuse Jenny Fields, icône du féminisme, provoque des débats houleux.  Il rentrera aux USA pour enterrer sa mère, Jenny Fields, assassinée par un chasseur phallocrate qui abhorre le féminisme. Alors que Garp peine à se renouveler et même à trouver l’inspiration, il est victime d’une Ellen jamesienne, Pooh Percy qui l’accuse d’avoir tué sa sœur, Cushy Percy, lorsque, adolescents, ils flirtaient ensemble. Garp meurt donc, laissant derrière lui une œuvre que ses enfants et amis perpétuent d’une manière ou d’une autre.

           Comme à son habitude, John Irving nous offre, avec Le monde selon Garp, un roman loufoque et foisonnant en surface, grave dans le fond. Par ailleurs, il aborde de délicates questions de société.

           L’une des réjouissances offertes par ce roman est l’humour et la drôlerie qui en émanent. Le style est alerte et vivant, les situations cocasses se multiplient. Par ailleurs, l’œuvre joue sans cesse avec l’univers d’Irving et en premier lieu, avec sa propre biographie puisque le premier roman de Garp – La pension Grillparzer – fait écho au premier roman d’Irving lui-même : Liberté pour les ours. Quant au roman de Garp intitulé Le monde selon Bensenhaven, inutile de dire qu’il fait résonnance au roman d’Irving que le lecteur tient entre ses mains, roman intitulé Le monde selon Garp. De là à dire qu’entre Garp et Irving lui-même, il y a des points communs, la chose semble évidente. Si Garp puise dans sa propre vie pour nourrir ses romans, Irving fait de même : on connaît, par exemple, la passion de l’auteur pour le sport – lutte, hockey sur glace, base-ball… De son côté, Garp et sa famille entretiennent un lien étroit avec la lutte.  Enfin, de larges extraits des romans écrits par Garp sont mis en abyme dans le roman écrit par Irving/Le monde selon Garp.

          Cependant, comme je l’ai dit plus haut, le roman est aussi sérieux et engagé sur des questions de société. D’abord, comment se présente ce fameux monde selon Garp ? Quelles en sont les caractéristiques ? Garp traque la violence sous toutes ses formes : dans la rue, d’abord, puisqu’il part régulièrement à la chasse aux chauffards. De toutes ses forces, Garp veut protéger sa famille de toute violence : c’est un père très aimant. Dans ses romans, il tente d’exorciser cette violence en la mettant en scène. Malheureusement la littérature n’a pas tous les pouvoirs ! Que peut-elle faire contre les fanatiques déchainés ? Jenny, la mère de Garp, et Garp lui-même succomberont sous les coups des féministes hystériques pour l’un, des phallocrates indécrottables pour l’autre.

          Par ailleurs, Le monde selon Garp est un plaidoyer pour la liberté des femmes et contre la violence des hommes. Le roman a aussi pour sujet le viol des femmes et leurs tragiques conséquences : Ellen James, violée dans sa jeunesse, a aussi été mutilée pendant l’agression puisqu’on lui a coupé la langue. Cette mutilation est symbolique puisque la parole des femmes violées est assez peu fréquente et assez peu audible. Les Ellen-jamesiennes, dans leur délire de haine et de colère contre les hommes s’infligent la même mutilation pour exorciser leur souffrance. D’un côté comme de l’autre, la haine engendre la haine, la violence appelle la violence. En marge du mouvement féministe incarné par Jenny, on trouve un énième personnage porte-étendard : le travesti puis transsexuel Roberta qui finit par faire partie intégrante de la famille de Garp. A la cause féministe s’ajoute donc celle des minorités sexuelles – qui sont, il faut bien le dire, souvent regroupées et associées.  

          Si la relecture du monde selon Garp ne m’a pas procuré l’enthousiasme d’antan, il m’a suffisamment réjouie pour que je décide d’aller revisiter d’autres roman de John Irving. Je n’ai pas parlé de la satire du couple présente dans ce roman sous la forme de l’érosion du désir – Garp est infidèle ; Helen finit par l’être également – alors pourquoi ne pas poursuivre bientôt avec Un mariage poids moyen, davantage axé sur cette problématique de la vie de couple ?



15/06/2020
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