LECTURES VAGABONDES

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Jeanne Bourin : La chambre des dames/Entrez-y donc, messieurs-dames !

 

          C’est avec un grand plaisir que j’ai renoué avec l’œuvre de Jeanne Bourin, décédée au début du XXIème siècle. En effet, dans les années 80, je me souviens avoir d’abord vu à la télévision cette excellente saga médiévale - La chambre des dames,- réalisée par Yannick Andréï et adaptée du roman écrit par Jeanne Bourin en 1979, roman qui porte le même titre et qui paraît aux éditions de la Table Ronde.

 

        Nous sommes au XIIIème siècle sous le règne de Louis IX et voici donc l’histoire fictive des Brunel, une famille bourgeoise d’orfèvres vivant à Paris. La fille ainée, Florie, vient d’épouser le jeune trouvère Philippe Tomassin dont elle est éperdument amoureuse. Cependant, le jour des noces, un cousin venu d’Angers, pelletier de son état, tombe amoureux de la jeune mariée ; il s’appelle Guillaume Dubourg et Florie ne saura pas résister à l’attirance charnelle qu’elle éprouve bientôt à son égard.

En effet, Guillaume l’a sauvée d’un viol qu’un malotru nommé Artus voulait commettre contre elle le jour des fêtes de Mai. La jeune sœur de Florie, Clarence, n’y échappera pas. Pendant longtemps, cette dernière demeurera muette avant de se destiner à la vie monastique. Mais nous n’en avons pas fini avec les drames ! Alors qu’elle se donne pour la première fois à Guillaume Dubourg, Florie, toute jeune maman, perd son fils qui meurt étouffé sous la pelisse de son amant qui s’en était débarrassé un peu trop promptement dans l’égarement amoureux. C’est alors que le scandale éclate : Philippe, blessé, abandonne Florie et part avec le roi en croisade. Désormais, Florie vit du côté de Tours et s’occupe d’orphelins. Guillaume continue d’aimer la jeune femme qui lui cède à nouveau. Mathilde, la mère de Florie, tente de raisonner sa fille… même si elle sait combien il est difficile de renoncer aux plaisirs de la chair : elle-même est secrètement très attirée par Guillaume. Mais la vie s’écoule et Florie s’assagit : elle adopte une jeune orpheline prénommée Agnès et se consacre de plus en plus à ses devoirs maternels. La rupture avec Guillaume est difficile et voue le jeune homme à une fin tragique : rodant en plein hiver aux environs de la demeure de son ancienne maîtresse, Guillaume se fera dévorer par les loups. Mais c’est sur de belles promesses que s’achève La chambre des dames : même si Mathilde est convaincue que sa mort est proche, elle est désormais grand-mère : son fils, Arnauld, est revenu de croisade avec une femme – Djouna - tandis que Jeanne, sa fille cadette, se marie avec Bernard Fortier, un jeune homme très prometteur. Mais la suite des aventures, on l’aura dans un autre tome intitulé : Le jeu de la tentation.   

 

          Le principal intérêt de La chambre des dames, c’est de nous faire pénétrer dans les secrets de la vie quotidienne du Moyen-Age. En effet, les heurs et malheurs de la famille Brunel ne sont que prétexte à reconstituer des scènes médiévales publiques (agitation des rues où les commerces attirent les foules, fêtes de Mai ou fêtes religieuses) mais aussi privées (les repas de familles… mais égalemnet ce qui peut se passer dans « la chambre des dames »). C’est avec une extrême minutie que Jeanne Bourin reconstitue le bruit, les couleurs, les odeurs de cette époque qui la passionne et qui nous fascine tous un peu !

          Et puis, il faut dire aussi que l’intrigue elle-même, tout en restant très simple et axée sur une saga familiale, est prenante : violence, amours secrètes, scènes de la vie quotidienne d’une famille bourgeoise inscrite dans son époque, une époque à la fois raffinée mais aussi mystique et combattante ; voilà pourquoi certains personnages partent en croisade, tandis que d’autres vouent leur vie à Dieu dans un couvent.

          Mais La chambre des dames, c’est aussi un roman féministe : les corps de femmes aussi différentes que Mathilde et Florie, sa fille, ressentent le désir de la chair qui les tourmentent. Si l’une y résiste – elle est mariée, respecte son mari, et le désir qu’elle éprouve pour Guillaume Dubourg n’est pas réciproque – l’autre y succombe et le paiera très cher. Serait-ce à dire que Jeanne Bourin nous assomme de morale bourgeoise ? Je ne crois pas, car son héroïne, Florie, est attachante et si elle est jugée, c’est par sa famille, et particulièrement par les mâles qui y règnent, jamais par l’auteure qui semble, au contraire, fascinée par cette forme d’amour qu’elle considère sans doute comme la plus féconde en bonheur et en épanouissement. Cette difficile affirmation d’un corps de femme libre et exigeant s’inscrit dans un Moyen-âge pétri de préceptes religieux et d’une morale qui n’est finalement pas si éloignée de la nôtre.

          Ainsi donc, messieurs, dames, n’hésitez pas à pénétrer dans La chambre des dames : elles vous y accueilleront avec chaleur et vous n’aurez finalement pas d’autre choix que de poursuivre avec Le jeu de la tentation.



28/10/2019
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