LECTURES VAGABONDES

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Jean Teulé : Je, François Villon/Ô toi, violence !

     

    Nous terminons notre petit tour des biographies - revisitées par Jean Teulé - des plus célèbres poètes maudits de la littérature française ; après Rainbow pour Rimbaud, Ô Verlaine, voici Je, François Villon qui parait en 2006 aux éditions Julliard.

 

          François Villon naît le jour où Jeanne D’arc est brûlée sur le bûcher : le 30 mai 1431. Sa mère le confie à Guillaume, chanoine de Saint-Benoît-le-Bétourné car elle est condamnée pour vol à l’étalage ; quant à son père, il a déjà été pendu pour la même raison. Certes, François Villon recevra une éducation qui fera de lui un lettré, mais il déteste l’université et la discipline. La liberté est ce qu’il recherche et affectionne. Par ailleurs, il fréquente plutôt ceux qui vivent dans les bas-fonds de Paris et de la société, notamment les prostituées (dont une qu’il affectionne : La Machecoue). Avec ses compagnons d’étude (Tabarie, Dimenche, Dogis), il se livre à des chahuts assez violents au cours desquels il rencontre son premier amour : Isabelle de Bruyère. Au fil du temps, le tempérament libertaire et anti-conventionnel de Villon va s’affirmer puisqu’il va entrer dans la confrérie des Coquillards qui rassemble des mercenaires qui ont œuvré pendant la guerre de cent ans et qui, désormais, vivent de larcins et de meurtres. Pour entrer dans cette confrérie, Villon accepte les épreuves : voler devant témoins, tuer un innocent. Mais l’acte qui lui paraîtra le plus difficile à effectuer sera de livrer celle qu’il aime, Isabelle de Bruyère, au viol organisé. La pauvre jeune fille ne s’en remettra pas et se fera recluse. Après une rixe au cours de laquelle il tue Philippe Sermoise, un prêtre, puis cambriole le collège de Navarre, il quitte Paris et erre sur les routes de province en direction d’Angers. A Blois, il fait la connaissance du duc Charles d’Orléans, prince et poète. Ce dernier s’inscrit, en poésie, dans la tradition de l’amour courtois, ce qui ennuie François Villon qui reprend sa route après avoir dérobé de précieux manuscrits. A Meung-sur-Loire, Villon est arrêté et torturé et doit son salut à l’avènement du roi Louis XI. De retour à Paris, et de nouveau compromis dans une rixe avec ses compagnons Du Moustiers, Pichard et Dogis, il est condamné à la pendaison et, chanceux, voit sa peine commuée en bannissement pour dix années tandis que ses compagnons vont au gibet. C’est alors que l’on perd la trace de Villon, exilé de la ville de Paris en Janvier 1463. 

 

          Le roman Je, François Villon nous plonge au cœur de la vie de ce célèbre poète mais aussi dans les dernières décennies du Moyen-âge. De cette période, il donne une image violente, conforme à la vision stéréotypée largement répandue dans les esprits de notre époque ; si on dit Moyen-âge, on pense immédiatement à l’obscurantisme religieux, aux sorcières sur les bûchers, aux croisades, à la torture. Conformément à cette réputation, Jean Teulé multiplie les scènes de pendaisons, de tortures, de viols.

          Cependant, Jean Teulé, comme à son habitude, fait preuve de beaucoup d’humour noir, dans le même goût que celui qu’il a utilisé dans Mangez-le si vous voulez. Dans ce roman, on apprend que certains charcutiers cuisinent des terrines à base de viandes issues des condamnés à la pendaison. Il ne manque plus que la recette de ces pâtés un peu spéciaux ! Il arrive aussi qu’un condamné plaisante avec ceux qui viennent assister à son supplice - surtout s’il dure longtemps - comme celui de ce boucher qui, convaincu d’avoir cuisiné de la viande humaine, est condamné à être cuit dans un immense chaudron : avant de mourir, il faut que l’eau devienne brûlante ! On a donc le temps de se taper un dernier fou-rire avant de mijoter.

          De la même manière, la langue de Jean Teulé est colorée et vigoureuse. Ainsi, la crudité de certaines scènes sont associées à la brutalité du style de l’auteur. Du Moyen-âge, cette langue restitue avec vivacité la truculence : on a l’impression d’être plongé au cœur d’un Paris où se multiplient les petits commerces, les tavernes, les endroits plus ou moins fréquentables.

          Enfin, entre les chapitres qui racontent sous la forme de l’autobiographie fictive (1ère personne du singulier) la vie du poète s’intercalent des ballades, rondeaux ou lais que ce dernier a écrit ; ces poèmes sont présentés en ancien français, et en français modernisé. Ainsi, si on se promène au cœur d’un Paris médiéval souvent assez peu fréquentable, on se promène aussi dans la vie de François Villon et dans une poésie qui étonne par son audace, sa crudité et qui contraste avec les traditions poétiques de l’amour courtois, en vogue à cette époque.

          Ainsi, ce roman nous plonge au cœur d’une légende, celle de François Villon comme précurseur des poètes maudits qu’affectionne Teulé et auxquels il consacre les romans Rainbow pour Rimbaud et Ô Verlaine. Le fil directeur qui relie ces trois poètes c’est la revendication d’une totale liberté loin des conventions de la société. Mais sans doute, l’esprit libertaire et marginal est plus marqué chez François Villon que chez les autres, lui qui aura mené une vie dans laquelle se conjuguent tous les extrêmes.

 



04/07/2021
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