Jay McInerney : Trente ans et des poussières / Trente et une poussières
Après une déconvenue dont je me souviens encore – la fastidieuse lecture de Glamour attitude – je me frotte de nouveau à un roman de Jay McInerney : Trente ans et des poussières, paru en 1993 aux éditions de l’Olivier. Il faut dire que la réputation de cet écrivain est telle que je lui dois bien une seconde chance.
Nous sommes à New York, en 1987. Russell et son épouse, Corrine, sont deux jeunes trentenaires ambitieux, à la carrière prometteuse. Il est éditeur chez Corbin, Dern and Cie ; elle est courtière à la bourse de New York. Pour se donner meilleure conscience et par conviction, Corrine fait également du bénévolat auprès d’associations pour des sans-abris. De son côté, Russell s’entend moyennement avec son patron, Harold Stone ; leurs avis en matière de littérature sont différents et Russell peine à se renouveler : en termes de nouvelle publication, il n’a rien dégoté de bien intéressant depuis un certain temps, c’est-à-dire depuis qu’il a découvert un écrivain qui est aussi un de ses amis : Jeff. Mais désormais, ce dernier manque d’inspiration et son second roman se fait attendre. Dans ses relations, il faut également compter Victor Propp, dont on attend le roman qui, dit-on, sera un chef d’œuvre. Alors, Russell a une idée : il souhaite racheter la maison d’édition dans laquelle il travaille et pour ce faire, il contacte Trina Cox, spécialiste des OPA sauvages qui prend contact avec un financeur intéressé par le rachat d’une maison d’édition : Bernie Melman. Il s’adjoint également des partenaires internes, ses collègues Washington et Whitlock. De son côté, Corrine voit son couple mis à mal par l’affairement de son époux, obsédé par son projet ; par ailleurs, elle vit de moins en moins bien son métier, qu’elle trouve immoral. Elle démissionne lorsqu’elle apprend que son mari a couché avec Trina Cox. Par ailleurs, une vieille affaire resurgit : Corrine, il y a très longtemps et avant son mariage, a couché avec Jeff, l’écrivain ami du couple, depuis plusieurs mois interné pour désintoxication. Corrine et Russel se séparent. Et puis, d’un seul coup, la bourse craque : nous sommes le 19 octobre 1987. D’un seul coup, les offres de financement de Corbin, Dern and Cie, s’effondrent. Russell laisse donc tout tomber et part refaire sa vie en Californie où il travaille à l’adaptation cinématographique de romans. Sentimentalement, rien de bien fixe. La mort de Jeff – victime du sida - le ramène à New York où il retrouve Corrine avec laquelle il reprend sa vie.
Avec Trente ans et des poussières, Jay McInerney propose, encore une fois, un roman assez difficile à suivre, surtout pour les novices des affaires qui se trament dans le monde de la finance new-yorkaise. En effet, le récit nous plonge au cœur d’une OPA sauvage, en plein dans les années 80, surnommées également « les années fric ». A cette époque, tout le monde joue à la bourse et des fortunes se font de manière artificielle et pas forcément morale. C’est ainsi que Russell veut s’enrichir : en ne faisant pas grand-chose d’autre que de tenter de racheter la maison d’édition où il travaille sans en avoir les fonds. Pour ce, il s’entoure de spécialistes des OPA et de financeurs. Ensuite, il attend. Malheureusement pour lui, son plan sera revu à la baisse après le krach boursier du 19 octobre 1987.
Ensuite, le roman nous plonge aussi dans le monde de l’édition, monde davantage soumis à l’argent qu’au talent de ceux dont on publie les œuvres ; ainsi, les éditeurs ont pour mission de dégoter des auteurs qui rapporteront de l’argent à la société d’édition pour laquelle ils travaillent. Pour ce faire, on table sur des réputations surfaites, souvent bâties artificiellement, comme celle de Victor Propp, un écrivain dont on attend depuis des lustres le roman génial qu’il est censé concocter. Cette réputation de génie bâtie artificiellement sur des rumeurs, des on-dit, est plus importante que ce que ce soi-disant génie écrit et dont on ne connaît que des extraits. C’est ainsi qu’on fait monter la côte du roman à paraître. Cependant, lorsque Victor Propp meurt, on découvre qu’il n’avait rien écrit.
Par ailleurs, le monde de l’édition est aussi soumis aux modes et aux tendances idéologiques d’une époque. Ainsi, dans un monde où les communautarismes et leurs paroles ont de plus en plus de résonnances, la maison d’édition Corbin, Dern and Cie se demande quelle place elle doit accorder à la littérature afro-américaine. Washington, qui travaille pour la société d’édition Corbin, Dern and Cie, est un noir et il voudrait qu’on laisse une place à des romanciers qui donnerait voix à ce type de littérature mais il se heurte à Harold Stone, le patron, qui préfère s’orienter dans des voies plus traditionnelles.
Enfin, conjointement à l’univers de l’édition, on trouve le milieu des écrivains sans grande inspiration, qui usent des paradis artificiels. Ainsi suit-on l’itinéraire du personnage de Jeff, de sa plongée dans la drogue, à sa cure de désintoxication, puis à son décès.
Par ailleurs, le roman dépeint aussi la vie sociale de ces jeunes loups aux dents longues qui vivent dans les milieux autorisés de New York. On rejoint alors un peu l’univers romanesque de Brett Easton Ellis à travers, notamment, les restaurants où il faut être vu ou encore les pince-fesses auxquels il faut être invité.
Pour terminer, le roman évoque la vie intime de Russell et de Corrine. Si le couple bascule dans la crise, notamment à cause de Russell et de ses activités trop prenantes que Corrine ne cautionne guère, ils ont aussi des amis auxquels il faut montrer belle figure. Ainsi, entre apparences et réalité, le couple Russell-Corrine se déchire en même temps que la crise financière déchire le monde des traders new-yorkais.
Ainsi, si je n’ai pas toujours saisi dans le détail l’affaire de l’OPA sauvage menée par Russell pour racheter la maison d’édition dans laquelle il travaille, j’ai malgré tout relativement apprécié ce premier tome d’une trilogie dont les autres opus seront à suivre sur ce blog. Nous retrouverons donc Russell et Corrine dans La belle vie, d’abord, puis dans Les jours enfuis, ensuite.
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