Courtney Sullivan : Les débutantes / Un bon début
Dès le départ, on est séduit par la fraîcheur de la couverture du roman Les débutantes. A-t-on eu raison de s’embarquer dans ce roman-fleuve, de plus de 500 pages ? A-t-on devant nous un énième roman « pour nous les filles » ? Les débutantes, c’est un roman écrit par J. Courtney Sullivan, qui paraît en 2012 aux éditions Rue Fromentin.
Célia, Bree, April et Sally sont quatre amies fusionnelles ; elles se sont rencontrées à l’université de Smith, à Northampton, dans le Massachusetts. A noter : cette université est exclusivement réservée aux filles. Le lesbianisme y est libre et fréquent. C’est d’ailleurs là que Bree découvre son homosexualité – bien qu’elle se définisse toujours comme hétérosexuelle - en compagnie de Lara. C’est là qu’April s’est engagée fortement dans des associations féministes ; elle continue sur cette voie puisqu’elle travaille désormais pour Ronnie Munroe et effectue des reportages chocs sur les horreurs subies par les femmes aux quatre coins du monde. Célia, de son côté, ne parvient pas à trouver l’âme sœur et doit se contenter de relations éphémères et sans lendemain. Il faut dire qu’alors qu’elle était étudiante, elle a été abusée par un certain Rob… Enfin, Sally, qui peine à se remettre de la mort de sa mère, est tombee amoureuse d’un professeur de littérature, marié et plutôt goujat : Bill Lambert. Mais c’était il y a bien longtemps. Aujourd’hui elle va épouser Jack et c’est à cette occasion que les quatre amies de Smith se retrouvent. Ensemble, elles évoquent le bon vieux temps et font la fête… mais à l’issue de la cérémonie, elles se séparent fâchées car la veille, au repas du soir, elles se sont disputées. Nous retrouvons les filles un an après le mariage de Sally qui découvre en même temps qu’elle est enceinte et que le professeur dont elle était amoureuse – Bill Lambert – et auquel elle pense encore malgré son mariage avec Jack, est décédé. Du côté de Bree, rien ne va plus avec sa petite amie de toujours, Lara qui finit par la quitter. Quant à April, elle ne répond plus à aucun message et semble avoir disparu de la circulation. L’affaire est médiatisée et Ronnie en profite pour diffuser l’objet de leur combat actuel : la prostitution et les sévices sexuels faits aux femmes. Après de vaines recherches, Célia, Bree et Sally sont en passe de se résigner lorsqu’April réapparaît dans l’encadrement de la porte de la chambre de la maternité où Sally vient de mettre au monde sa petite fille. En réalité, April était restée terrée plusieurs mois dans un espace confiné afin de faire croire à sa mort, une mort qui aurait été causée par un proxénète. Ensuite, Ronnie se chargerait de médiatiser l’affaire et l’objet de leur combat à toutes deux : la condition des prostituées. L’idée venait de Ronnie. April, se rendant compte du fait de son exploitation par Ronnie qui ne se décide pas à mettre un terme à sa séquestration, quitte la cachette où elle était obligée de se terrer et refait ainsi surface.
Avec Les débutantes, J. Courtney Sullivan nous emmène dans un « roman pour nous les filles » assez plaisant à lire mais somme toute prétentieux. En effet, l’œuvre prétend délivrer un message féministe et les quatre héroïnes sont là pour illustrer chacune un exemple de femme moderne. Cependant, tous les « romans pour nous les filles » montrent des femmes actives qui cherchent le grand amour derrière leur bureau tout en racontant leur vie à leurs copines. Finalement, Les débutantes n’est pas si différent de ce type de roman, même s’il prétend défendre la cause des femmes.
Les débutantes présente quatre jeune femmes apparemment différentes : une lesbienne, une féministe engagée, une célibataire volage et pour faire le tour de la question de la femme, une femme mariée qui s’apprête à devenir mère.
Cependant, toutes ces filles ne sont obnubilées que par leurs histoires de sexe et d’amour. Dans le fond, toutes cherchent le grand amour et espèrent une maternité. C’est d’ailleurs sur l’image de la mère que se termine le roman puisque la fin se situe dans une chambre de maternité : Sally vient d’avoir son bébé. Ainsi, il semblerait que pour J. Courtney Sullivan, le comble de la réussite et du bonheur, c’est de devenir mère, ce que la plupart des femmes deviennent un jour dans leur vie. Serait-ce là l’aboutissement du combat des femmes pour obtenir la place qui leur revient dans la société ? Bof ! Pas très convaincant !
Le roman propose également une histoire d’amitié qui se manifeste par des repas entre amies, des fêtes et des conversations téléphoniques. Ces activités sont la base du récit de cette amitié. Ensuite, l’auteur illustre l’idée reçue selon laquelle en cas de coup dur, on doit pouvoir compter sur ses amies : lorsqu’April disparaît, les autres filles la recherchent et éprouvent le besoin de se rapprocher les unes des autres.
Par ailleurs, le roman offre, il faut bien le dire, une vision désastreuse des hommes : ils sont violents, ils exploitent les femmes, ils les soumettent, ils leur mentent et profitent de leur côté fleur bleue. Seul jack semble sortir du lot : il est prévenant mais il paraît être un personnage un peu bêta : il reste toute la journée à regarder le sport à la télé en mangeant des chips.
Au bout du compte, le roman n’offre aucune véritable originalité dans le message qu’il prétend délivrer et qui reste le message de tout « roman pour nous les filles » qui se respecte. Ainsi, tout en cherchant à promouvoir l’image d’une femme moderne, indépendante, qui se bat pour trouver sa place dans le monde des hommes, nos héroïnes passent leur temps à faire des régimes, du shopping, à se vernir les ongles, à se taper des heures au téléphone avec leurs copines pour raconter leurs histoires de sexe ou d’amour tout en buvant des tasses de chocolat chaud… parfois, comme des hommes, elle se tapent aussi des bitures.
Pour finir, c’est plutôt l’image d’une femme victime des hommes que le roman véhicule. Entre celle qui a été violée, celle qui s’est retrouvée entre les pattes d’un homme marié et lâche, celle qui fut abandonnée par son père, on a le choix. Les débutantes, c’est un roman qui se lit sans peine, mais qu’on a plaisir à achever : passons donc à autre chose !
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